Il y a quelques jours au centre de Paris se déroulait en fin de matinée un café philo. L’assistance décida de converser sur le thème de; « Pourquoi des cafés philo. » Il y a plusieurs année cette question fut déjà posée dans les cadres d’AccordPhilo. Voici deux de ces réflexions l’une d’un des adhérent de l’association et l’autre un article de presse.
Un peu plus tard,quelques jours je développerais mon avis sur le sujet, non que je donnerais une réponse à cette question mais une critique de ce qu’ils sont.
A suivre.
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A quoi servent les cafés philo ?
Il y a quelques jours au centre de Paris se déroulait en fin de matinée un café philo. L’assistance décida de converser sur le thème de; « Pourquoi des cafés philo. » Il y a plusieurs années cette question fut déjà posée dans les cadres d’AccordPhilo. Voici deux de ces réflexions; l’une d’un adhérent de l’association et l’autre un article de presse. Un peu plus tard,quelques jours je développerais mon avis sur le sujet, non que je donnerais une réponse à cette question, mais une critique (comme entendu au paragraphe 3— Le couple critique Construction. du texte qui suit) de ce qu’ils sont. À suivre. À quoi servent les Cafés philo ? Mon expérience des Cafés philo est récente. Les remarques qui suivent sont celles d’un novice, notes en marge de l’expérience : naïveté, enthousiasme.~ Elles évoquent une réalité, peut-être également des possibles. Les Cafés philo sont un symptôme, une réponse — modeste et très symbolique — à une réalité.sociale préoccupante que je résumerai sommairement. Primo : le monde actuel est d’abord le triomphe de l’Économique et du Technologique. La situation mondiale est caractérisée par la Guerre économique avec son cortège de corruption, d’inégalités criantes, de précarité et de misère pour des millions d’êtres, qui ne cesse de creuser le fossé entre une minorité de nantis et une majorité de démunis. L’homo économicus se caractérise par un individualisme farouche, l’égoïsme et l’avidité, peu préoccupé, par les conséquences d’une course suicidaire à la croissance. Il s’appuie sur le développement accéléré des technosciences multipliant les savoirs spécialisés dont la compréhension échappe de plus en plus à l’honnête homme. L’économico-technologique impose sa loi par la liaison de trois objectifs : Avoir, savoir, pouvoir. Secondo : la production d’objets destinés à la consommation trouve son écho dans la production d’une information torrentielle et anarchique, réalisée par l’industrie de la médiatisation. Celle-ci privilégie le sensationnel, flatte les goûts les plus élémentaires, se met au service du seul « langage » intéressant la sphère économique : la publicité. Devant la toute-puissance de la télévision et des ordinateurs, la presse écrite d’opinion et d’analyse a de.plus en plus de mal à survivre. Autre secteur privilégié de nos médias : le sport, glorification de l’esprit de compétition qui anime le monde économique. Tertio : à l’ancienne polarité Capitalisme — Communisme, celle de la guerre froide, s’est substituée une nouvelle polarité mondiale, le nord, riche et dominateur contre le sud, dominé et misérable. La guerre économique a accouché d’une guerre de civilisation. À l’agressivité du nord répond la violence du sud, souvent liée à l’intégrisme religieux, opposant aux « Lumières » de l’Occident, un obscurantisme dogmatique et simplificateur. Ce tableau plutôt sombre et trop schématique n’a pour finalité que de susciter les contours d’un contre-monde rêvé et plus serein : un monde où la furie de la guerre économique ferait place à un vivre ensemble plus mesuré, celui de la sobriété heureuse, où chacun s’ouvrirait à l’Autre dans une parole de partage, monde où la foire médiatique céderait devant l’exigence d’analyse et de lucidité sereine, où l’exacerbation des peurs et des haines cesserait au profit d’une compréhension nouvelle entre les hommes. Il me semble que ce qui se joue dans les Cafés philo n’est pas totalement étranger à cette utopie. Le Café philo est cet espace où se superposent trois strates : celle d’un Jeu de société, celle d’un Exercice de la réflexion et celle d’une propédeutique à une Éthique. Le Café philo comme Jeu de société Ma fréquentation récente des Cafés philo m’a permis de m’apercevoir que ce lieu est d’abord un lieu convivial et ouvert à tout le monde. Tout est fait pour mettre les gens à l’aise : comme tout café, c’est d’abord un lieu de détente, de rupture par rapport au monde du travail. C’est aussi un lieu de rencontre où les gens finissent par se connaître et se reconnaître. L’usage du seul prénom met entre parenthèses origines et professions. Chacun va donc se prêter à ce jeu de la conversation, de la participation au débat, ne se définissant que comme porteur de paroles. Les règles sont simples : unité de lieu, une salle de Café ; unité de temps, deux heures de discussion ; unité d’action, un débat autour d’un sujet choisi par les participants. La parole est donnée à tour de rôle à celui ou celle qui en a manifesté le désir. Cette parole, susceptible d’être comprise de tous, évitera un vocabulaire trop spécialisé, se démarquant en cela de lieux de débats plus institutionnels où métalangage et codification peuvent être obscurs pour certains. Quelles sont les figures de ce jeu ? Il n’y a ni gagnant ne perdant : seule essaie d’émerger une vision mieux informée et plus claire, plus approfondie et plus complexe du sujet choisi. Par l’effort que demande cette recherche, le jeu ressemble à un jeu de piste, avec ses indices, sa direction, ses énigmes à résoudre. Mais ce parcours discontinu ressemble aussi à un jeu d’énigme, à condition que la séance ne se borne pas à juxtaposer des interventions hétérogènes, mais travaille à une synthèse possible de la diversité des points de vue. C’est en particulier la tâche de l’animateur dont le rôle oscille entre celui d’entraîneur et celui d’arbitre. Rôle difficile, que celui qui doit trouver l’équilibre instable entre laxisme — se borner à donner la parole aux intervenants qui la demandent — et dirigisme — traiter seul le sujet, faire d’abord valoir ses idées. Une séance réussie est celle qui aura montré que l’écoute de la parole des autres peut approfondir et clarifier la vision que chacun avait, au départ, du sujet choisi. Ce jeu de société est aussi, à sa manière, un jeu de socialisation.
Valéry préférait, de loin, au poème achevé le long et tortueux exercice créateur qui y avait conduit. Le poème n’est d’ailleurs souvent qu’un moment, une étape d’un exercice, d’un travail continu. L’exercice est une activité ouverte qui se donne comme inachevée. La rédaction d’une « conclusion » a toujours quelque chose de traumatisant : comment peut-on clore un débat ? C’est donc la chasse qui compte, plus que la proie. Le Café philo peut être considéré comme un lieu où lés participants s’exercent à réfléchir sur un thème donné, et cet exercice se justifie en tant que tel. Il y aurait beaucoup à dire sur l"'exercice » de la pensée et de grands penseurs se sont attaqués à cette question. Je ne m’attacherai qu’à trois couples de gestes ou d’actes : l’écoute et l’intervention — la question et la réponse — la critique et la construction, sachant que ces actes interfèrent souvent.
1— Le couple écoute-intervention
En économie on parle du couple Production-Consommation, en communication du couple Emission-Réception de messages, en littérature du couple Ecriture-Lecture. Dans le cadre du Café philo j’évoquerais plutôt le couple Intervention-Ecoute. Le jeu de la réflexion veut que l’on construise collectivement une réflexion tissée par les interventions des membres : une intervention est censée se nourrir des interventions des autres, soit pour les confirmer soit pour les infirmer en bloc ou en partie. L’intervention — le préfixe a son importance — prend la forme d’une expression que nous donnons au débat. Il existe certainement une pulsion d’expression, un besoin — peut-être vaniteux — d’autoaffirmation. Un mauvais plaisant a stigmatisé un jour ce besoin d’expression : « Aujourd’hui, tout le monde veut écrire, plus personne ne veut lire. » L’intervention se nourrit de notre culture, des données de la mémoire, mais aussi de notre expérience vécue : celle-ci joue certainement un rôle plus important dans les Cafés philo que dans les enceintes universitaires, vouées avant tout à l’analyse des textes. Le rôle de l’expression c’est de donner forme aux idées plus ou moins floues qu’éveille le sujet en nous. Il est bon que les premières interventions partent du savoir le plus stéréotypique sur le sujet choisi, pour pouvoir travailler ensuite sur les nuances et la complexité de la question. L’expression surgit en quelque sorte de notre expérience singulière et espère toucher d’autres singularités. Ce qui fait la valeur d’une intervention, c’est la richesse et la complexité de l’écoute intériorisée auxquelles elle répond. Après tout, nous commençons notre vie par écouter et recevoir les paroles et les gestes d’autrui. Quelles écoutes ? D’abord l’écoute de la parole de l’autre. Mais, plus profondément, l’écoute, avant d’intervenir, du murmure de notre mémoire, de cette « textualité » bruissante faite de paroles retenues, de souvenirs de situations vécues, de souvenirs de lectures, d’échanges. Je dirais que toute écoute est un cas particulier de ce qu’on pourrait appeler notre écoute du monde, de nos profondeurs, une tension d’appréhension de la part la plus secrète du réel. Dans un Café philo, on ne peut oublier les signes ou clins d’yeux narquois que semblent nous faire les milliers de livres rangés sur les rayons de bibliothèques : (« Que peux-tu trouver encore d’original, semblent nous souffler les volumes alignés, après toutes ces pensées et traces sublimes ? »). Mais la terre tourne et le devenir à chaque instant change les configurations du réel. Le débat tient à la fois de la chimie et de la fécondation biologique : les idées, remarques, réflexions réagissent les uns sur les autres, se croisent pour, parfois, produire de nouvelles idées inattendues. Un bon débat ne peut ignorer l’écoute des autres et aspire à une synthèse provisoire, certes — mais ouverte.
2— Le couple Question-Réponse
Pour les premiers philosophes, la pensée était d’abord interrogation du monde, étonnement devant les phénomènes : au commencement est l’Ouverture interrogative. Dans certains Cafés philo, une fois le sujet choisi, on demande aux participants de poser des questions à celui qui a proposé le sujet : c’est la phase « apéritive » (qui ouvre l’appétit...) du débat. Très souvent ce commencement questionnant s’interroge sur le sens, la polysémie voire l’étymologie des mots thèmes. Il y a là comme un souci d’assurer au débat de bonnes fondations. La question ressemble à une béance réceptrice, une matrice de réponses à venir. La réponse est semblable à un « plein » tentant de satisfaire la béance, le « vide » ouvrant de la question. Mais ce plein est limité, c’est l’affirmation d’un possible parmi d’autres. L’histoire de la philosophie a pu opposer à la « réponse » la plus close, celle du dogmatisme imposant sa vérité prétendue définitive, le questionnement pur du scepticisme décrétant l’impossibilité de la connaissance humaine. C’est entre ces deux pôles extrêmes que la pensée navigue, avide de trouver des réponses satisfaisantes, mais, en même temps, doutant de toute réponse, se maintenant en « suspens » : peut-être l’espace de la pensée est-il cet entre-deux entre question et réponse. L’ouverture des hypothèses, du virtuel, du potentiel répond à l’Ouverture du questionnement. En somme, une « bonne » réponse est celle qui reconnaît ses limites, qui évite l’arbitraire par une argumentation solide. La bonne réponse est celle qui fait naître de nouvelles questions. Le Jeu de la réflexion est un Jeu interactif et générateur de nouveaux possibles.
3— Le couple critique Construction.
Avant toute « décision », l’un des sens étymologiques du mot « critique » — il y a examen précis, pesé, trié. Avant la décision, la pesée des différents possibles. La scène du Café philo n’est pas celle d’une secte, d’un parti, c’est un espace critique : critique face aux idées reçues, aux courants de la mode, critique aussi par rapport à soi, à ses propres convictions. Pas de critique valable sans autocritique... Toutes nos pensées sont conditionnées par l’esprit du temps : l’acte critique le plus difficile, c’est d’opérer un déconditionnement, au moins partiel, par rapport au monde ambiant. La critique est du côté de l’analyse rationnelle, de la réflexivité, non de la croyance, d’un certain détachement. Toute pensée devrait se doubler d’une « pensée de la pensée », d’un examen lucide de nos hypothèses, de nos propositions. L’examen critique refuse la simplification voire la réduction : il est du côté de la complexité du réel et du vécu. En réalité nous sommes toujours « débordés » par le réel. Mais toute pensée, la plus fine surtout, a besoin de s’actualiser, de prendre corps. Pour que la critique ne se contente pas d’une mise en pièce rageuse de toute proposition, elle doit tendre vers une construction, même provisoire. N’oublions pas d’un des sens du mot « critique » est décision. Car un débat n’est pas une juxtaposition d’opinions individuelles, c’est, qu’on le veuille ou non, une construction collective. Le débat est critique, exploratoire, creusant, mais aussi interactif, intertextuel comme disent les spécialistes de la littérature. L’animateur a en vue la « construction » du débat : choix et pesée des interventions ; ouverture de débats secondaires, méfiance à l’égard de la tendance « naturelle » à la digression ou à l’extrapolation. Le modèle ici est la polyphonie, les règles du contrepoint enseignent comment superposer plusieurs mélodies particulières ayant chacune sa beauté, en un ensemble harmonieux ou consonant. Évidemment cette polyphonie..., ne peut être qu’une synthèse aléatoire, provisoire, propre au groupe, à son inventivité, sa « forme » intellectuelle, son inspiration du jour... Malheureusement, beaucoup de séances sacrifient cette construction synthétique au profit de la juxtaposition des interventions particulières, peu soucieuses d’inscrire leur réflexion dans un ensemble.
Le Café philo comme propédeutique à une éthique.
L’éthique est moins une morale qu’un style de vie. Le philosophe Jules Lequier résumait dans une formule brève l’imbrication étroite entre « l’exercice » ou « l’action » et la création de soi : « Faire, et, en faisant, se faire ». Au-delà de l’exercice de réflexion, le Café philo peut contribuer à la mise en pratique à la fois d’une éthique citoyenne et d’une sagesse : en ces domaines, le Café philo est l’héritier d’une longue tradition philosophique.
1— Mémoire.
Quelques jalons parmi d’autres. L’un de nos ancêtres prestigieux est ce Socrate qui exerçait sa sagacité dans les rues d’Athènes en dialoguant avec les passants, en leur posant des questions afin de les faire accoucher de pensées que chacun est censé porter en soi sans le savoir. Contre la croyance paresseuse, la maïeutique et l’effort de penser. Et il faudrait évoquer, comme l’a fait Pierre Hadot, l’essentiel de la philosophie antique, pour laquelle l’exercice de la pensée se veut moins création de systèmes qu’exercice spirituel, formation existentielle, acquisition d’une sagesse. Plus proche de nous, pensons à l’entreprise de Montaigne pour qui la lecture et l’écriture ont servi de moyen pour « s’essayer », se découvrir et se construire. Le Café philo ne peut pas ne pas se souvenir de la tradition plus mondaine des salons littéraires où la pensée du temps était mise à l’essai dans ce mélange bien français de l’esprit et de la séduction. Le XVIIIe siècle verra l’apparition des cafés littéraires consacrés en particulier à la lecture publique des journaux et aux débats de société. Quant à la classe de philo, aboutissement de notre enseignement secondaire, elle a marqué beaucoup d’entre nous en nous .faisant découvrir, à côté de l’analyse scolaire des textes et l’acquisition d’un embryon de culture philosophique, cette émotion très particulière devant le fait que la pensée pouvait éclairer les aspects les plus humbles de l’existence, que tout pouvait devenir objet de pensée, et que cette transmutation du vivre opaque en vivre pensé produisait comme une catharsis secrète...
2 — Une école de citoyenneté
Le Café philo peut contribuer à développer une éthique du discours par la complémentarité entre liberté de penser et rigueur de la démarche : pour éviter le confusionnisme, la rhétorique creuse et l’extrapolation, s’impose le souci de la définition des concepts, d’une démarche claire et convaincante, dans une formulation juste. Les habitués du Café philo sont en quelque sorte des « généralistes » : tous les sujets sont les bienvenus, mais l’analyse n’est pas celle, close et intimidante, du spécialiste. La parole ici est une parole d’honnête homme de notre époque, homme connaissant ses limites et privilégiant l’échange. Cette éthique du discours est étroitement liée à une éthique du débat : le débat me permet de découvrir la pensée de l’autre qui me révèle au besoin les limites de ma culture ; l’ouverture du débat me permet de mieux saisir ce qui constitue la singularité de mes goûts, voire de mes obsessions intellectuelles. Dans l’ouvrage « Soi comme un autre », Ricœur a pu montrer comment la connaissance de soi passe par la connaissance, de l’autre, en particulier grâce au langage. L’éthique du débat est au cœur de l’éthique démocratique qui refuse la notion de Vérité absolue, qui part du fait de la pluralité, de la différence, mais aussi des vertus de l’échange et de la communication vraie, qui œuvre sur un chantier inachevé, en devenir, où se croisent, en se fécondant, la pensée du monde, la pensée de l’humain et la pensée de la pensée. N’oublions pas que la Grèce fut à la fois l’inventeur de la philosophie et de la démocratie.
3 — L’acquisition progressive d’une sagesse
La Sagesse a toujours été, entre autres, une des visées essentielles de la philosophie : le philosophe, homme ami de et aspirant à la sagesse... Sagesse, c’est savoir et saveur, savoir-vivre, savoir-être ; sagesse, c’est ce savoir de soi, de sa propre singularité : mais ce soi n’est pas, transparence pure, il porte en soi un « autre » obscur : soi est (aussi) un autre ! Le seul médiateur dans cette exploration, c’est le Logos, à la fois parole et pensée. La parole n’est pas qu’un instrument de communication, elle est, en chacun de nous, le recours salvifique, celui auquel nous nous confions. Peut-être sommes-nous deux corps mêlés : un corps de Vie, précaire, destiné à disparaître, et un corps de paroles, plus artificiel, constitué de paroles, de textes, voire d’œuvres. Entre les deux, des mouvements permanents de transfert. Notre corps vivant –appelons — le Bio corps — ne cesse de nourrir l’autre, le Logo corps, la vie devenue œuvre (de paroles). Le discours philosophique a ce pouvoir de joindre les deux pôles : celui de la parole référentielle utilitaire ou de la communication des idées, et celui de la parole-vie, du verbe poétique, de la vie muée en parole. Les philosophes se sont occupés des sciences — ils les ont même pratiquées —, mais ils se sont aussi approchés de la poésie (cf. Heidegger). Si j’avais à esquisser une sagesse pour hommes de notre temps, je choisirais cette sagesse du minimal qu’est la sagesse tragique, celle de Nietzsche, de Camus, de Marcel Conche, de Clément Rosset entre autres. Elle est lucidité avant tout, refus des illusions transcendantales. Elle pense qu’il n’y a qu’un Réel, elle est immanentiste : que suis-je ? Une parcelle vivante, mais menacée de Réel, l’arrière-petit-cousin du brin d’herbe ou du caillou. Mais en même temps, être limité à l’extrême, je suis conscient de ce devenir fugace, même si je suis borné par l’Inconnu, le Vide de sens, l’Altérité. Ce Réel est cruel, mais ma situation sécrète de la joie. Donc, essentiellement trois pôles liés sur un cercle qui me comprend : BIOS, la parcelle de vie et de désir, HÉTÉROS, l’Inconnu, LOGOS, la pensée-parole. René Char dit le lien entre blessure et lumière : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil » ; il dit aussi » l’importance vitale de l’Inconnu : « Comment vivre sans inconnu devant soi ? » On voit que l’exercice de la pensée et de la parole est plus qu’un simple entraînement : c’est l’exercice de vivre pleinement cette vie à la fois intense et fragile. J’ai essayé de montrer la richesse stratifiée du Café philo : à la fois lieu ludique et convivial, lieu où s’élabore une réflexion critique et constructive dans une parole éprise de justesse, lieu où peut s’acquérir une sagesse citoyenne, bref, lieu d’une résistance douce à la régression obscurantiste et à toutes les violences de notre époque.
Georges Nonnenmacher. Le 24 mai 2007.
Du café aux séances de thérapie en passant par les brochures corporatedes entreprises, la philo est partout et n’importe où et surtout accessible à n’importe qui. Comme pour les romans de gare, on la vend avec le slogan promotionnel « La philosophie de 7 à 77 ans ». Dernièrement le record a été battu. L’âge de raison est rabaissé à trois ans. A peine sortis du biberon et des couches, le pouce encore à la bouche et le nez qui coule, les nouveaux philosophes en herbe, doudou à la main, balbutient quelques mots hautement philosophiques devant une institutrice qui se pâme, toute émerveillée et fière de sa marmaille éclairée.
Trois ans, l’âge idéal pour philosopher…
Eh oui, la philosophie a migré du bistrot au bac à sable. Et tout le monde s’en réjouit. Il n’est jamais trop tôt pour apprendre à penser, proclame-t-on. Alors, pourquoi ne pas commencer au berceau, en diffusant dans les oreilles du nourrisson non pas la douce musique d’une berceuse mais des passages de la Critique de la raison pure ? Au moins avec un tel embrigadement philosophique, il serait prêt pour le bac.
Bon trêve de plaisanterie. Pendant deux ans, Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier ont filmé l’atelier philo d’une école maternelle de Seine et Marne afin d’observer « l’évolution » de ces bambins de trois à quatre ans.Ce n’est qu’un début ! est sorti sur les écrans au moment où Luc Châtel annonçait que, dès la rentrée prochaine, la philosophie serait enseignée à partir de la seconde. S’il y a débat pour savoir si l’adolescent de 15 ans est assez mature pour aborder la pensée philosophique, la question ne se pose pas pour les maternelles de cette ZEP, tout simplement parce que trois ans serait l’âge idéal pour philosopher !
Il faut dire qu’apprendre à compter, à lire et à écrire correctement est sans doute devenu superflu à une époque où beaucoup d’enfants arrivent en 6ième avec des lacunes bien installées. Autour de leur maîtresse, ces bambins apprennent à penser non pas à partir des Contes de Charles Perrault, des Frères Grimm ou encore des Fables de la Fontaine, textes pourtant si féconds mais, comme les illustres interlocuteurs de Socrate avant eux, en abordant des concepts aussi complexes et abstraits que la mort, l’amour, le pouvoir, la liberté…tout en braillant, à tout bout de champ, comme pour bien s’assurer que c’est bien de cela qu’il s’agit, qu’ils font de la philosophie.
Bambins réacs…
La maternelle devient donc le nouveau salon de réflexion où les petits disciples accouchent de leurs jeunes esprits innocents et dévoilent des vérités aussi profondes que « Quand on est amoureux, ça fait des guillis dans le ventre » ou encore « L’âme est un truc invisible qui est bleu ». Devant ces remarques qui témoignent d’une pensée en mouvement digne des plus brillantes réflexions socratiques, les voix de nos Précieuses Ridicules s’élèvent et s’exclament enchantées ils « … savent tout sans avoir jamais rien appris1.»
Formidable ! Platon, Descartes, Pascal, Kant, Hegel et les autres n’ont qu’à aller se rhabiller. L’enfant innocent, pas encore perverti par les préjugés culturels et sociaux, à l’esprit pur et au regard neuf, leur tire la langue parce que, lui, sait spontanément ce que, eux, ont mis des années à penser ! Il n’a que faire de leurs systèmes d’explication du monde. Lui, il s’étonne devant le monde, il s’émerveille devant sa nouveauté et le questionne.
Pourtant, à aucun moment du reportage, cette marmaille philosophante ne pose des questions. C’est le constat de ce que chacun vit au quotidien dans son environnement naturel qui domine plutôt qu’une série d’interrogations sur le monde. Instinctivement, les enfants évoquent le vert paradis de leurs amours enfantines, les disputes de couple de leurs parents, les clochards qu’ils voient dans la rue, leurs préférences de couleur de peau et leurs états d’âme qu’ils subissent passivement. Où est donc l’étonnement philosophique là-dedans ?
Il ne faut pas compter sur l’institutrice, titulaire d’un diplôme en arts plastiques et non en philosophie, pour le susciter. Jamais cette pseudo-dialecticienne maternante ne pousse ces petits disciples dans leurs contradictions.
Quelle horreur, face au vertige du questionnement, les enfants finiraient par pleurer ! Alors elle les laisse dire des absurdités comme « La liberté c’est faire ce qu’on veut », parce que ce qui importe, au final, c’est qu’ils baragouinent entre eux et de faire passer ça pour de la réflexion. Alors bienvenue à la philo infantilisée !
En tout cas, quitte à décevoir les apôtres du progressisme bienfaisant et les idolâtres rousseauistes de l’innocence éclairée, les prises de paroles des bambins révèlent bien une seule chose : l’existence d’une pensée réac et conservatrice hors pair ! Dans cette bouillie sentimentaliste ressort leur désir de trouver l’ordre symbolique de la séparation entre les sexes et les âges et la structure rassurante et traditionnelle du modèle familial. Eh oui !
Preuve que c’est davantage de l’autorité et de la transmission d’un savoir qu’un enfant de trois ans a besoin que d’un cours de philo qui, en plus, est tout sauf de la philosophie.
Isabelle Marchandier.
Réplique de Mascarille à la scène 9 des Précieuses Ridicules
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