« L’homme est né pour le plaisir : il le sent, il n’en faut point d’autre preuve. Il suit donc sa raison en se donnant au plaisir. » Pascal
Sigmund Freud a défini le plaisir comme l’état de détente faisant suite à la décharge d’une tension. Cette définition très « mécanique » du plaisir est surtout valable pour le plaisir sexuel que Freud a érigé en plaisir suprême. Le fait est que le plaisir sexuel est intimement lié à l’intensité du désir qui se trouve assouvi. Plus le désir sexuel est insoutenable, plus la jouissance sexuelle est intense. Mais plus la jouissance sexuelle est intense, plus la frustration qui s’en suit est jugée douloureuse par Freud, d’où son pessimisme fondamental. Freud ne serait d’ailleurs pas étonné de constater que notre société permissive sur le plan sexuel soit caractérisée par la lassitude sexuelle, l’érotisme ayant besoin de l’obstacle de l’interdit pour s’épanouir pleinement…Valable pour le sexe en tant que tel, la définition de Freud ne s’applique pas bien à la plupart des autres plaisirs qu’ils soient physiques ou intellectuel. Outre le sexe, il n’y a en fait que le plaisir du sport qui entre dans les grilles de la définition freudienne. Le plaisir de la table ou celui du repos n’est en aucun cas pris en compte par une telle définition.
Chez Platon, le plaisir est défini comme la réponse à un manque. Le désir étant manque, sa réalisation se caractérise par un « remplissage » qu’on appelle plaisir. Mais comme le montre Socrate à travers l’exemple concret d’une chaîne qui le démange, le plaisir est intimement lié à son contraire la douleur. Le plaisir de se gratter la jambe se transforme rapidement en son contraire la douleur. Le plaisir n’est donc pas un bien très fiable auquel il faut préférer la paix de l’âme du sage. Epicure précisément va définir le plaisir comme l’absence de trouble, l’ataraxie, refusant ainsi l’idée positive du plaisir. L’épicurisme bien compris est donc tout sauf un hédonisme. Epicure se contentait d’ailleurs d’un morceau de pain rassis et d’un bol de lait caillé comme repas…Il estimait aussi que le plaisir sexuel bien que naturel, n’était pas nécessaire au bonheur humain…Du point de vue d’Epicure, le plaisir serait avant tout la capacité à vivre dans l’instant présent en cueillant le jour ici et maintenant (carpe diem, hic et nunc) Cette morale du plaisir se retrouve aussi dans la pensée zen à travers l’idée de la concentration sur le ressenti immédiat sans le passage par la médiation du mental.
La question qu’est-ce que le désir conduit nécessairement à une aporie, car il ne saurait avoir de définition objective à quelque chose d’aussi subjectif que le plaisir. Le personnage sadien trouve son plaisir dans la douleur qu’il inflige à autrui. Le personnage de Sacher-Masoch trouve son plaisir dans l’humiliation que lui inflige la belle femme désirée. Freud a un peu rapidement évoqué la pathologie du « sado- masochisme » en associant les deux auteurs maudits. Or, d’après Deleuze, la logique sadienne n’a rien de commun avec la logique « masochienne », le plaisir de souffrir n’étant pas la face inverse du plaisir de faire souffrir. Sacher-Masoch est à mon sens l’auteur qui a le mieux pensé la question du plaisir dans sa relation à l’amour et à la beauté. Il a su pénétrer l’essence du plaisir dans les arcanes les plus intimes de la subjectivité humaine…
Bibliographie : Freud, Au-delà du principe de plaisir – Platon, Le Philèbe – Sacher-Masoch, la Vénus à la fourrure
(café-philo du 09/09/09 au St René)
Jean-Luc Berlet.