« Tout être vivant étant en interaction avec son milieu, si les conditions sont favorables, les structures physiques et physiologiques tendent à s’épanouir, dans le cas contraire elles s’amenuisent. »
Louis Corman, inventeur de la morphopsychologie en 1937
En 1980, Louis Corman a fondé la société française de s. Il faut croire que les évènements historiques lui ont imposé un décalage pour le moins conséquent entre l’année de sa découverte et celle de son officialisation…Comme on dit, nul n’est prophète en son pays et les thèses controversées de Corman ont trouvé bien plus d’échos aux Etats-Unis qu’en France. Cependant, la découverte de Morvan n’avait rien de révolutionnaire, l’idée d’une relation entre l’apparence physique et la vérité psychologique étant pour ainsi dire vieille comme le monde. Les Spartiates immolaient leurs enfants difformes, considérant que la laideur physique était le fait d’une malédiction divine. Le divin Platon n’a pas hésité à faire l’éloge d’une telle pratique infanticide dans sa République. Aujourd’hui, le délit de « sale gueule » continue à faire ses dégâts dans toutes les polices et toutes les mafias de la planète ont recours aux plus belles filles pour tromper leur monde. La morphopsychologie s’inscrit dans le prolongement d’autres pseudos-sciences plus anciennes. L’idée selon laquelle le visage révèlerait le caractère et la psychologie d’une personne a été soutenu pour la première fois de manière soit- disant scientifique par le théologien suisse Lavater au 18ème siècle. La physiognonomie créée par Lavater a été prolongée par la phrénologie de Gall et Spurzheim au 19ème siècle et la caractérologie de Le Senne au 20ème siècle.
Cependant, notre question : ai-je le physique de ma pensée ? peut aussi être traitée sur un tout autre plan que celui de ses pseudosciences qui ont été souvent récupérés par les théoriciens du racisme. Avec le culte du corps qui s’est imposé aujourd’hui et les progrès fulgurants de la chirurgie esthétique, la question peut d’ailleurs être radicalement renversée par rapport à l’approche de Lavater. Ainsi, avoir le physique de sa pensée ne signifierait plus que le corps reflète l’esprit, mais que l’esprit est capable de donner la forme qu’il veut au corps, ce qui est tout autre chose. En d’autres termes, les progrès de la technologie sportive, pharmacologique et chirurgicale redonnent aujourd’hui une certaine vérité aux thèses très controversées de l’obscur théologien helvète. La seule différence, si l’on peut dire, c’est qu’à son époque Lavater pensait que c’est Dieu qui avait voulu que notre physique reflète notre pensée, alors qu’aujourd’hui les « gourous » du transhumanisme prétendent que chacun d’entre nous peut devenir ce nouveau dieu qui sculpte son corps à l’image de son esprit grâce à la technique. Et comme souvent, c’est le cinéma américain qui a le mieux traité cette question très narcissique et postmoderne à travers le film culte de John Woo « Volte-face ». Le bon incarné par Nicolas Cage s’est retrouvé avec la « gueule du méchant incarné par John Travolta et vice-versa grâce au prodige médical des greffes de visage.
Enfin, étant donné que le sujet est énoncé à la première personne du singulier, je me sens autorisé à donner ma réponse très personnelle à la question. Je pense en effet avoir acquis avec la maturité le physique de ma pensée, tout se passant comme si l’esprit modelait progressivement le corps à son image. C’est peut-être une telle vérité qui explique le paradoxe troublant qui veut qu’on se trouve presque toujours moche quand on est jeune et beau quand on est vieux. Mais la cruauté de la vie veut que ce sentiment est très peu partagé par les autres…