Sommes-nous libres de nos désirs ? (café-philo du 23 mai 2016)
« Nous nous croyons libres, autonomes dans nos choix, que ce soit celui d’une personne ou d’un objet. Illusion romantique ! »
René Girard
À travers sa célèbre théorie du désir triangulaire et du désir mimétique, René Girard nous indique qu’il est très difficile d’être libre de ses désirs. Selon lui, l’être humain est esclave d’une logique implacable du désir sous la forme d’un véritable triangle du Diable ! On croit désirer librement un être ou une chose alors qu’en réalité ce désir obéit à un principe d’imitation. Pour Girard, le désir est presque toujours un désir désiré. Le désir met trois pôles en relation : le sujet désirant, l’objet désiré et le médiateur du désir.
Prenons un exemple basique pour illustrer la thèse de Girard. Pierre aime Marie, qui est en couple avec lui. Lors d’une soirée, Pierre présente Marie à son pote Marc qui vient de se faire larguer par Julie. Marc n’est pas spécialement attiré par Marie, mais il est jaloux du bonheur de son pote Pierre. Désirant le désir de Pierre, il croit désirer Marie et il se met à lui faire la cour, suscitant la colère de son pote qui se froisse avec lui… Dans ce cas de figure, Pierre est le médiateur du désir, Marie l’objet désiré et Marc le sujet désirant. Girard appuie sa thèse avec de nombreux exemples tirés de la littérature dans son ouvrage Mensonge romantique et vérité romanesque. De nombreux films fonctionnent aussi sur ce modèle à l’image de l’excellent L’étrange Monsieur Ripley avec Matt Damon dans le rôle du sujet désirant…
En lecteur critique de Freud, Girard a inversé le schéma freudien du complexe d’Œdipe à l’aune de sa théorie du désir mimétique. Pour Freud, le petit garçon a une véritable attirance sexuelle pour sa mère, ce qui le met en rivalité avec son père. Pour Girard au contraire, c’est la rivalité du petit garçon avec son père qui lui fait désirer sa mère afin de se substituer au père… À mon sens, il se pourrait bien que Freud et Girard aient tous les deux un peu raison, le désir de pouvoir et le désir d’amour se mêlant aisément.
Toujours est-il que, pour Freud comme pour Girard, nous ne sommes pas libres de nos désirs. Mais pour Freud ce n’est pas pour la même raison que Girard que nous ne sommes pas libres de nos désirs. Selon Freud, notre désir est presque toujours le jouet de notre inconscient qui semble prendre un malin plaisir à se jouer de nous. Tout se passe comme si nous étions esclaves du désir et ce bien plus souvent pour le pire que pour le meilleur. Les histoires d’amour finissent mal en général comme le dit la chanson de Catherine Ringet… Freud précise que c’est un complexe d’Œdipe mal surmonté qui explique la fréquence des désastres amoureux, la femme ne supportant pas d’être systématiquement comparée à la mère de son mari !
En définitive, si on peut dire avec Girard et Freud que fondamentalement nous ne sommes pas libres de nos désirs, il faut ajouter qu’il existe une voie qui permet de se réapproprier un tant soit peu la liberté de ses désirs. Or cette voie c’est Spinoza qui l’a montré dans son ouvrage L’Éthique. Pour le sage d’Amsterdam, c’est en apprenant à connaître les causes profondes de nos désirs que nous pouvons accéder à une certaine libération. En lecteur avisé d’Épicure, Spinoza croyait en la possibilité de privilégier les désirs naturels et nécessaires par rapport aux désirs superflus.
Jean-Luc Berlet.
Biblio : René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque — Sigmund Freud, Théorie de la sexualité — Spinoza, L’Éthique.
Commençons par le mot, son sens, son origine.
Désir nous dit le dictionnaire est le déverbal de désirer. Le désir est l’action de désirer, le résultat de cette action.
Désirer, le verbe, vient (fin XIe siècle) du latin desiderare, (regretter l’absence de quelqu’un ou quelque chose), dérivé de sidus, sideris, « constellation, étoile » : dans la langue des augures ou des marins, constater l’absence d’un astre signifiait déception, regret, au contraire de considerare, constater sa présence et par extension « considérer, examiner attentivement ».
L’anagramme de désirer est sidérer. Sidérer vient du latin siderari (« subir l’influence néfaste des astres »).
Synonymes:
amativité, ambition, amour, appel, appétence, appétit, ardeur, aspiration, attente, attirance, attrait, avidité, besoin, bouillonnement, boulimie, but, caprice, chaleur, concupiscence, convoitise, cupidité, curiosité, demande, démangeaison, desiderata, dessein, envie, éros, espérance, espoir, exigence, faim, fantaisie, feu, flamme, force, goût, humeur, idée, impatience, inclination, intention, intérêt, libido, objectif, passion, penchant, prétention, propos, prurit, rapacité, résolution, rêve, revendication, salacité, sensualité, soif, souhait, tendance, tentation, vanité, velléité, visée, voeu, volonté, vouloir.
Antonymes:
apathie, appréhension, aversion, crainte, dédain, dégoût, désamour, effroi, frayeur, inappétence, indifférence, inquiétude, mépris, peur, regret, répugnance, répulsion, satiété, satisfaction.
Ainsi l’origine du mot nous interdit de penser que nous sommes libres de nos désirs, ces derniers venant d’une force extérieure les astres et le ciel. Nos désirs nous sidèrent.
Les Grecs fondent le monde à partir des cinq divinités primordiales, c’est ce que nous apprend le texte Θεογονία (Théogonie) écrit au VIIIe siècle par Ἡσίοδος (Hésiode). De ces cinq divinités primordiales, Χάος (Chaos) engendre Ἔρως, (Éros) dieu de la puissance créatrice. Jean-Pierre Vernant le présente comme le principe qui « rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l’unité ». Cependant, Jean-Pierre Vernant affirme qu’il existe deux Éros. Le premier, Ἔρως primordial, est présent depuis la nuit des temps et représente l’union non sexuée. Ἔρως sexué naît quant à lui de la castration Οὐρανός (Ouranos) par Κρόνος (Cronos). Κρόνος a en effet lancé le sexe de son père à la mer et de là naît Ἀφροδίτη (Aphrodite), Ἵμερος (Himèros) et Ἔρως sexué à l’origine de l’union entre les mâles et les femelles.
Ἔρως le plus connu des dieux a longtemps fait oublié son jumeau Ἵμερος, la personnification du désir amoureux. Selon Ἡσίοδος, il demeure près de la plus haute cime deὌλυμπος (l’Olympe), aux côtés des Χάριτες(les Grâces) et des Μοῦσαι (Muses). Avec Ἔρως, il accompagne Ἀφροδίτη après sa naissance à Chypre.
En grec si Ἵμερος (Himéros) est un nom c’est aussi un mot qui signifie le désir. En tant que nom il est une divinité allégorique, qui marche avec Ἔρως à la suite de Ἀφροδίτη. Un groupe de Σκόπας (Scopas, vers -420 – -330 est un sculpteur et architecte grec, natif de Paros dans les Cyclades), placé dans le temple de Ἀφροδίτη à Μέγαρα (Mégare), représentait la triade des dieux Ἔρως, Πόθος (Pothos) et Ἵμερος.
D’autres textes nous apprennent Ἵμερος (Himéros) est le fils d’un des premiers héros de Sparte. Il est l’époux de Cléodice, et le père d’Asopus. Selon d’autres auteurs, Ἵμερος était un beau jeune homme qui fut invité à une grande fête. Le soir la fête battant son plein, le vin coulait à flots. Ἵμερος s’enivrera avec excès, dans son délire alcoolique il jette son dévolu sur une jeune femme qui veut lui résister, alors il la viole, puis sombre dans les bras de Μορφεύς (Morphée) jusqu’au lendemain matin. En se réveillant, une fois dégrisé, il apprend le scandale dont il fut l’instigateur. En effet la veille, il a violé sa propre sœur. Fou de désespoir, il court sur la falaise qui domine de hautes gorges et se suicide en se jetant dans l’abîme au fond duquel coule le Μαραθών (Marathon), que l’on nomma alors Ἵμερος, et qui plus tard reçut le nom Εὐρώτας (Eurotas). Ζεύς (Zeus) ému de cet acte, le ressuscite et le rend immortel en en faisant le Dieu du Désir.
Si Πόθος (Pothos) et Ἵμερος (Himéros) sont le nom de divinités grecques ils sont également des mots qui nomment le désir.
« Qui triomphe ici c’est l’Himéros rayonnant, le désir né des regards de la jeune promise au lit », dit le choeur grec. Himéros est l’éclat du désir, « victorieux », désir décidé qui fait d’Antigone la désirante désirée. Himéros est la fleur du désir qui éclot dans le champ de la pulsion entre deux morts. L’héroïne, créée par Sophocle, est le paradigme du désir en acte et est l’objet cause du désir notamment de Hémon.
Himéros provient du verbe grec himeirein, « désirer ». Alors qu’Éros est l’amour comme sentiment, Himéros est le désir sexuel proprement dit. Himéros n’est pas le désir en tant que manque, aspiration, vide de satisfaction, mais plutôt l’état de désir, d’excitation jouissante ; le désir dans son assertivité, devenu visible chez « l’être pour le sexe ». Il ne s’agit pas ici du désir avec des empêchements résultant de son articulation à la Loi, qui se décline en insatisfait, prévenu ou impossible, comme chez le névrosé. Ce n’est pas le désir dans ses errances, qui saute d’objet en objet et qui ne se satisfait jamais parce qu’il est métonymie du manque. Himéros est le désir en sa positivité, un désir assertif, désir en acte — base du désir de l’analyste.
La psychanalyse à partir de Lacan,dit d’Himéros est un des noms du désir en son assertivité. Au-delà de la demande, voilà le désir et son réel de jouissance : dans le champ scopique « le désir à l’Autre », et dans le champ invocant le « désir de l’Autre ». Le regard et la voix sont les deux effaçons du sujet qui s’évapore pour laisser briller le désir.
L’arrivée de la lumière du jour sortie de l’obscurité de la nuit était pour les Grecs une lumière désirée. D’où le mot himera pour désigner le jour, comme nous l’a appris Platon. « Bonjour », c’est kalimera ! , littéralement « Beau jour ! » Lacan, à partir de là, propose une nouvelle salutation « Kalimeros ! » — Bonjour et Beau désir !
Le Désir est l’élan vital fondamental des humains. C’est le Désir qui les pousse à vivre de l’enfance jusqu’à la mort. C’est le moteur de leurs motivations, c’est le vecteur de leur volonté, c’est ce qui détermine toutes leurs aspirations. Une personne sans aucun Désir témoigne d’une dépression profonde qui menace sa physiologie, sa psychologie, sa sociabilité.
Le Désir est défini par le dictionnaire comme prise de conscience de l’attirance vers un objet réel ou imaginaire.
Dans le Banquet, Platon développe que les mortels recherchent ce qu’ils n’ont pas, ce qui leur manque pour être complet. Il prend l’exemple du Mythe des androgynes primordiaux raconté par Aristophane :
Les premiers humains étaient des frères siamois ou des sœurs siamoises ou des androgynes siamois, ils étaient doubles et accédaient à une telle volupté qu’ils en oubliaient de rendre le culte aux dieux et voulaient même rivaliser avec eux. Alors, Zeus courroucé décida de le scinder en deux, il pratiqua l’opération chirurgicale de séparation des siamois. Depuis les humains recherchent leur double, l’homme ou la femme dont ils ont été séparés par Zeus.
Socrate explique ce que lui a enseigné Diotime, la grande prêtresse de Mantinée concernant le Désir : Les humains de par leur statut de mortel ont un manque à être qu’ils veulent combler par un objet. Ce sera d’abord, le Désir des beaux corps et donc la sexualité, puis devenant plus sages ils aspireront à l’acquisition des vertus, et le savoir des idées célestes, ils voudront se rendre immortels par la création dans l’art et dans la philosophie.
Selon Epicure, le désir est la quête de plaisir. Mais pour lui il faut distinguer les plaisirs nécessaires et les plaisirs superflus. L’hédonisme selon lui doit chercher à ne satisfaire que les plaisirs nécessaires et cela de façon sobre et surtout bien se garder de satisfaire les plaisirs superflus qui ne peuvent que pervertir l’homme. Epicure défend la thèse de l’ontologie atomiste de Démocrite, selon laquelle tous les êtres sont composés de particules élémentaires insécables, en grec atomes. Les êtes ainsi constitués s’échangent des atomes aussi. Selon que les atomes échangés sont attractifs ou répulsifs, il en résulte l’amour ou la haine.
La recherche de la Joie selon Spinoza : L’essence de l’homme est le Désir, en quoi réside le fondement de l’éthique. Libéré de toute transcendance, de toute fantasmagorie et de tout moralisme ascétique, l’homme libre reconnaît dans le Désir un “effort pour persévérer dans l’être”, un dynamisme, une “puissance d’exister”.
Quand cette puissance est affirmée naît la joie : elle est accroissement de notre être et donc accomplissement du Désir en ses diverses expressions, les “affects”. Le Désir n’est pas une quête de l’impossible ni un manque indépassable, mais un dynamisme qui est la source de ses propres valeurs et qui peut accéder à la plénitude, c’est-à-dire à la satisfaction. C’est pourquoi l’éthique est la définition et la recherche de ce « vrai bien » qu’est « la permanence d’une joie souveraine et parfaite. » La voie qui y conduit passe par la critique des obstacles intérieurs et extérieurs, c’est-à dire de toutes les formes de la « servitude » : passions (désirs passifs et non pas désirs en tant que tels), « superstition religieuse », imagination, autoritarisme politique.
Cette éthique de la joie n’est pas un ascétisme. La joie est l’ensemble des jouissances du corps et de l’esprit lorsqu’elles sont « adéquates », à savoir autonomes et réellement expressives de l’essence de chaque individu : plaisirs, joies esthétiques, souci du cadre de vie, exercices physiques, connaissance réflexive de la Nature et de l’homme. A la différence de l’idéalisme dualiste, ce n’est donc pas le Désir qui, pour Spinoza, est source de servitude (d’« aliénation »), c’est la passion. Celle-ci n’est qu’un désir rendu passif par l’ignorance de la Nature et par l’ignorance de soi, c’est-à-dire des associations imaginaires qui nourrissent trop souvent l’affectivité. La joie appelée « béatitude » lorsqu’elle est constante et parfaite est donc l’accomplissement véritable du Désir, tel qu’il est saisi par la « connaissance réflexive ».
Pour Freud le but du Désir c’est la satisfaction de la libido, c’est la réalisation des phantasmes inconscients. D’abord la libido, elle s’exprime à travers les pulsions libidinales, orale, anale, scopique, puis génitale. Ses pulsions génitales sont en quête d’un objet qui leur manque. La pulsion orale est quête du sein maternel, la pulsion anale de l’étron, puis la pulsion génitale du sexe opposé. Toutes ses pulsions partielles sont ensuite à la sortie du Complexe d’Oedipe et de sa castration symbolique par l’interdit de l’inceste, sont en quête du phallus qui leur manque.
Selon Freud, l’homme et la femme ont pour objet du Désir, un objet symbolique qu’est le Phallus, symbole du pouvoir, de la domination de l’autre. Pour Freud la problématique du Désir c’est d’avoir ou d’être le Phallus. Les femmes cherchent le plus souvent à être le Phallus de leur partenaire et les hommes sont en quête d’avoir le Phallus.
Pour Lacan suivant la thèse de Platon, l’humain a de par son statut de mortel un manque à être, il est en quête d’un objet que Lacan appelle l’objet petit a. Le sujet du Désir est coupé de cet objet petit a, à sa sortie du Complexe d’Oedipe, après la castration symbolique il est en quête du Phallus. Mais de plus selon Lacan, l’humain s’émancipe du Besoin qui est le lot de la gent animale, il s’émancipe du besoin en le sublimant pour se mettre en quête d’un idéal, en quête des étoiles, il garde les pieds sur terre mais regarde les étoiles. Selon Lacan le sujet par son Désir s’émancipe du Besoin. Par son Désir, il cherche à a se faire reconnaître par l’autre de son Désir. Pour Lacan, le Désir c’est le désir de l’autre. Le Désir s’instaure par identification au Désir de l’autre, de l’autre qui l’a amené à la parole et au langage. Selon lui, la structure de personnalité la plus équilibrée c’est la structure hystérique et le désir de l’hystérique c’est le Désir de l’autre, d’où la grande plasticité des hystériques très influençables qui se soumettent à la mode et suivent la mode comme des moutons de Panurge.
Le moteur du Désir est variable selon les différents auteurs, ce sera la créativité selon Platon, la Loi et le Désir sont liés d’après Freud, la transgression de l’interdit selon Georges Bataille, les Machines désirantes d’après Deleuze et Guattari, la volonté de savoir selon Michel Foucauld.
Dans « Le Banquet » Platon fait dire à Socrate ce qu’il a appris de Diotime de Mantinée, la grande prêtresse concernant l’amour et le Désir. D’après elle, de part son statut de mortel, l’humain aspire à l’éternité, pour se rendre immortel il se perpétue via sa descendance, sa progéniture, ou par sa créativité artistique ou littéraire, ainsi Homère par delà les siècles s’est perpétué dans le souvenir des grecs, comme Hésiode, Thalès de Milet, Héraclite d’Ephèse, Parménide ou Démocrite, comme Phidias le sculpteur et les sages instaurateurs de la démocratie Solon ou Périclès.
Dans un premier temps chez l’enfant les pulsions partielles libidinales sont autonomes et se satisfont en dehors de la Loi de l’interdit de l’inceste et cela jusqu’à la sortie du Complexe d’Oedipe qui se résout par la castration symbolique au nom du père de la Loi, du père symbolique. Dès ce moment les pulsions se mettent sous la tutelle du Phallus symbolique et s’établit le Désir qui vise à sublimer les pulsions dans la quête d’un idéal du Moi dont les racines sont inconscientes. Donc le Désir du sujet mature est lié à la Loi de l’interdit de l’inceste.
Dans son essai « L’érotisme » Georges Bataille définit l’Eros comme la quête de la transgression des interdits pour que l’homme puisse s’identifier à un dieu en marge des interdits et de la Loi. Le Sacré chez l’humain a un statut d’extraterritorialité, le Sacré est en marge des lois des mortels, il touche au divin qui s’émancipe du profane. Il y a dans l’érotisme selon Bataille un caractère sacré, où les mortels frisent avec l’immortalité. Le polythéisme du paganisme grec antique illustre mieux que les monothéismes les aspirations d’Eros et d’Himéros, Zeus et Aphrodite ont une vie faite de frasques érotiques qui sont anthropomorphiques et illustrent bien les aspirations du Désir et des Phantasmes inconscients des humains.
Dans leur fameux essai « L’anti Oedipe » Gilles Deleuze et Félix Guattari créent un nouveau concept philosophique pour théoriser le Désir, ce sont « Les machines désirantes » D’après eux deux, le Désir n’est pas un théâtre où se jouent des scènes, des pièces, mais le Désir est une usine où s’activent des machines désirantes. Cette conception du Désir du genre cybernétique, qui fait de nous des machines binaires dilapidant notre énergie débordante, et une thèse où la cause du Désir n’est pas un manque à être, mais au contraire un excès, une pléthore d’énergie qui dissipe de façon thermodynamique. Cette thèse est motivée par le fait que selon Deleuze et Guattari, le Complexe d’Oedipe freudien est un formatage de la bourgeoisie capitaliste qui vise à maintenir le patriarcat et la transmission des héritages capitalistes. Ces deux auteurs proposent une thèse libertaire du Désir, mais qui fait de nous des machines sans âmes, c’est une thèse hyper-matérialiste sans aucun idéalisme qui remet en question les fondements même de l’Humanisme. Nous ne cautionnerons pas du tout cette thèse qui est bien en rapport avec les thèses scientistes de la neurobiologie de la Psyché, qui fait de notre Esprit rien d’autre que des réactions chimiques entre les catécholamines, acétylcholine et adrénaline qui permet la transmission synaptique de nos neurones cérébraux.
Énigme du désir : ma mère, ma mère, ma mère. Description "L’oeuvre représente un lieu désertique, où pouvait se trouver jadis un océan, et exhibe un visage en proie à la décomposition et auquel est amalgamée une concrétion rocheuse. A l’intérieur de celle-ci, on distingue des alvéoles, dont certaines comportent l’inscription « ma mère ». A droite, le bloc se dresse vers le ciel et se termine par une tête de lion. La base de l’ensemble propose des volutes Art Nouveau tandis qu’à l’arrière-plan, tels des débris, figurent des assemblages hautement symboliques. Sur la gauche : une accolade d’un fils à son père, entourée par une tête de lion, un faciès d’aliéné, une sauterelle et une main brandissant un couteau. Au fond : un rocher comprenant en partie un nu féminin.". Date 1929 Format 110 cm X 150 cm
Sommes -nous libre de nos désirs?
Pour les écoles antiques, être libre ce n’est pas avoir une pleine latitude de ses faits et gestes, de ses mouvements ou encore de liberté d’expression. Être libre, c’est ne pas être soumis. D’ailleurs pour les philosophes un esclave pet-être plus libre qu’un homme soi-disant libre d’agir comme il lui plaît, dès lors que ce dernier est soumis à ses passions, dépendances, et autres vices. Sénèque met en garde contre la servitude à l’égard de soi-même, en disant qu’être esclave de soi même est le plus lourde de toutes les servitudes.
La souveraineté de soi sur soi et atteindre une pleine jouissance de soi ne peuvent être acquis qu’en travaillant son âme, sa volonté, son désir de contrôle. Sénèque dit même que, si l’homme a une liberté et un contrôle à exercer, c’est, bien entendu sur son âme. Cette âme doit être forgée sur trois axes : la connaissance ; la recherche de la sagesse, il faut s’entraîner à se maîtriser face aux passions et maux qui embuent l’esprit ; la vie heureuse, qui consiste à avoir conscience de ce qui permet une vie sans souci, la restriction des besoins par exemple.
Qu’ils soient stoïciens, épicuriens, ou encore cyniques, les exercices spirituels ont pour enjeu de nous rendre libres. Ils permettent de nous libérer de nos passions, de nos angoisses, de nos peurs, de nos désirs. La pratique régulière de ces exercices fait naître un état dans lequel le moi ne dépend que de lui même.
Dans le sexe et l’effroi, traitant du pouvoir que possèdent les images, Pascal Quignard avait rappelé le lien qui existe entre sidération et lumière - « sidération » trouvant sa source dans siderare, « subir l’action funeste des étoiles ». Être sidérer, c’est se perdre dans la contemplation des étoiles, se laisser hypnotiser par la lumière qu’elles projettent au milieu des ténèbres - une hypnose dont il n’est possible de se libérer qu’en se détournant des étoiles, qu’en se dé-sidérant, c’est-à-dire en désirant. Le désir, desiderare, est ce qui libère de la sidération causée par les étoiles lumineuses dont elles constituent la forme libidinale, partageant avec le pouvoir d’hypnotiser, de paralyser, de méduser.