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Si une cause est légitime, cela signifie qu’elle est justifiée et nécessaire à soutenir d’un point de vue moral, et qu’elle n’est pas simplement légale d’un point de vue juridique. La violence peut se définir comme étant l’exercice d’une force, physique, symbolique, ou psychologique pour contraindre autrui. La violence n’apparaît pas comme légitime, justifiée et nécessaire d’un point de vue moral.

 

« Existe-t-il des violences légitimes ? » Ce qui nous invite à réfléchir et à nous positionner quant à la justification de certaines violences.

 

La violence peut provenir de simples individus, comme de foules, elle peut être d’origine anarchique ou étatique, la violence est protéiforme dans ses manifestations : cela peut être des insultes, des coups, des humiliations de diverses sortes. La violence est le plus souvent le droit du plus fort, mais le plus fort est-il légitime? Malheureusement, dans certains cas de figure, n’y a-t-il pas d’autres solutions que la violence, que le recours à la force pour régler certains problèmes ? La violence n’est-elle pas alors légitime, faute de mieux ?

 

Il n’y a jamais de violences que l’on puisse qualifier de légitimes.

 

On peut postuler qu’il y a plus de mauvaises raisons à la violence que de bonnes raisons. Sur quoi fonder ce principe ? Tout simplement sur le fait que l’homme est un être de raison, doté de la faculté de langage.

La violence est un mode de communication plus primitif que le langage. L’homme est un être de parole, les mots sont plus appropriés, en général, à la gestion des relations entre hommes que la violence.

La violence est-elle justifiable?

La violence est un mode de communication, rudimentaire, c’est de plus, la solution de facilité. La violence est une réaction spontanée, irréfléchie face à un obstacle. La violence est un défouloir.

 

La violence est honnie dans la tradition religieuse, dans le premier commandement biblique est le fameux : « Tu ne tueras point« .

 

La violence est d’autant moins légitime qu’elle est en général, une puissance instable. Solon d’Athènes dans ses Élégies écrit : « Les œuvres de la violence ne sont pas durables ».  Rousseau dans Le Contrat Social, écrit au livre 1 chap 3 : « Du droit du plus fort » : « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir ».

Ce n’est pas parce qu’on est le plus fort qu’on est dans son « bon droit ». La force physique procure donc un pouvoir non durable puisqu’elle rentre rapidement en rivalité avec d’autres forces physiques qui veulent dominer comme la première. Pour que la force physique soit durable, il faut qu’elle s’accompagne d’une charge symbolique qui asseoit sa puissance sur l’imaginaire des dominés. La force de la force, c’est surtout la force des illusions.

La violence a noté Jankélévitch, une « force faible ». Chez les êtres humains, la violence physique pour perdurer doit se transformer en puissance symbolique sur les esprits et pas seulement agir sur les corps.

La violence est-elle justifiable?

La violence est d’autant moins légitime aussi qu’elle est un processus qui devient vite irrémédiable, une sorte de spirale infernale. La violence réclame la vengeance, et la vengeance appelle la violence.

C’est pourquoi Jésus au moment de se faire arrêter, dit à Pierre qui a coupé l’oreille d’un Romain : « Celui qui tue par l’épée périra par l’épée ».

La violence est une forme de jugement, pas un effort de compréhension de l’autre. La violence frappe et juge.

 

La violence est non légitime. Elle est un défouloir qui se focalise sur une tête de Turc.

René Girard dans La Violence et le sacré, constate que dans tout phénomène de violence, il y a en général un individu qui cristallise sur lui les haines et les rancœurs d’un groupe.

La violence est ainsi liée au sacré dans la mesure où le bouc émissaire est une victime expiatoire de la violence du groupe. Le sacrifice du bouc émissaire est en quelque sorte un rituel, dont la fonction première est de transmuter le « tous contre tous », en « tous contre un » et de ramener ainsi la paix pendant un certain temps au sein du groupe.

Le rituel du bouc émissaire est un échec dans la mesure où quelque temps plus tard, la violence renaît dans le groupe et réclame une autre victime expiatoire.

 

 

La violence est aussi illégitime quand elle confine au raffinement de la torture. Machiavel trouve admirable le cas de césar Borgia, fils du pape Alexandre VI qui sut cristalliser toutes les rancœurs sur Rémirro d’Orca. Pour Machiavel, Rémirro d’Orca a été cruel, mais utile, et un prince doit savoir sacrifier certains individus afin de calmer l’appétit de vengeance du peuple. Une fois que Rémirro d’Orca a achevé sa mission de rétablissement de l’ordre par la violence en Romagne, il est lui-même sacrifié violemment pour exorciser les rancœurs du peuple.

Chez Machiavel, la violence est un moyen pour maintenir le pouvoir en place. Le problème pour un prince est de conserver le pouvoir, et la violence est instrumentée à cette fin de conservation du pouvoir. Ainsi Remirro d’Orca est décapité sur la place publique : « La férocité de ce spectacle fit tout le peuple en même temps satisfait et stupide ». Machiavel justifie deux fois l’utilisation de la cruauté dans la violence par César Borgia ; en instituant Rémirro d’Orca comme son lieutenant en Romagne, puis en le sacrifiant magistralement sur la place publique.

Il semble difficile de justifier la cruauté, elle serait « la porte ouverte » à toutes les dérives possibles.

 

Il n’y aurait donc pas de violences légitimes. Cependant, il ne faut pas enjoliver la réalité, et penser que l’on peut combattre uniquement la violence avec des bons sentiments. Georges Sorel dans Réflexions sur la Violence constate que les gens les plus sanguinaires pendant la Révolution française ont souvent été des gens très optimistes ; et d’autant plus inconscients qu’ils ne se sont pas rendu compte des grandes difficultés que présentaient leurs projets : « L’optimiste passe avec une remarquable facilité, de la colère révolutionnaire au pacifisme social le plus ridicule ». Et Sorel remarque que pendant la Terreur, les hommes qui versèrent le plus de sang furent ceux qui avaient eu le plus de rêves quant au partage social des richesses : « Ils se montraient d’autant plus irrévocables qu’ils avaient eu une plus grande soif de bonheur universel “. Tandis que le pessimiste ‘ne songe point à faire le bonheur des générations futures en égorgeant les égoïstes actuels’. La violence est donc un problème qu’il faut regarder en face et ne pas sous-estimer, d’autant que certaines fois, il existe des violences que l’on peut qualifier de légitimes.

La violence est-elle justifiable?

Il existe dans une certaine mesure et dans certaines circonstances des violences légitimes.

 

Dans les cas de légitime défense, la violence est légitime et paraît ainsi se justifier. Dans la société judaïque primitive, il y avait la loi du talion : « Œil pour œil , dent pour dent ». Si un homme commettait un méfait sur autrui, on devait ensuite pour réparer le tort, infliger le même méfait sur l’auteur de la violence. La légitime défense peut donc être justifiée à un niveau individuel et permettre à la personne agressée de se protéger. La légitime défense peut être justifiée aussi à un niveau collectif, et c’est l’autorisation de la guerre.

La réalité est souvent difficile et rend les plus hautes vérités boiteuses, alors parfois quand on ne peut faire autrement, on a le droit légitime d’user de violence à son tour.

 

D’un point de vue historique, la violence a pu être justifiée pour permettre certains progrès sociaux. Ainsi Marat écrivait dans un journal l’Ami du Peuple  en 1793 : « C’est par la violence qu’on doit établir la liberté, et le moment est venu d’organiser momentanément le despotisme de la liberté pour écraser le despotisme des rois ». Dans le même ordre d’idées, Kart Marx dans le Manifeste du Parti communiste appelait à la « dictature du prolétariat », le temps d’installer les bases de la société nouvelle.

 

Si la violence se fait dans le but de maintenir la paix sociale, et qu’elle respecte les lois établies par la Constitution reposant sur les Droits de l’Homme , alors elle peut se justifier d’une certaine manière. M.Weber écrit dans le Savant et le Politique : « L’État, c’est la violence légitime ».

 

Même les hommes les plus pacifistes ont pu prôner la violence dans certaines situations, ce qui montrerait bien qu’elle peut être justifiée certaines fois. Gandhi déclarait : « Là où il n’y a plus le choix qu’entre lâcheté et violence, je conseillerai la violence ».

 

En chacun de nous, comme l’a remarqué Freud dans Malaise dans la Culture, il y a deux forces qui s’opposent: Éros, pulsions de vie et érotisme; et Thanatos, pulsions de mort et destruction. Pour qu’il n’y ait pas violence, il faut que ces deux forces se limitent l’une l’autre.

 

Pascal dans la lettre 12 dans Les Provinciales écrit : « Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité et ne servent qu’à la révéler davantage« .

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