Au clair de la lune est une chanson populaire française dont la mélodie, très caractéristique, ainsi que les paroles — surtout celles du premier couplet — sont si familières qu'elles ont fait l'objet d'innombrables citations, adaptations, parodies, pastiches, etc.
Origines.
L'origine et l'âge de l'air sont incertains. Un recueil de chansons du XVIe siècle, Recueil des plus belles et excellentes chansons en forme de voix-de-ville de Chardavoine paru en 1576 « présente une succession de note » sur le vers suivant :
« Gaudinette je vous aime tant. »
Mais même si les notes sont les mêmes, c'est trop peu pour y voir l'acte de naissance d’Au clair de Lune.
La mélodie de cette chanson enfantine est parfois attribuée à Jean-Baptiste Lully, compositeur du XVIIe siècle. La source donnée étant un air du ballet de l'opéra Cadmus et Hermione (1673). « Mais l'examen de la partition n'est guère concluant » et « Rien n'autorise à lui attribuer l'air de la chanson ». En l'absence de sources fiables étayant cette thèse, l'œuvre est actuellement considérée comme une chanson du XVIIIe siècle dont l'auteur et le compositeur sont inconnus.
La chanson est en effet à la mode vers 1780 « comme Cadet Rousselle, comme Malbrough ». Il emprunte un texte dit de La Rémouleuse et sur une contredanse appréciée dans la haute société du XVIIIe siècle. Le texte accolé à la musique plus tard, est En roulant ma brouette...
La première publication du texte est due à Théophile Marion Dumersan dans son Chants et chansons populaires de la France en 1843, repris dans Chansons nationales et populaires de France en 1846. « Il n'en retient que les deux premières pour les Chansons et rondes enfantines ».
Version la plus courante
La version la plus courante évoque des personnages issus de la commedia dell'arte, Pierrot et Arlequin. Pierrot est un personnage à chapeau blanc et au visage poudré de farine. Ce rôle réapparaît à Paris en 1673 incarné par Giuseppe Giratone. Mais c'est Gaspard Debureau et son fils Charles, qui le popularisent au Théâtre des Funambules dans les années 1820.
Le personnage de Lubin apparaît plusieurs fois : dans une ballade (1527) de Clément Marot où Lubin est un moine débauché. Dans le Georges Dandin (1668) de Molière, il est un valet « galamment empressé auprès de Claudine, une forte luronne. »
1.
Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot,
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot.
Ma chandelle est morte,
Je n'ai plus de feu ;
Ouvre-moi ta porte,
Pour l'amour de Dieu.
2.
Au clair de la lune,
Pierrot répondit :
« Je n'ai pas de plume,
Je suis dans mon lit.
Va chez la voisine,
Je crois qu'elle y est,
Car dans sa cuisine
On bat le briquet. »
3.
Au clair de la lune,
L'aimable Lubin
Frappe chez la brune,
Ell' répond soudain :
— Qui frapp' de la sorte ?
Il dit à son tour :
— Ouvrez votre porte
Pour le dieu d'amour !
4.
Au clair de la lune,
On n'y voit qu'un peu.
On chercha la plume,
On chercha le feu.
En cherchant d'la sorte,
Je n'sais c'qu'on trouva ;
Mais je sais qu'la porte
Sur eux se ferma...
Commentaires sur le texte de cette version.
D'après certaines sources la version originale disait Prête-moi ta lume plutôt que Prête-moi ta plume. Lume vient du mot lumière et c'est ce dont on a besoin pour écrire lorsque la chandelle est morte. On a donc la demande, « la lumière (lume) pour écrire un mot » et la justification de cette demande, « ma chandelle est morte, je n'ai plus de feu ». Il faut donc du feu pour rallumer la chandelle et avoir ainsi de la lumière (lume). Cette version est plus cohérente avec la voisine qui bat le briquet, c'est-à-dire qui allume son feu, et pourra rallumer la chandelle. Ce sens est perdu avec « Prête-moi ta plume ».
Cependant la version officielle serait cohérente si le protagoniste cherchait deux choses : une plume pour écrire et du feu pour sa chandelle. Ainsi dans le premier couplet la demande de feu serait alors sous-entendue dans « ma chandelle est morte je n'ai plus de feu ». Dans le second couplet la version modifiée donnerait « je n'ai pas de lume, je suis dans mon lit » ce qui signifierait que puisque Pierrot est dans son lit, alors il a déjà éteint ses lumières. Mais la version originale « je n'ai pas de plume, je suis dans mon lit » peut être tout aussi logique si Pierrot explique qu'il n'a pas de plume pour son ami et qu'il est dans son lit. De même, pour le quatrième couplet, la version modifiée « on chercha la lume, on chercha du feu » produirait une phrase redondante, alors que la version officielle « on chercha la plume, on chercha du feu » contient deux informations.
À travers des termes comme Lubin, moine dépravé), chandelle, battre le briquet désigne l'acte sexuel et le dieu d'amour, les paroles ont des sous-entendus sexuels. Ainsi, rallumer le feu, l'ardeur lorsque la chandelle est morte, le pénis au repos en allant voir la voisine qui « bat le briquet » peut être interprété de façon lubrique.
Autres versions.
Il existe de nombreuses autres interprétations ou adaptations. Certaines ne conservent que des fragments de la mélodie originale. D'autres changent tout ou partie des paroles, telles que les versions de Charles Trenet ou Colette Renard — Cette dernière n'étant pas destinée aux enfants car il s'agit d'une chanson paillarde — . En 1964, France Gall l'enregistre sur son 5e 45 tours (comprenant Sacré Charlemagne). Grâce au texte écrit par son père Robert Gall, la chanson devient alors une chanson d'amour.
Prosodie.
Le texte d'Au clair de la lune est écrit en pentasyllabes.
Un symboliste souscrira à son tour à la forme sélénet (couplet de deux quatrains), dans des vers de circonstance : Paul Valéry s’adressant au Dr Edmond Bonniot, gendre de Mallarmé.
« Au clair de la lune
Mon cher Bonniot
J'ai perdu mon rhume
Qui t'a pris au mot
Ma bronchite est morte
Je n'ai plus de toux
Ouvre-moi ta porte
Pour courir chez vous »
(…)