Poésie, philosophie, deux mots liés. Que peut dire une discussion philosophique sur ces deux vocables, liés sans interrogation? Pour commencer comment fut entendu le mot philosophie dans le temps.
Brève définition de la philosophie dans l’Antiquité.
La philosophie est considérée comme la mère de toute science. Mais cette définition ne saurait rassasier l'interrogateur tant il est indispensable de dire qu'il est difficile de la définir faute de connaître précisément comment elle a émergé.
Les présocratiques
Le mot philosophie, selon certaines sources, aurait été forgé par Pythagore, qui refusait de se considérer comme un sage (sophos) car la possession de la connaissance, i.e. la connaissance des principes et causes des choses humaines et divines, est le privilège des dieux. Il préférait être appelé « amoureux de la connaissance » (philosophos), c'est-à-dire amoureux des réalités divines. Avant Pythagore, on appelait sophoi ceux qui cherchaient à connaître les réalités divines et humaines.
Socrate
Mais en réalité on peut affirmer que la première occurrence du terme « philosophie » se trouve dans l'œuvre de Platon et plus exactement dans l'Apologie de Socrate et dans Le Banquet. Ce n'est pas par hasard que le terme apparaît dans un dialogue dont Socrate est le héros. Pour Socrate, être philosophe, c'est être conscient de son ignorance et vouloir sortir de cet état. Et quand Socrate dit savoir une seule chose : qu'il ne sait rien, il ne s'agit pas là de modestie mais d'un véritable programme de vie qu'il établit.
La σοφια (sophia) vers laquelle tend Socrate n'est pas un savoir purement théorique, même si une des traductions du terme sophia est effectivement « science ». La σοφια de Socrate est un savoir, certes, mais c'est un savoir qui doit permettre d’agir correctement pour vivre comme il faut, afin d'atteindre le bonheur (ευδαιμονια) par la vertu, αρετή (arété), également traduisible par « excellence ».
Platon
Platon reprendra cette idée, mais la développera de façon très originale dans Le Banquet puisqu'il fera du philosophe un amoureux au sens propre — un amoureux des beaux corps mais, au fur et à mesure de son progrès comme philosophe, un amoureux de la Beauté elle-même. Platon insistera donc nettement sur le caractère érotique de la philosophie tout en accentuant la transcendance de la sexualité.
Platon développera, parallèlement à cette définition de la philosophie, une autre définition dans La République qui fera du philosophe un homme politique (le philosophe-roi de toute cité vertueuse et heureuse). La figure du philosophe se détache nettement de la tradition socratique ; il ne cherchera plus uniquement le savoir mais il le possèdera. C'est cette compétence qui justifiera qu'il soit à la tête de la cité, et non plus seulement un membre plus ou moins accepté par la communauté.
Enfin, Platon exposera une troisième définition de la philosophie dans le Phédon : la philosophie comme préparation à la mort, ou plus exactement à la séparation du corps et de l'âme. Le philosophe, par son commerce avec les Idées, s'habituera peu à peu à fixer son attention sur les réalités transcendantes et immatérielles que sont les Idées. Son esprit alors verra dans la séparation entre l’âme et le corps un phénomène déjà vécu en un certain sens. Cette interprétation de la philosophie sera reprise de Cicéron à Montaigne.
Mais le but de la philosophie reste le même chez Socrate et chez Platon : c'est la vertu et le bonheur, qui étaient identiques ou en tout cas inséparables. Le philosophe dans La République (dans le 10ème livre) de Platon, c'est aussi celui qui vit le mieux, qui vit de la façon la plus heureuse (par opposition à ceux qui se consacrent aux activités guerrières ou artisanales).
Aristote
La définition de la philosophie chez Aristote reste dans le fond identique avec celle de Platon dans la mesure où elle reste dominée par les concepts de vertu et bonheur. La philosophie dans « l'Éthique à Nicomaque » se fait βιος θεορετικος (bios theoretikos), c'est-à-dire vie contemplative. Être philosophe c'est donc selon Aristote consacrer sa vie à l'activité intellectuelle. Cette activité intellectuelle est aussi bien recherche intellectuelle que contemplation de Dieu. Contemplation difficile, rare mais qui est la seule voie vers une existence heureuse et stable.
Mais l'influence d'Aristote sur la définition de la philosophie résulte avant tout d'une autre raison primordiale : il fut le premier dans sa Métaphysique à considérer les Présocratiques comme des philosophes. Il élargit ainsi l'horizon philosophique — ou plus exactement le champ de ceux qui peuvent être considérés comme des philosophes.
La Philosophie à l'époque moderne
Descartes
Descartes est un de ceux qui ont profondément modifié le concept de philosophie. Même s'il reprend l'idée de Socrate et de Platon (la philosophie en tant qu'amour de la sagesse), il modifie complètement l'acception de « sagesse ». Cette dernière est divisée chez lui en trois branches : la médecine, la morale et la mécanique. Elle n’est donc plus simplement un savoir éthique permettant d'accéder au bonheur (même si ce dernier est encore l'objectif ultime de Descartes) mais une connaissance basée sur un savoir indubitable (fondé sur la physique et en ultime instance sur la métaphysique) et de nature scientifique. L'amour de la sagesse se fait désir de posséder un savoir fondé scientifiquement.
La philosophie à l'époque contemporaine
Une autre définition de la philosophie renverse le rapport entre pensée et action : c'est ainsi que Marx assigne à la philosophie le devoir de transformer le monde (cf. « Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de diverses manières, ce qui importe c'est de le transformer. »), renversant ainsi la perspective de Kant, puisque le questionnement suit la praxis.
La poésie, c'est quoi ? Dix définitions de la poésie par les poètes
La poésie, on ne sait pas ce que c'est, mais on la reconnaît quand on la rencontre.
Jean L'Anselme
La poésie est un monde enfermé dans un homme.
Victor Hugo
La poésie, c'est ce qu'on rêve, ce qu'on imagine, ce qu'on désire et ce qui arrive, souvent.
Jacques Prévert
La poésie, ça sert à voir avec les oreilles.
Jean-Pierre Depétris
La poésie, c'est de savoir dire qu'il pleut quand il fait beau et qu'il fait beau quand il pleut.
Raymond Queneau
La poésie, c'est le langage dans le langage.
Paul Valéry
La poésie est cette musique que tout homme porte en soi.
William Shakespeare
La poésie est la rencontre de deux mots que personne n'aurait pu imaginer ensemble.
Federico Garcia Lorca
Toute la poésie, c'est cela. Soudain, on voit quelque chose.
Louis Zukofsky
La poésie, c'est quand le silence prend la parole.
Georges Duhamel
La poésie a toujours été un lieu de pensée, une procédure de vérité, mais à la différence de la philosophie, qui a le désir de penser la pensée, la poésie est une pensée en acte, qui rend compte dans le langage de la singularité de la présence du sensible. La poésie n’est pas une réflexion, mais depuis l’époque de la modernité, qu’Alain Badiou nomme « l’Age des poètes », la poésie se trouve astreinte, pour certains poètes à penser cette pensée : Dès 1860, Mallarmé déclare que « sa pensée s’est pensée », et le poète se trouve confronté à la question : « qu’est-ce que penser » avec les ressources du poème, alors que cette recherche se trouvait auparavant être celle du philosophe. La poésie contemporaine établit des directives pour la pensée, une série d’opérations singulières qui permettent à la pensée du poème de se déposer dans l’anonymat d’un trajet.. Pour Pessoa : « La nature est faite de parties sans un tout » et Celan : « Sur les inconsistances / s’appuyer ». La tradition poétique proposait au contraire de s’appuyer sur un ordre qui apaise le chaos, mais les poètes de « l’Age des poètes » veulent abolir tout classement, produire un court-circuit dans la circulation du langage, organise une désorientation menée au point ou notre place n’est plus attestée nulle part. Rimbaud « j’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges. » Mais il lui est impossible de nommer la source de ces notations. Le poème est le pouvoir infondé et innommable de la puissance de la langue : il n’a pas d’autre fonction que de manifester cette puissance.