« Quand nous disons que l’homme se choisit, nous entendons que chacun d’entre nous se choisit, mais par là nous voulons dire aussi qu’en se choisissant il choisit tous les hommes». Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme.
Jean-Paul Sartre est indéniablement le philosophe qui affirme de la manière la plus radicale que nous avons le choix de nos choix. Or, pour lui avoir le choix de nos choix est ce qui caractérise précisément notre condition de créature entièrement libre et responsable. Par sa liberté de choix, chacun d’entre nous engage l’humanité entière par ses choix. Pour Sartre, la liberté de choix a comme conséquence redoutable l’absence de toute excuse pour nos actes. Certes, le philosophe parisien ne nie pas que certaines données objectives comme notre date et lieu de naissance, notre apparence physique ou notre sexe ne sont pas le fruit de notre choix. Mais pour lui ces faits contingents n’ont pas d’importance, l’important étant le sens que l’on choisit de leur donner à travers le choix de notre projet de vie. Sartre ajoute que choisir cela d’être ceci ou cela, c’est affirmer en même temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous ne pouvons jamais choisir le mal ; ce que nous choisissons, c’est toujours le bien, et rien ne peut être bon pour nous sans l’être pour tous.
Cette position radicale de Sartre dans L’existentialisme est un humanisme est une réponse polémique contre la psychanalyse freudienne. En effet, à l’inverse de Sartre, pour Sigmund Freud nous n’avons pas le choix de nos choix, car ces derniers nous sont dictés soit par l’inconscient ou soit par le surconscient. Notre moi croît être libre de choisir, mais en fait il est toujours sans le savoir contraint soit par le surmoi (les interdits sociétaux et parentaux) ou par le ça (les désirs refoulés). Tout se passe ainsi comme si l’idée d’inconscient venait remplacer chez Freud l’idée de destin chez les Anciens. C’est d’ailleurs très logiquement que Freud a fait de la tragédie d’Œdipe le socle mythique de tout son édifice théorique de la psychanalyse. Car Œdipe est à la fois la figure emblématique du désir incestueux du fils pour la mère mais aussi la victime d’une destinée implacable…
Ces deux positions radicalement opposées de Sartre et de Freud sur la question de la liberté de choix ont à la fois le mérite de la clarté et l’inconvénient de la caricature. Entre cette thèse et cette antithèse extrémiste, il y a un vaste espace pour une multitude de synthèses. J’ai ici choisi de retenir la synthèse du philosophe danois Kierkegaard. Le père désigné de l’existentialisme adopte à mon sens une position très intéressante de tension dialectique entre la liberté et le déterminisme du choix. Cette position subtile transparaît très nettement dans son essai Coupable,-non coupable ? au sein de son œuvre Etapes sur le chemin de la vie. Kierkegaard revient sur sa faute sentimentale vis-à-vis de sa fiancée Régine Olsen qu’il a quittée brutalement sans raison justifiable. D’une part, il assume pleinement sa responsabilité et sa culpabilité en évoquant sa totale liberté de choix dans sa décision de rompre ses fiançailles avec Régine. Mais d’autre part, Kierkegaard évoque aussi une étrange destinée qui l’aurait contraint à ce choix douloureux, ce qu’il associe à une sorte de providence cachée. Ainsi en tant que penseur de l’existence qui croit dans la liberté, Kierkegaard se dit coupable, mais en tant que poète du religieux qui croit dans le destin, il se dit non coupable…
Jean-Luc Berlet.
(café-philo du 14 avril 2014)
Épître aux Romains (7, 15-21) : « Ce que je veux, je ne le fais pas ; ce que je ne veux pas, je le fais. »
Paul.
Choix est l’action de choisir ce que l’on nomme un déverbal. (Linguistique) Substantif obtenu en retirant la désinence verbale d’un verbe à l’infinitif et qui exprime l’action.
En ancien français coisir, du francique *kausjan. De cette racine germanique sont issus l’anglais (to) choose, l’allemand kiesen, et le néerlandais kiezen. Petit à petit, le mot a fini par supplanter élire, qui a pris un sens spécialisé. Causir (provençal) le mot appartient à la même famille que le latin gustare goûter. Le sens ancien « distinguer par la vue, voir distinctement »
En latin nous avons optar, apparenté à opinor (« soupeser, penser ») et optio (« choix ») ou au grec ὄψομαι, aoriste de ὁράω, (voir). Nous retrouvons là des mots comme opter, option.
Le choix est l’ensemble des choses entre lesquelles choisir, désigne particulièrement un ensemble de choses sélectionnées pour leurs qualités. (sélection).
La volonté consiste pour l’homme à poursuivre une fin plutôt qu’une autre : je suis immobile, est-ce que je veux lever le bras ou rester immobile ? J’hésite entre deux fins, mais celle que je choisirai n’aura pas été décrétée par ma volonté à partir de rien, comme si du néant pouvait advenir l’être. Si vous décidez de ne pas lever le bras, en ce moment, c’est peut-être parce que vous avez la flemme de le faire, vous êtes concentré sur ce que j’écris, votre esprit n’est pas présent à l’état actuel de votre corps. Si vous décidez de lever le bras, c’est parce que vous voulez vous prouver à vous-même que vous avez bien un contrôle sur votre corps, parce que votre esprit n’est pas actuellement complètement déconnecté de l’activité effective de votre corps.
La volonté est donc toujours déterminée, elle traduit l’état général d’un esprit et constitue donc plus un effet qu’une véritable cause suffisante. Il n’existe donc pas une faculté de volonté qui produirait des volitions à partir de rien, il n’y a que des volitions particulières qui ne sont que l’expression de l’état actuel du corps et de l’esprit (Voir Éthique II, prop. 48 et scolie).
In mente nulla est absoluta sive libera voluntas sed mens ad hoc vel illud volendum determinatur a causa quæ etiam ab alia determinata est et hæc iterum ab alia et sic in infinitum.
Demostratio :
Mens certus et determinatus modus cogitandi est (per propositionem 11 hujus) adeoque (per corollarium II propositionis 17 partis I) suarum actionum non potest esse causa libera sive absolutam facultatem volendi et nolendi habere non potest sed ad hoc vel illud volendum (per propositionem 28 partis I) determinari debet a causa quæ etiam ab alia determinata est et hæc iterum ab alia etc. Q.E.D.
Mais au moment où vous voulez ceci plutôt que cela, vous ne pensez pas forcément à ce qui vous a amené à cette volition précise, vous avez donc tendance à croire que cette volition vient d’une volonté qui pourrait produire une infinité de volitions à partir de rien. D’où l’illusion du libre arbitre.
La volonté désigne le plus souvent, la faculté d’exercer un libre choix gouverné par la raison, autrement dit la faculté qu’a la raison de déterminer une action d’après des « normes » ou des principes. En cela, elle s’oppose à la spontanéité du désir, ou aux « instincts naturels », dont la réalisation ne fait appel à aucune délibération. La volonté est ainsi l’expression de la liberté de l’arbitre chez un sujet, par exemple entre ses désirs actuels et ses souhaits futurs.
Le concept de volonté est lié à la conception que l’on se fait de la raison. De cette conception dépendent aussi les notions de liberté et de responsabilité, qui posent les fondements de la morale et du droit. Les questions relatives à la notion de volonté se rapportent donc à l’éthique.
D’un point de vue philosophique et psychologique, la volonté est fréquemment associée à l’intentionnalité : pour qu’il y ait un acte volontaire, il doit, semble-t-il, y avoir une intention, c’est-à-dire l’élaboration par un sujet d’une pensée jouant un rôle dynamique, allant de la représentation consciente de l’acte à venir, et de l’anticipation de ses éventuels effets (conséquences), jusqu’à la décision du passage à l’acte. À ce titre, la volonté ne semble donc pouvoir exister que chez un être capable de se fixer à et par lui-même le principe de son action d’après une délibération réfléchie.
Au sens « moral », « faire preuve de volonté », ou « avoir de la volonté », implique de la ténacité, c’est-à-dire de la détermination ou résolution et de la persistance ou constance, dans une succession d’actions poursuivant un même objectif. Il s’agit donc d’une certaine force du caractère, autrement dit aussi d’une vertu morale.
Le désir est une tendance, un mouvement spontané de l’organisme qui s’accompagnent d’une représentation plus ou moins consciente de l’objet convoité. Il s’agit donc aussi d’une disposition physiologique et psychique finalisée. Cette disposition peut être suscitée par les idées que nous formons, par l’imagination, la mémoire ou encore par des croyances morales, religieuses ou rationnelles. Le désir a ainsi une grande diversité d’expressions : lorsque le désir s’installe en nous de manière durable, ou qu’il prend une grande force, on parle souvent de passion ; mais lorsque cette tendance impulsive est tempérée, maîtrisée, gouvernée, voire inhibée, alors, il y a place pour ce que l’on nomme volonté.
L’un des problèmes majeurs auxquels la volonté est, assez souvent, confrontée dans son exercice est l’existence de dilemmes. En effet, la volonté est, parfois, tiraillée entre deux objectifs (voire davantage) ayant apparemment autant de valeur ou d’importance l’un que l’autre, pourtant ces objectifs paraissent inconciliables.
La nature de la volonté pose des problèmes philosophiques d’ordre moral. Tout d’abord, d’un point de vue métaphysique, l’existence même de la volonté renvoie à la question de l’existence ou non d’un libre arbitre. En effet, les choix que nous prenons pour des choix volontaires, c’est-à-dire libres, sont, peut-être, en réalité, déterminés par des causes biologiques, sociales, culturelles, etc. dont nous n’avons pas conscience : c’est là le problème du déterminisme. En ce sens, la volonté ne serait peut-être qu’un leurre nous dissimulant notre soumission de fait à des principes, naturels, sociaux, etc. qui conditionnent plus ou moins entièrement nos choix à notre insu. Pour agir librement, il faudrait alors que l’homme soit capable de déterminer de manière autonome ses actions, non pas en obéissant à ses désirs égoïstes, ses inclinations naturelles, mais d’après la représentation d’une loi ou d’un principe établis par sa seule raison.
Par ailleurs, le problème moral qui touche au fonctionnement de la volonté est celui de sa possible faiblesse voire de son entière impuissance. En effet, la volonté s’oppose, en principe, aux pulsions naturelles et aux désirs spontanés, auxquels elle nous permet de résister. Toutefois, en pratique, il est fréquent qu’elle n’ait pas la force suffisante pour y parvenir. C’est le problème de l’ ἀκρασία acrasie ou la faiblesse de la volonté, soulevé depuis la philosophie antique grecque, notamment par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque : lorsque nous agissons à l’encontre de ce que nous considérons pourtant comme le meilleur choix. Ce problème pose la question des rapports entre la volonté et le désir, ou encore aussi entre la raison et les émotions : l’homme est-il gouverné par sa raison, lucide et réfléchie, comme il aime à le croire, ou bien ne peut-il s’empêcher d’obéir à ses émotions et à ses désirs, ce qui porterait atteinte à la « dignité » et même à la liberté auxquelles il prétend ?
Dans un dialogue de Platon, le Protagoras, Socrate demande précisément comment il est possible à la fois de juger que A est la meilleure action à faire, et de faire cependant autre chose que A ?
Dans ce dialogue, Socrate affirme que l’acrasie est un concept moral illogique, en soutenant que « personne ne se porte volontairement au mal » (358d).
Qu’est-ce qu’être vaincu par le plaisir ?
Le préalable pour comprendre une telle affirmation selon laquelle « un homme qui sait où est le bien ne peut mal agir » est de s’apercevoir de l’identité du bien, de l’agréable et du bon. Les choses bonnes sont les choses agréables et inversement. C’est ce que Socrate va chercher à démontrer. Or être vaincu par le plaisir, c’est en fait céder à quelque chose d’agréable dans l’immédiat, alors que cette chose sera source de désagrément dans le futur. Ces choses, que l’on recherche pour le plaisir, ne sont elles-mêmes mauvaises que parce qu’elles nous procurent un déplaisir plus grand par la suite. Inversement, certaines choses douloureuses sont dites bonnes, parce que leur douleur est passagère, et qu’elles sont le moyen d’un plus grand plaisir.
On trouve au début de l’Éthique, E1D7 l’idée selon laquelle la liberté est le pouvoir d’être soi-même cause de son être et de ses propres actions, alors que la contrainte consiste à être et agir en étant déterminé par autre chose que soi-même. D’emblée, Spinoza oppose liberté et contrainte et non pas liberté et nécessité. Il peut y avoir libre nécessité.
Il y a de fait une différence notable entre être autodéterminé et être « hétéro » déterminé. Mais le sens commun s’insurge : même si je ne suis déterminé que par moi-même, cela signifie bel et bien que je n’ai pas le choix, que je suis dans l’ordre de la nécessité. Or la notion ordinaire de choix semble indiquer l’idée d’une indétermination foncière de la volonté. Celle-ci serait un pouvoir indéterminé de se déterminer.
La réponse de Spinoza est simple : tout dans la nature doit être déterminé puisque « Deus sive Natura », la nature comme Dieu, existe nécessairement, E1P28, si l’on croit malgré tout que la volonté choisit sans cause, on ne fait qu’ignorer les causes qui l’ont déterminée, car les hommes sont souvent conscients de leurs désirs sans être conscients des causes de ceux-ci, E1 appendice. L’expérience du libre arbitre est donc une expérience aveugle, une illusion.
Le libre arbitre n’est-il donc qu’une illusion ? Ma volonté peut-elle oui ou non déterminer mes actes ?
Le libre arbitre n’est que l’illusion de choisir en ignorant les causes qui déterminent mon choix. Spinoza ne nie pas l’expérience du choix. Il montre simplement que cette expérience devient illusion si on croit par là même faire l’expérience du libre arbitre. Car cette expérience part de l’ignorance des causes de ma décision. Si vous dites par exemple qu’à l’instant vous pouvez choisir de lever le bras ou de ne pas le faire, il y aura une détermination à ce que vous choisirez, détermination que vous ignorez ou oubliez si vous croyez que votre choix vient de votre seule volonté.
Avant la Philosophie, la mythologie.
Janus est une divinité romaine, dieu des commencements et des fins, des choix, des clés et des portes (en grec : Ιανός (Ianós en phonétique). Dieu de premier rang dans la hiérarchie romaine (diuum deus), il a le privilège d'être invoqué avant toutes les autres divinités. En tant que dieu introducteur il est avec Portunus un « dieu des portes » qui préside à l'ouverture de l’année et à la saison de la guerre (les portes de son temple étaient fermées quand Rome était en paix).
Le mois de janvier, januarius, auquel le roi Numa donna son nom, lui était consacré.
L'étymologie de Janus est formé sur la racine *iā provenant elle-même de la racine indo-européenne *ei-(« aller »), terme abstrait correspondant à la notion de « passer ». Cette étymologie correspond au sens que lui donnaient les Anciens. Janus répond au concept de « passage » et il est généralement honoré comme un dieu introducteur.
Les deux épithètes cultuelles du dieu *Patuleius (celui qui ouvre) et *Clusius (celui qui ferme) font de lui la « porte ouvrante » et la « porte fermante » de la religion romaine.
Pater (père) ou encore Januspater est peut-être l'épithète de Janus la plus fréquente. Bien que de nombreux dieux soient également désignées par cette épithète cultuelle, il semble que les Romains aient estimé qu'elle était particulièrement pertinente pour Janus. Quand il est invoqué à côté d'autres dieux, il est appelé simplement Pater. Pour Janus, le titre n'est pas seulement un terme de respect, mais surtout, il marque son rôle primordial. Il est le premier des dieux, et de là, d'une certaine manière, leur père.
Ovide dit que Janus a un double visage parce qu'il exerce son pouvoir sur le ciel, sur la mer comme sur la terre ; il est aussi ancien que le monde ; tout s'ouvre ou se ferme à sa volonté. Lui seul gouverne la vaste étendue de l'univers. Il préside aux portes du ciel, et les garde de concert avec les Heures. Il observe en même temps l'orient et l'occident. Macrobe soutient qu'il est supérieur à tous les autres dieux et l'appelle : deus deorum " dieu des dieux".
Père de Proca, né de l'union avec la nymphe Cama. Père de Canens, la personnification du chant, qu'il maria à Picus, fils de Saturne né dans le Latium après son exil sur terre, et que la magicienne Circé, par dépit amoureux, devait plus tard changer en pic-vert. Par elle, il est le grand-père maternel de Faunus, l'arrière-grand-père de Latinus et l'ancêtre d'une longue lignée royale.
Ovide lui prête également des amours heureuses avec la déesse des eaux douces Venilia et avec la nymphe Cardea ou Carna qu'il parvint à vaincre lors d'un défi — grâce à son double visage — et qui lui accorda ses faveurs à l'issue de sa défaite. Aussi en retour en fit-il une déesse, présidant aux gonds des portes et chargée, en parallèle, de protéger la santé des nouveau-nés, et notamment le bon développement de leurs organes.