Le Combat de Carnaval et Carême;1559 -huile sur bois (chêne) 118×164,5 cm; Autriche, Vienne, Kunsthistorisches Museum
Les Jeux d’enfants est une peinture à huile sur panneau de bois peinte par Pieter Bruegel l'Ancien en 1560. Il est exposé actuellement au Kunsthistorisches Museum à Vienne.
Ce festivocrate de la nouvelle génération, qui vient après Homo festivus comme Sapiens sapiens a succédé à Homo sapiens, est l’individu qui festive qu’il festive à la façon dont Sapiens sapiens est celui qui sait qu’il sait ; et s’il a fallu lui donner un nouveau nom, ce n’était pas dans la vaine ambition d’ainsi inventer un nouvel individu, mais parce que ce nouvel individu était bel et bien là, partout observable, et qu’il reléguait déjà son ancêtre Homo festivus au musée des âges obscurs du festivisme taillé.
Philippe Muray, Festivus festivus
Tout se passe comme si Philippe Muray renouait ici de manière réactualisée et dédoublée avec le thème pascalien du divertissement. L’homme qui se divertit pour oublier son ennui décrit par Pascal correspond à ce que Muray appelle l’Homo festivus. C’est en faisant sans cesse la fête que cet Homo festivus croit oublier sa misère sans Dieu selon Pascal ou sa perte du sens selon Muray. Mais cet Homo festivus serait pour Muray aujourd’hui dépassé par le Festivus festivus, celui qui pour ainsi dire fête sa fête, s’enivre du fait de s’enivrer… en bon « zoologue » de notre postmodernité, Murray a vu dans le « bobo » parisien le spécimen le plus accompli de cet homo festivus festivus. Pour ce nouvel homme de l’ère postmoderne, il ne s’agit plus seulement de faire la fête pour se changer les idées, mais la vie doit devenir une fête permanente. Et de fait, Murray constate à juste titre que le festif envahit progressivement toutes les sphères de l’existence, le cas de Paris étant à cet égard révélateur. Après la fête de la musique ans les années 80, Paris-plage dans les années 90, la Nuit blanche dans les années 2000, Paris tend à devenir aujourd’hui un vaste champ de jeux. Même la philo n’échappe pas à la contagion festive avec la toute récente fête de la philo. Si Murray était encore des nôtres, il aurait certainement eu quelques bons mots pour cette ultime initiative… mais pour lui, Paris n’est jamais que l’exemple caricatural d’une tendance mondiale. Ce qu’on appelle la mondialisation n’est pour Murray que le terme qui désigne la victoire planétaire de cet homo festivus festivus. Son ami Baudrillard avait déjà prophétisé en 1970 dans son livre « La société de consommation », l’avènement futur d’une telle société hyper-ludique. Pour Baudrillard comme pour Murray nous vivons une époque post-historique où il ne reste plus rien d’autre à faire que de s’amuser. Si le monde n’est pas encore devenu un gigantesque parc d’attractions pour touristes écervelés, c’est la faute aux crises géopolitiques et économiques qui retardent encore cette échéance inéluctable.
Si l’analyse de Murray me paraît très pertinente en dépit de certaines outrances, il ne répond pas directement à la question de savoir pourquoi l’homme se complaît dans le ludique? La réponse implicite qu’il donne à cette question c’est l’abrutissement de l’homme postmoderne, la fête et le jeu étant une manière d’oublier son inanité. En définitive, avec ses mots Murray en vient à la même conclusion que Pascal. L’homme se complaît dans le ludique pour se divertir de son Ennui, pour emplir le vide d’une âme coupée de Dieu ou du divin. Or, Murray voit dans ce phénomène postmoderne du triomphe de l’homo festivus festivus la marque d’une possession diabolique…
Jean-Luc Berlet.
(café-philo du 17/02/14)
Bibliographie: Festivus festivus Philippe Muray, Elisabeth Lévy.
L’époque refait le monde, elle y met tous ses soins. Puis elle contemple son ouvrage et elle le trouve bon. L’écrivain Philippe Muray, dans ces dialogues avec Élisabeth Lévy réalisés peu avant sa disparition, se demande plutôt s’il y aurait quelque chose à en sauver. Au fil de sept conversations mouvementées, Muras et Lévy font assaut de désaccords, divergences, dissensions et discordes. Assez souvent aussi, ils tombent d’accord ; mais sur quoi, quand on ne sait plus de quoi est faite la réalité ? Pendant ce temps, l’événement passe et repasse. De Bagdad à Paris-Plage, de la Nuit blanche à la canicule noire, des intermittents en éruption au mariage gay, du Christ de Mel Gibson aux damnés de l’alter(mondialisme), du 11 septembre au 21 avril, nous suivons les aventures de Festivus festivus, " dernier homme " occidental, rebelle rémunéré, créature emblématique de la nouvelle humanité.
Et toujours revient cette interrogation lancinante, cette obsédante question de fond : y a-t-il une vie après l’histoire ? La réponse est oui. Mais dans quel état !