Qu’écrit Barbara Cassin dans le « Vocabulaire Européen des Philosophies »?
Page 1320 on peut lire:
Grec; ponos, ergon
Latin; labor, opus.
Allemand; arbeit, werk.
Anglais; labor, work.
L’activité humaine que recouvre, au mois selon certaines de ses acceptions, le travail est lié à la fois à l’idée de peine, de labeur et à celle de l’accomplissement, de mise en œuvre qui n’est pas nécessairement contraire au loisir, mais peut en être solidaire. C’est avec Hegel que le travail, arbeit, devient un concept philosophique, mais il désigne alors la venue à soi même qu’une réalité exclusivement et même prioritairement anthropologique.
Ernst Junger écrivait dans ces entretiens avec J Hervier:
Si je n’ai pas voulu pendant longtemps que l’on traduise der arbeiter, Le Travailleur, c’est d’abord à cause d’un problème de pure étymologie. Arbeiter vient d’arbeo, un mot gothique, « l’héritage »; travailleur, cela vient de tripalium, un instrument de torture ». Il y a dès l’origine un risque de contresens fondamental que la traduction ne pourrait qu’accroitre.
Le langage travaille-t-il la pensée ?
Une recherche sur internet via Goggle nous conduit à « le langage trahi-t-il la pensée ? » il semble que le langage informatique issu de la silicone vallée le fasse bien. En revanche Yahhoo! conduit directement à « Philosophie, le langage, études littéraires » ou à la page Wikipédia « langage ». Quant au moteur de recherche « bing », il conduit directement à la page Amazon ;
Pensée et langage de Lev Sémionovitch et Jean Piaget puis Le langage et la pensée de Noam Chomsky.
Aucun ne prend réellement en compte les trois mots de la proposition, langage, pensée, travailler.
Autres questions qui viennent immédiatement à l’esprit, le langage trahi-t-il la pensée ? Le langage exprime-t-il la pensée ? Peut-on penser sans langage ?
Le langage travaille-t-il la pensée ? Deux mots ; langage, pensée un verbe, travailler.
Travailler comme verbe et non comme substantif.
Travailler, nous vient de l’ancien français traveiller, faire souffrir, par extension ; tourmenter, battre, molester, ce mot remonte du latin tripalare, torturer, Le tripalium romain était un instrument d’immobilisation à trois pieux pour punir les esclaves rebelles.
C’est ce que nous dit le viktionnaire sur internet. Travaillons cette définition, cette idée que le travail, donc travailler serait souffrance.
Depuis longtemps déjà, les linguistes écartent l’hypothèse selon laquelle notre mot pour « travail » dériverait de la forme nominale tripalium : un instrument de torture à trois pieux utilisé par les Romains et que le manuscrit du Concile d’Auxerre (582) produit encore sous la forme de trepalium ; quant à la forme verbale
supposée, *trepaliare elle n’a jamais été rencontrée. L’échange d’un « e » pour le « i » de tripalium pourrait justifier le treballar catalan, mais ne rendrait pas compte de la série de transformation en « a » pour les autres langues romanes — travailler (fr.) trabajar (esp.) travagliare (it.) trabalhar (port.). Pour rendre compte du « a », Walter von Wartburg -1932 - écartait le tripalium, avancé par quelques prédécesseurs, et privilégiait l’origine dans le latin trabes (poutre), lequel donnera par la suite le trevail, soit la machine consistant en l’assemblage de deux poutres (trabs lat.) parallèles (travée arch.), laquelle servait à entraver bœufs et chevaux lors du ferrage. Si le treballar catalan ne peut être relié aux souffrances du tripalium, l’étude de ses usages lexico-syntaxique en catalan médiéval montre assurément son affinité avec certaines formes de pénibilité. De plus, d’une façon générale, la récollection de von Wartburg (2) atteste que, vers les 12e et 13e siècles, les formes lexicales associant « travail » et l’une ou l’autre forme de douleur sont abondantes.
La présence d’affects négatifs anciens attachés à la notion de travail est manifeste, il suffisait donc aux linguistes de puiser dans le répertoire des « poutres ecclésiastiques » trabéation (crucifixion) et en référence la « trabea » ,(une toge de cérémonie romaine ornée de motif en forme de poutres), mais aussi aux « poutres de gloire » des églises chrétiennes (trabes doxalis), lesquelles sanctifient l’origine païenne d’une consonance doloriste bien venue, quitte à s’emmêler les pieux, restons utiles.
La « tripaliation » savante, comme la reprise par le trevail vernaculaire rechargeait les affects hérités sur des signifiants neufs qui, tout en étant phonétiquement voisins, étaient sans filiation directe avec les précédents. Que ce réseau d’affects fut depuis longtemps lié à un ensemble de signifiants dont la résonnance indo-européenne saute aux yeux.
laBoR latin
aRBei (t) allemand
RaBo (t) russe
(t) RaBajo espagnol
(t) RaVail français
(d) aRBs letton
La mise en évidence de la racine consonantique indo-européenne en R-B règle donc la question du « tripalium » : il existait un mot antérieur en R-B, dont nous n’avons pas trace… et pour lequel le « trevail » a pris la place.
Dans le domaine anglo-saxon, le mot « travaillour » fut repris du « trevail » continental, et se substitua au vieux mot anglo-saxon de racine R-B tombé en désuétude : earfoð or earfoþ* « hardship ». Par la suite « travaillour » a donné naissance à « traveller », « travel », « tramp », ce que les étymologistes justifient par la « fatigue des voyages ».
Le couple R-B(V) forme la racine indo-européenne *orbh, de laquelle dérive, par exemple, le grec ὀρφανός orphanos (orphelin). De même, selon Pokorny — Indogermanisches Etymologisches Woerterbuch — les langues slaves et germaniques présentent deux séries parallèles en R-B désignant le travail, l’esclave tel le slovène « rabôta » ( servage ) mais aussi comme en vieux russe, lorsque les diminutifs robu, robja, robjata signifient autant enfant que travailleur. « Erbe (al.) (héritier ), heir (ang.) vient également s’ajouter à ce champ sémantique.
Ces liens sont généralement “expliqués” par le fait que les orphelins étaient affectés à des tâches ingrates et seulement attachés à la communauté par une relation de servitude.
Reconnaissons toutefois que les mots servant à rendre compte des situations d’esclave et d’orphelin peuvent à toute époque, fixer des affects moroses.
Piccabia. Udnie ((Jeune fille américaine, La danse), huile sur toile, 290 x 300 cm, Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris
« L’étymologie... méthode de recherche... est d’un maniement ardu et, pour ma part, j’ai cru percevoir chez Heidegger une façon erronée de traiter les étymologies. En effet, lorsque nous recherchons le sens le plus ancien et le plus essentiel d’un mot, se contenter de le considérer de manière isolée et valant en soi ne suffit pas. »
L’hypothèse étymologique permet de conforter l’idée selon laquelle le travail serait une souffrance, une torture, un supplice. Cette hypothèse alimente une idée reçue sur le langage, selon laquelle les sources anciennes des mots touchent à la « vérité » des choses. Cette dernière idée, dont toute l’histoire de la linguistique démontre qu’elle est fausse, est exprimée dans le mot étymologie lui-même, formé sur le mot grec ἔτυμος, etumos, qui signifie « vrai, réel, véritable ». Rien n’interdit de redéfinir en permanence ce qu’est le travail, et ce que signifie le mot travail et le verbe travailler. Rapporter tous les discours à une « nature originelle » du travail, accessible à travers l’étude de l’étymologie, c’est effectuer un véritable « travail » sur la pensée.
Tout aussi grave est le principe de construire, de faux parcours étymologiques. C’est très probablement ce qui est arrivé au mot travail. En effet, le passage du latin tripalium à l’ancien français travaillier, proche ancêtre du verbe moderne travailler, via un verbe hypothétique *tripaliare, est hautement improbable.
Cette hypothèse autour de tripalium a déjà été contestée, par d’éminents linguistes, dont Émile Littré et Michel Bréal, qui ont privilégié l’influence d’un autre étymon, le Latin trabs qui signifie « poutre » et qui a généré entraver. L’idée est que la notion de souffrance, qu’on décèle dans beaucoup d’emplois du mot travail dès son apparition au XIIe siècle, exprimerait ce que ressent l’animal quand on l’entrave (on immobilisait les animaux afin de soigner une blessure ou de les ferrer, par exemple).
Mais d’autres éléments invitent à se tourner vers une autre histoire génétique du verbe travailler, d’où découle le nom travail. En particulier, l’étude faite par Marie-France Delport des mots hispaniques médiévaux trabajo (= travail) et trabajar (= travailler), dont elle montre qu’ils expriment une « tension qui se dirige vers un but et qui rencontre une résistance ». L’auteur propose de rapprocher cette description sémantique du préfixe latin trans —, qui se réduit souvent à tra — (tramontane, traverser, traboule, etc.), et qui exprime un principe de passage d’un état vers un autre.
Néanmoins cette hypothèse alternative rencontre des difficultés : le latin labor utilise objectivement la séquence [br], mais la dernière consonne appartient au suffixe de déclinaison, commun à une série de noms (dolor, soror, color, etc.). La base de labor se restreint donc à lab, c’est cette séquence qu’il est préférable d’utiliser dans le cadre d’une recherche lexicale. Enfin, et surtout, toutes ces hypothèses butent sur une énigme : le lien formel évident entre travail et l’anglais travel, qui signifie « voyager ». Tout porte à croire que l’anglais travel provient bel et bien de France, à époque médiévale et peut-être avant. Les tenants de l’hypothèse de l’étymon tripalium imaginent que le verbe anglais exprime la souffrance, voire le supplice, du voyageur de ces temps reculés, où il était difficile de se déplacer sur de grandes distances. Cette explication est, comme disent les anglais, « far-fetched » (« tirée par les cheveux » capilotractée) exagérée. Il est préférable de rechercher une source qui serait commune à l’anglais travel et au français travailler, en imaginant une bifurcation vers l’idée du voyage — accompagnée de l’idée d’effort ou d’obstacle à franchir — et une autre vers l’idée plus générale de « tension vers un but rencontrant une résistance ». C’est possible dès lors qu’on rassemble les pièces du puzzle :
Le verbe hispanique médiéval trabajar, dont l’histoire a partie liée à celle de travailler, exprime une « tension vers un but rencontrant une résistance »,
Le préfixe latin trans — se réduit parfois à la forme tra —, travel et travail ont une étymologie commune.
On peut en déduire que travailler s’est formé sur une base lexicale exprimant un mouvement, qui s’articule au préfixe tra — exprimant la notion de passage assortie d’une résistance. Cette base utilise manifestement la séquence consonantique [vl]. Cette nouvelle hypothèse est cohérente avec l’existence d’un morphème — val — présent dans dévaler, val, vallée, etc., mais aussi de la variante [bl] et notamment du morphème — bal — présent dans balayer, bal, balade, etc. En somme, tout se passe comme si le parcours menant à travailler était proche de celui menant à trimbaler ou trabouler. L’origine supposée de trabouler est un verbe hypothétique du bas latin *trabulare, réduction du latin classique transambulare. Le verbe *trabulare, s’il a bien existé, pourrait donc être le chaînon manquant, de façon bien plus convaincante qu’un *tripaliare issu de l’instrument de torture.
Ce nouvel éclairage sur travailler et travail n’empêche pas de supposer une influence de la forme trabs, donc de la notion d’entrave, qui a pu orienter les usages vers des expressions de souffrance, ainsi qu’Émile Littré en a eu l’intuition.
Un lien linguistiquement structurant reste possible entre travail et son concurrent labor, à travers une métathèse [bl]/[lb], chacun des lexèmes contribuant à un champ lexical plus ou moins unifié (laborieux, élaborer, etc.).
Reste à intégrer l’usage très particulier du travail d’enfant, qui désigne, depuis le moyen-âge, la phase de l’accouchement. S’agit-il d’exprimer la souffrance qu’endurent les femmes lors de l’accouchement, comme y insistent les tenants de l’étymon tripalium ? S’agit-il d’une métaphore (plus que douteuse) des entraves appliquées aux animaux ? Ou bien s’agit-il de désigner le fait de faire « passer » l’enfant vers l’extérieur, au prix d’une résistance et de nombreux efforts, comme pourrait l’indiquer l’étude de trabajar ? La question peut enfin être posée en ces termes, mais il sera sans doute difficile d’y répondre, tant les enjeux idéologiques ont été déployés autour de cet événement particulier, principalement par la chrétienté, rendant inextricables les enjeux discursifs eux-mêmes.
Les entreprises idéologiques autour du concept de travail ne peuvent plus légitimement être alimentées par l’hypothèse d’un lien étymologique entre le terme travail et le nom d’un instrument de torture. Au contraire, on peut déployer l’idée d’une association entre travailler et « viser un but, nécessitant de surmonter des résistances ».
Le langage.
De quel langage s’agit-il quand ce dernier travaille la pensée ?
Le langage dans sa définition la plus brève est un moyen de communication. (Ce qui demande là aussi une explication. L’étymologie nous donne : Du latin communicatio [« communication, mise en commun »], de communis [« commun »]. Une définition un peu plus détaillé celle de Wikipédia nous dit : Le langage est la capacité d’exprimer une pensée et de communiquer au moyen d’un système de signes [vocaux, gestuel, graphiques, tactiles, olfactifs, etc.] doté d’une sémantique, et le plus souvent d’une syntaxe — mais ce n’est pas systématique [la cartographie est un exemple de langage non syntaxique].
Etonnamment le journal officiel nous donne une définition du langage. Dans le « Programme d’enseignement de l’école maternelle », arrêté du 18 février 2015 — JO du 12 mars 2015.
« 1. Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions
Le mot “langage” désigne un ensemble d’activités mises en œuvre par un individu lorsqu’il parle, écoute, réfléchit, essaie de comprendre et, progressivement, lit et écrit. L’école maternelle permet à tous les enfants de mettre en œuvre ces activités en mobilisant simultanément les deux composantes du langage :
‐ le langage oral : utilisé dans les interactions, en production et en réception, il permet aux enfants de communiquer, de comprendre, d’apprendre et de réfléchir. C’est le moyen de découvrir les caractéristiques de la langue française et d’écouter d’autres langues parlées.
‐ le langage écrit : présenté aux enfants progressivement jusqu’à ce qu’ils commencent à l’utiliser, il les habitue à une forme de communication dont ils découvriront les spécificités et le rôle pour garder trace, réfléchir, anticiper, s’adresser à un destinataire absent. Il prépare les enfants à l’apprentissage de l’écrire-lire au cycle 2 »
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940
En continuant de lire l’article de l’encyclopédie Wiki ; on apprend ; chez l’être humain, c’est la capacité observée d’exprimer une pensée et de communiquer entre autres au moyen d’un système de signes par un support extérieur ou non. Cette capacité comprend des fonctions linguistiques telles que la phonétique [où l’on peut observer les actions physiques dans la bouche], la phonologie [les dessins qui sont présents à travers plusieurs langues et ceux qui ne sont que dans une langue spécifique], la syntaxe [la représentation des phrases et des mots dans l’esprit tout juste avant de parler], la pragmatique [les définitions qu’on trouve en parlant qui sont moins évidentes et imagées, mais aussi typiques pour ceux qui parlent la langue en question]. Bien sûr un système aussi compliqué a quelques nuances que le média et d’autres publications utilisent afin de persuader ou de distraire l’audience à laquelle les paroles et pensées sont dirigées. Très souvent, on voit que ces systèmes ne sont pas limités au langage vocal. L’écriture est souvent aussi véritablement efficace.
Nulle notion de langue, pourtant c’est de cela qu’il s’agit. Il est écrit au paragraphe 463 de « la philosophie de l’esprit » rédiger par Hegel en 1807 ;
« on croit ordinairement […] que ce qu’il y a de plus haut c’est l’ineffable… Mais c’est là une opinion superficielle et sans fondement ; car, en réalité, l’ineffable c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. »
Il ajoute :
« C’est dans les mots que nous pensons. Nous n’avons conscience de nos pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité et par suite nous les marquons d’une forme externe, mais d’une forme qui contient aussi le caractère de l’activité interne la plus haute. C’est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l’externe et l’interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c’est une tentative insensée. Et il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu’il y a de plus haut, c’est l’ineffable. Mais c’est là une opinion superficielle et sans fondement ; car, en réalité, l’ineffable, c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot. Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. »
Il n’est pas rare d’entendre ou de dire « Je ne trouve pas les mots » : c’est souvent l’expression pour le moins paradoxale de notre tentative pour trouver les mots adéquats à notre pensée. Nous croyons alors qu’il y a d’un côté notre pensée et de l’autre ces simples instruments que seraient les mots qu’il faudrait en quelque sorte capturer pour qu’ils expriment exactement notre pensée. Et si c’était le contraire. S’il fallait aller plus loin que Boileau qui, dans le chant 1 de l’Art poétique, rédigé en 1674, soutenait que « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Quand bien même Ortega y Grasset nous averti des dérives de l’étymologie. Regardons celle du mot langage. Il vient de l’ancien français language, du latin vulgaire linguaticum ce qui correspond à langue + age, du latin lingua [langue]. À l page 913 du dictionnaire Gaffiot on lit :
lingua, æ, f, (anc » dingua. -1 la langue : Cic Nat 2, 149 lingua hæsitare Cic. de Or 1, 115, parler avec difficulté, avoir la langue embarrasée ; ejecta linguä…-2 langue, parole, langage : lingam continere …-3 langue d’un peuple : latina, Græca…-4 façons de parler interpretatio linguæ secretioris Quint, 1 36…
À la page 138 du dictionnaire « Le lexicon » on trouve ; Langue 1 anat lingua γλώσσα
Dans le dictionnaire de Barbara Cassin page 675 ; langue, langage, parole.
Grec : logos, glossa, idioma,
Latin: eloquium, lingua, loquela, idioma, locutio, sermo, oratio.
Allemand : sprache, rede.
Anglais : language, tongue, speech.
on se doit de faire référence au texte de la tour de Babel en Genèse 11, 1
וַיְהִי כָל־הָאָרֶץ שָׂפָה אֶחָת וּדְבָרִים אֲחָדִים
καὶ ἦν πᾶσα ἡ γῆ χεῖλος ἕν καὶ φωνὴ μία πᾶσιν
erat autem terra labii unius et sermonum eorundem
Toute la terre avait une seule langue et les mêmes mots.
on voit que la septante traduit שָׂפָה par χεῖλος (une lèvre de la bouche qui parle, mais aussi par métaphore le rivage de la mer) et Jérôme par labii
Il y a un autre mot qui dit la langue לָשׁון
Exo 4, 10
וַיֹּאמֶר מֹשֶׁה אֶל־יְהוָה בִּי אֲדֹנָי לֹא אִישׁ דְּבָרִים אָנֹכִי גַּם מִתְּמוֹל גַּם מִשִּׁלְשֹׁם גַּם מֵאָז דַּבֶּרְךָ אֶל־עַבְדֶּךָ כִּי כְבַד־פֶּה וּכְבַד לָשׁוֹן אָנֹכִי
εἶπεν δὲ μωυσῆς πρὸς κύριον δέομαι κύριε οὐχ ἱκανός εἰμι πρὸ τῆς ἐχθὲς οὐδὲ πρὸ τῆς τρίτης ἡμέρας οὐδὲ ἀφ » οὗ ἤρξω λαλεῖν τῷ θεράποντί σου ἰσχνόφωνος καὶ βραδύγλωσσος ἐγώ εἰμι
ait Moses obsecro Domine non sum eloquens ab heri et nudius tertius et ex quo locutus es ad servum tuum inpeditioris et tardioris linguae sum.
Moïse dit à l’Éternel : Ah! Seigneur, je ne suis pas un homme qui ait la parole facile, et ce n’est ni d’hier ni d’avant-hier, ni même depuis que tu parles à ton serviteur ; car j’ai la bouche et la langue embarrassées.
Que nous disent les dictionnaires?
Jean Nicot: Le Thresor de la langue francoyse (1606)
langage
Langage, Sermo, Oratio.
Un bon langage, Pura oratio.
Un langage commun et vulgaire, Proletarius, vel Plebeius sermo.
Langage coulant, qui n'a pas grand ornement, Teres oratio.
Un langage coulant qui n'est point lié par vers, Prosa.
Un langage entrelardé d'honnestes rencontres, Condita oratio.
Un langage grave, Oratio grauis.
Parler un langage imparfait et trop rongné, et qui ne remplit pas l'oreille, Mutila et hiantia loqui.
Langage Latin, Sermo Latinus.
Un langage plus approchant de celuy de l'homme, Expressior loquacitas certo generi picarum.
Attremper son langage, Moderate dicere.
Avoir le langage à main, Facultatem in dicendo habere, Promptum lingua esse.
Qui n'a point de langage à main, Indisertus.
Avoir un langage bien brief, Praecise dicere.
Qui a beaucoup de langage, Verbosus, Loquax.
Gens qui ont langage et moeurs differens, Dissonae sermone gentes et moribus.
Changer de langage, Elocutionem vertere.
Dresser et adjancer un langage, Orationem conformare.
Obscurcir son langage, Assumere noctis aliquantulum.
Parler le langage d'Athenes, Attice loqui.
Il parle tous langages, Scit omnes linguas.
Il parloit vingt et deux langages, Duarum et viginti gentium ore loquebatur.
Rendre en langages que les Latins ont accoustumé d'user, Latinae consuetudini tradere.
Sçavoir divers langages, Linguas scire.
Abondant en langage, Copiosus.
Qui escrit une chose en beau langage et clerement, Luculentus author.
Saluer aucun en bon langage, ou en parlant à droict, Articulate salutem dicere.
On les appelle ainsi en commun langage, Populari nomine sic appellantur.
Sans beau langage, Indiserte.
Langage meur sentant sa sage vieillesse, Lanescens oratio.
Son langage s'avachit et devient lasche, Flaccessit eius oratio.
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Dictionnaire de l'Académie française, 1st Edition (1694)
langage
Langage. s. m. Idiome. Langue que parle une Nation. Le langage des Turcs. le langage Persan. personne n'entend ce langage. un langage Barbare. un langage inconnu. il entend la pureté du langage.
On dit, que La Poësie est le langage des Dieux.
Il signifie aussi, Discours, style & maniere de parler. Un beau langage. un langage figuré, orné, affecté, fleuri, pompeux. langage naïf, pur, simple, sans ornement. la pureté du langage. cela est escrit en beau langage, en vieux langage.
On dit, qu'Un homme n'a que du langage, pour dire, qu'Il n'y a rien de solide dans ce qu'il dit.
Il signifie aussi, La maniere de parler de quelque chose, eu esgard au sens plustost qu'aux mots ny à la phrase. Vous me tenez là un estrange langage. ce langage ne me plaist point. je n'entends point ce langage. il a bien changé de langage. il tient à cette heure un autre langage. c'est le langage de l'Escriture sainte. le langage des Conciles. le langage des Peres. ce n'est pas le langage d'un homme de bien.
Il signifie aussi, Certaine façon de s'exprimer, de faire connoistre sa pensée sans parler. Le langage des yeux, c'est un langage muet.
Il se dit aussi de la voix, du cri, du chant, du sifflement &c. dont les animaux se servent pour se faire entendre. Les oiseaux ont certain langage entre eux. le langage des bestes.
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Dictionnaire de l'Académie française, 4th Edition (1762)
langage
LANGAGE. s.m. Idiome. Manière de parler d'une Nation. Le langage des Turcs, le langage Persan. Personne n'entend ce langage. C'est un langage barbare, un langage inconnu. En ce sens on dit, que La Poësie est le langage des Dieux.
langage
LANGAGE signifie aussi, Discours, style, & manière de parler. Un beau langage. Un langage figuré, orné, affecté, fleuri, pompeux. Langage naïf, pur, simple, sans ornement. La pureté du langage. Il y a dans ce discours quelques fautes de langage. Cela est écrit en beau langage, en vieux langage.
Il signifie aussi, La manière de parler de quelque chose, eu égard au sens plutôt qu'aux mots ou à la diction. Vous me tenez-là un étrange langage. Ce langage-là ne me plaît point. Je n'entends point ce langage. Il a bien changé de langage. Il tient à cette heure un autre langage. C'est le langage de l'Écriture-Sainte. Le langage des Pères, des Théologiens Scolastiques. Ce n'est pas-là le langage d'un homme de bien.
Il se dit par extension De tout ce qui sert à faire connoître la pensée sans parler. Le langage des yeux. Le geste est un langage muet.
Il se dit aussi De la voix, du cri, du chant, &c. dont les animaux se servent pour se faire entendre. Les oiseaux ont une sorte de langage. Le langage des bêtes.
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Jean-François Féraud: Dictionaire critique de la langue française (1787-88)
langage
LANGAGE, s. m. LANGUE, s. f. [L'u dans le 2d est muet: il n'est là que pour doner au g un son fort qu'il n'a pas devant l'e: langhe.] Langue est 1°. cette partie qui est dans la bouche de l'animal, et qui est le principal organe du goût pour tous les animaux, et de la parole pour les hommes. = 2°. Langue et langage, idiôme, manière de parler d'une nation. "Le langage des turcs. La langue grecque. "Langage barbâre, inconu. Langue abondante, riche, féconde, ou pauvre, stérile. Langue mère, langue morte ou vivante, etc. = Quoique ces deux mots se confondent souvent, cependant on ne s'en sert pas toujours indiféremment. Quelquefois langage signifie discours, style. "Vous me tenez là un étrange langage, c. à. d. un discours étrange. "Son langage (son style) est fort pur. Langue ne vaudrait rien dans ces exemples. — Celui de langage ne convient pas même toujours au lieu de discours.
Vous en avez menti,
Reprend le campagnard: et, sans plus de langage,
Lui jette, par défi, son assiète au visage. Boil.
Sans plus de langage ne serait pas aprouvé aujourd'hui. = Quand on veut marquer seulement la manière de s'exprimer d'un pays, on se sert de langue plutôt que de langage. "La langue maternelle, la langue française, anglaise, etc. et non pas le langage maternel, le langage français, etc. Ainsi l'on dit, bien parler sa langue, et non pas bien parler son langage, comme dit Racine le fils. "À~ ce maître en succèderait un autre, qui formerait cette jeunesse dans l'art de bien parler leur langage. = Mallebranche exprime parfaitement la diférence de langue et de langage: "Les hommes sont faits pour vivre en société: mais, pour l'entretenir, ce n'est point assez de parler une même langue; il faut tenir un même langage: il faut penser les uns comme les autres. = Il sait la langue latine, et la langue grecque peut s'exprimer en quatre manières; celle là dabord; ou bien, il sait la langue latine, et la grecque; ou, il sait la langue latine et grecque; ou enfin, il sait les langues latine et grecque. Les deux premières expressions sont à peu près également bonnes. (J'aimerais mieux la 2de). Les deux dernières ne valent rien du tout. On dit plus comunément, (et mieux) il sait le Latin et le grec. VAUG. TH. CORN. L. T.
Langue de terre, espace plus long que large, qui ne tient que par un bout aux aûtres terres, et qui est environé d'eau de tous les aûtres côtés. "Il y a une langue de terre qui s'avance dans la mer.
Langue fournit à plusieurs expressions du style familier. = Tirer la langue. Se moquer de... Avoir beaucoup de langue. Mol. être grand causeur. = Avoir la langue grâsse, grasséyer. = Avoir la langue liée, n'ôser parler de quelque chôse. = Avoir un chôse sur le bout de la langue, se dit d'une chôse qu'on sait, mais dont on ne se souvient pas au moment. = Prendre langue, s'informer de ce qui se pâsse avant que d'agir. "Si après avoir bien pris langue, ce généreux guerrier revient à nous, sa gloire sera célébrée par tous les hommes. Mde. Dacier. Iliade. L'expression n'est pas assez noble. = Avoir la langue bien pendûe, ou bien afilée; parler beaucoup; aimer à parler, parler facilement. "Voilà un gueux qui a la langue bien pendue. Mde. Dacier, Odyssée. Il arrive tant d'accidens aux femmes en couche, et vous avez la langue si bien pendue, à ce que dit Mr. de Grignan, qu'il me faut du moins neuf jours de bonne santé pour me faire partir joyeûsement. Sév. = Jeter sa langue aux~ chiens; renoncer à chercher à deviner. "Devinez-le: je vous le donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens? Hé bien! il faut donc vous le dire. Sév.
Rem. À~ force de vouloir polir notre langue, il est aisé de s'apercevoir qu'on l'a apauvrie et énervée. Nous avons perdu une infinité de tours et d'expressions qui n' ont pas été remplacés. Ils ne le sont pas fort avantageûsement par les néologismes modernes. On fut trop délicat dans le dernier siècle. On ne l'est pas assez aujourd'hui. Il est des points sur lesquels on respecte trop un usage ancien, mais déraisonable. Il en est d'autres sur lesquels on secoue mal-à-propos son joug, et c'est souvent lorsqu'il est plus conforme au génie de la langue.
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Dictionnaire de l'Académie française, 5th Edition (1798)
langage
LANGAGE. s. m. Idiôme d'une Nation. Le langage des Turcs, le langage Persan. Personne n'entend ce langage. C'est un langage barbare, un langage inconnu. En ce sens on dit, que La Poésie est le langage des Dieux.
langage
Langage, signifie aussi, Discours, style, et manière de parler. Un beau langage. Un langage figuré, orné, affecté, fleuri, pompeux. Langage naïf, pur, simple, sans ornement. La pureté du langage. Il y a dans ce discours quelques fautes de langage. Cela est écrit en beau langage, en vieux langage.
Il signifie aussi, La manière de parler de quelque chose, eu égard au sens plutôt qu'aux mots ou à la diction. Vous me tenez-là un étrange langage. Ce langage-là ne me plaît point. Je n'entends point ce langage. Il a bien changé de langage. Il tient à cette heure un autre langage. C'est le langage de l'Écriture-Sainte. Le langage des Pères, des Théologiens scolastiques. Ce n'est pas là le langage d'un homme de bien.
Il se dit figurément De tout ce qui sert à faire connoître la pensée sans parler. Le langage des yeux. Le geste est un langage muet.
Il se dit aussi par extension De la voix, du cri, du chant, etc. dont les animaux se servent pour se faire entendre. Les oiseaux ont une sorte de langage. Le langage des bêtes.
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Dictionnaire de l'Académie française, 6th Edition (1835)
langage
LANGAGE. s. m. Emploi que l'homme fait des sons et des articulations de la voix, pour exprimer ses pensées et ses sentiments. On a publié de nombreux écrits sur l'origine du langage.
Il se dit, par extension, Des cris, du chant, etc., dont les animaux se servent pour se faire entendre. Les oiseaux ont une sorte de langage. Le langage des bêtes.
langage
LANGAGE se dit, figurément, de Tout ce qui sert à exprimer des idées et des sensations. Langage du geste, des yeux. Langage d'action. Les yeux ont un langage très-expressif. En Turquie, on forme avec les fleurs un langage symbolique. La pantomime est un langage. La peinture est un langage muet. On a composé, pour les sourds-muets, un langage au moyen de divers mouvements de la main et des doigts.
langage
LANGAGE se dit aussi de L'idiome d'une nation. Le langage des Turcs. Le langage persan. Personne n'entend ce langage. C'est un langage barbare, un langage inconnu.
Il signifie également, Discours, style, manière de s'exprimer. Langage naïf, pur, simple, sans ornement. Langage figuré, allégorique, mystique, poétique, orné, affecté, fleuri, pompeux. Langage obscur, incorrect. Cela est écrit en beau langage, en vieux langage. La pureté, la correction du langage. Les beautés, les agréments, les finesses, les irrégularités, les anomalies, les vices du langage. Dénaturer, défigurer, corrompre le langage. Faire des fautes de langage.
langage
LANGAGE signifie encore, La manière dont on parle de quelque chose, eu égard au sens plutôt qu'aux mots ou à la diction. Vous me tenez là un étrange langage. Ce langage-là ne me plaît point. Je n'entends point ce langage. Je vous ferai bien changer de langage. Il a bien changé de langage. Il tient maintenant un autre langage. Le langage de la religion, du barreau, des cours. Le langage de l'Écriture sainte. Le langage des Pères, des théologiens scolastiques. Ce n'est pas là le langage d'un homme de bien. Voilà bien le langage de la passion. Vous tenez là le langage de la peur, de la présomption, etc. Emprunter le langage de la bienveillance. Composer son langage. Quittez ce langage qui ne s'accorde point avec votre sincérité. Ces gens-là se sont bien concertés, ils n'ont tous qu'un même langage.
Émile Littré: Dictionnaire de la langue française (1872-77)
langage
LANGAGE (lan-ga-j') s. m.
1. Proprement, emploi de la langue pour l'expression des pensées et des sentiments. Recherches sur l'origine du langage.
BONNET, Ess. psychol. ch. 17: Le langage est tellement ce qui perfectionne toutes les facultés de l'âme que la perfection de ces facultés répond toujours à celle du langage
2. Particulièrement, langue propre à une nation.
CORN., Mort. de Pompée, II, 2: Septime se présente, et, lui tendant la main, Le salue empereur en langage romain
CORN., Tois. d'or, Prologue, sc. 2: Voyant toute l'Europe apprendre ton langage [de la France]
VOLT., Tancr. II, 1: Instruit dans les deux lois et dans les deux langages [latin et arabe]
VOLT., Lett. Guyot, 7 août 1767: Notre langue est très irrégulière ; les langages, à mon gré, sont comme les gouvernements : les plus parfaits sont ceux où il y a moins d'arbitraire
VOLT., Bible expliq. Gen.: Il serait curieux de compter le nombre de différents langages qui se parlent aujourd'hui dans tout l'univers ; il y en a plus de trois cents dans ce que nous connaissons de l'Amérique, et plus de trois mille dans ce que nous connaissons de notre continent
Langage purin, voy. PURIN.
3. Il se dit des cris, du chant, etc. dont les animaux se servent pour se faire entendre. Les oiseaux ont une sorte de langage.
D'après d'anciennes superstitions, manière mystérieuse qu'avaient les animaux pour se faire entendre, et dont l'homme obtenait la connaissance par certains procédés magiques.
VOLT., Avent. indienne.: Pythagore, dans son séjour aux Indes, apprit, comme tout le monde sait, à l'école des gymnosophistes le langage des bêtes et celui des plantes
4. Fig. Tout ce qui sert à exprimer des sensations et des idées. Le langage du geste. La pantomime est un langage.
CORN., Sertor. II, 1: En vain de mes regards l'ingénieux langage....
PELLISSON, Rec. de pièces, dans RICHELET: Le langage des yeux n'est pas celui qui persuade le moins ; ce langage est expressif, amoureux, languissant et extrêmement hardi
RAC., Brit. II, 3: Vous n'aurez point pour moi de langages secrets
VOLT., Zaïre, III, 7: Tu pouvais de ses yeux entendre le langage
Moyen de s'exprimer par des signes. On a composé pour les sourds-muets un langage à l'aide de différents mouvements de la main et des doigts.
Langage des fleurs, voy. FLEUR, nos 1.
5. Manière de parler, quant aux intonations.
RAC., Phèd. Il, 5: Il avait votre port, vos yeux, votre langage
6. Manière de s'exprimer, quant aux mots, à la diction. Langage figuré. Langage obscur, incorrect. Faire des fautes de langage.
LA FONT., Fabl. II, 1: Cependant jusqu'ici d'un langage nouveau J'ai fait parler le loup et répondre l'agneau
MOL., F. sav. II, 7: Je vis de bonne soupe et non de beau langage ; Vaugelas n'apprend point à bien faire un potage
PASC., Lett. à Mlle de Roannez, 3: Jésus-Christ a donné dans l'Évangile cette marque pour reconnaître ceux qui ont la foi, qui est qu'ils parleront un langage nouveau ; et en effet le renouvellement des pensées et des désirs cause celui des discours
BOILEAU, Art p. I: Le Parnasse parla le langage des halles
BOILEAU, ib. II: Au contraire cet autre, abject en son langage, Fait parler ses bergers comme on parle au village
VOLT., Comment. Corn. rem. Nicomède, III, 2: Plusieurs étrangers se sont imaginé que nous n'avions qu'un langage pour la prose et pour la poésie ; ils se sont bien trompés
En langage commun, suivant la manière habituelle de s'exprimer.
CORN., Suite du Ment. I, 3: ....Qui, dans Paris, en langage commun, Dorante et le menteur à présent ce n'est qu'un
7. Manière de s'exprimer eu égard au sens, aux intentions.
CORN., Nicom. I, 2: Peux-tu bien me connaître et tenir ce langage ?
ROTR., Vencesl. II, 4: Sais-je si mal d'amour expliquer le langage ?
LA FONT., Fabl. I, 2: Maître Renard par l'odeur alléché Lui tint à peu près ce langage
MOL., Tart. II, 3: J'enrage Lorsque j'entends tenir ces sortes de langage
PASC., Prov. I: Étant tous unis dans le dessein de perdre M. Arnauld, ils se sont avisés de s'accorder de ce terme de prochain [pouvoir prochain], que les uns et les autres disaient ensemble, quoiqu'ils l'entendissent diversement, afin de parler un même langage
FLÉCH., Duc de Mont.: Il ne voulut apprendre d'autre langage que celui de l'Écriture : Oui, oui, non, non
BOILEAU, Art p. III: Chaque passion parle un différent langage
RAC., Brit. III, 7: L'amour est-il muet, ou n'a-t-il qu'un langage ?
RAC., Andr. II, 2: Quittez, seigneur, quittez ce funeste langage
RAC., Phèdre, II, 1: Le nom d'amant peut-être offense son courage ; Mais il en a les yeux, s'il n'en a le langage
RAC., Athal. II, 5: Hé quoi, Nathan ! d'un prêtre est-ce la le langage ? Moi, nourri dans la guerre aux horreurs du carnage.... C'est moi qui prête ici ma voix au malheureux !
FÉN., Dial. des morts anc. 35: Ho ! voilà le langage de l'avarice, qui croit toujours être prodigue
MASS., Carême, Resp. hum.: Savez-vous bien quel est ce langage que vous tenez à Dieu ?
MASS., Carême, Prosp.: Si le ministre ne parle pas le langage du monde
VOLT., Adél. du Guesclin. I, 1: Oubliant à jamais le langage d'amour
8. Vaines paroles, verbiage.
MALH., V, 6: Je ne ressemble point à ces faibles esprits Qui.... En leur fidélité n'ont rien que du langage
CORN., Suite du Ment. V, I: Donc, sans plus de langage, Tu veux bien m'en donner quelques baisers pour gage ?
MOL., le Dép. IV, 2: Et sur ce beau langage, Pour suivre son chemin, m'a tourné le visage
MOL., Éc. des mar. I, 2: Mon Dieu, madame, sans langage, Je ne vous parle pas, car vous êtes trop sage
BOILEAU, Sat. III: Et, sans plus de langage, Lui jette pour défi son assiette au visage
9. Dans les beaux-arts, procédés à l'aide desquels l'artiste exécute ses conceptions. Le dessin, le coloris constituent le langage de la peinture ; les intervalles, les accords celui de la musique.
SYNONYME
LANGAGE, LANGUE. Ces deux mots ne diffèrent que par la finale age qui, étant la finale aticus des latins, signifie ce qui opère, ce qui agit. C'est là ce qui fait la nuance des deux mots. La langue est plutôt la collection des moyens d'exprimer la pensée par la parole ; le langage est plutôt l'emploi de ces moyens. C'est la nuance que l'on aperçoit, par exemple, entre la langue française et le langage français. Pour la même raison on dit le langage par signes, le langage des yeux, et non la langue par signes, la langue des yeux. La langue du coeur, ce sont les expressions dont le coeur se sert d'ordinaire ; le langage du coeur, ce sont les émotions que le coeur fait partager.
HISTORIQUE
XIIe s.
li Coronemens Looys, V. 2282: Droiz empereres, entendez mon langage
Couci, XIX: Car sa biautez me fait tant esbahir Que je ne sai devant lui [elle] nul langage
Th. le mart. 158: Genz de divers païs, de mult divers language
XIIIe s.
QUESNES, Romanc. p. 83: Que [car] mon langage ont blasmé li François Et mes chançons, oyant les Champenois
H. DE VALENC., XII: Vous n'entendés son langage, ne il ne reset point dou vostre
XIVe s.
ORESME, Prol.: .... Et a esté translatée en plusieurs langaiges et exposée en très grant diligence de plusieurs docteurs catholiques
ORESME, Eth. 20: Aristote tenoit qu'il n'est que un dieu, mais il parle selon le commun langage qui estoit lors
XVe s.
FROISS., I, I, 284: En amonestant et priant les contes, les barons et les chevaliers, qu'ils voulussent entendre et penser pour son honneur garder et defendre son droit, et leur disoit ces langages en riant si doucement et de si liée chere, que....
Bibl. des ch. 6e série, t. II, p. 144: Un roy doit faire enseigner et endoctriner ses enfants, et leur faire savoir pluseurs langages et mesmement latin pour voiager
XVIe s.
AMYOT, Fab. 53: Ces langages adonc despleurent si fort au peuple, que l'on l'en estima homme importun, fascheux et envieux
LANOUE, 43: Il ne sera point, à mon avis, besoin de beaucoup de langage, pour declarer que c'est que concorde
LANOUE, 390: Changer de langage
LANOUE, 607: Quelques uns tindrent ce langage....
D'AUB., Hist. II, 337: Pibrac, merveilleux en delicatesse de langage
D'AUB., Tragiques, Princes.: Un charlatan de cour y vend son beau langage
ÉTYMOLOGIE
Berry, langaige ; bourg. langueige ; provenç. lenguatge, lengatge, lengage ; catal. llenguatge ; esp. lenguaje ; ital. linguaggio ; du lat. lingua, avec le suffixe age, atge, qui représente le suffixe latin aticus. Palsgrave, p. 8, note que l'on prononce langaige.
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Dictionnaire de l'Académie française, 8th Edition (1932-5)
langage
LANGAGE. n. m. Emploi que l'homme fait des sons et des articulations de la voix pour exprimer ses pensées et ses sentiments. On a publié de nombreux écrits sur l'origine du langage.
Il désigne plus particulièrement la Manière de s'exprimer, soit par rapport aux mots qu'on emploie, soit par rapport au sens. Langage figuré, allégorique, mystique, poétique, orné, affecté, fleuri, pompeux. Langage obscur, incorrect. Poème écrit en beau langage, en vieux langage. La pureté, la correction du langage. Vous me tenez là un étrange langage. Je n'entends point ce langage. Le langage de la passion. Composer son langage.
Il se dit, par extension, des Cris, du chant, etc., dont les animaux se servent pour se faire entendre. Les oiseaux ont une sorte de langage. Le langage des bêtes.
Il se dit encore, figurément, de Tout ce qui sert à exprimer des idées et des sensations. Langage du geste, des yeux. Le langage symbolique des fleurs. La pantomime est un langage muet. Le langage des signes. On a composé, pour les sourds-muets, un langage au moyen de divers mouvements de la main et des doigts.