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Partir de la vérité.
On part toujours d’une vérité, de la vérité. En suite, la réflexion, le débat viennent la détricoter, la démonter, elle s’effrite il ne reste plus rein, nul ne peut la posséder.
Ouvrons cette vérité, ouvrons ce mot : la bonté. Au sens ou ouvrir1 est un acte, un processus d’altération, en même temps qu’il relève de la compréhension d’un message doté d’un large éventail de possibilités interprétatives. Ouvrir dans tous les sens qu’admet le verbe ouvrir. Ouverture comme possibilité, avec le risque qu’elle désoriente, qu’elle submerge, comme si on avait ouvert la boîte de Pandore. Ouvrir signifie aussi commencer un travail, entrer en exercice. Il y a de la naissance dans ce mot. Ouvrir c’est creuser.
Commençons.

Genèse I

4- Dieu considéra que la lumière était bonne.
10- Dieu nomma le sol la Terre, et l'agglomération des eaux, il la nomma les Mers. Et Dieu considéra que c'était bien.
12- La terre donna naissance aux végétaux: aux herbes qui développent leur semence selon leur espèce, et aux arbres portant, selon leur espèce, un fruit qui renferme sa semence. Et Dieu considéra que c'était bien.
18- pour régner le jour et la nuit, et pour séparer la lumière des ténèbres. Dieu considéra que c'était bien.
21- Dieu créa les cétacés énormes, et tous les êtres animés qui se meuvent dans les eaux, où ils pullulèrent selon leurs espèces, puis tout ce qui vole au moyen d'ailes, selon son espèce; et Dieu considéra que c'était bien.
25- Dieu forma les bêtes sauvages selon leurs espèces, de même les animaux qui paissent, de même ceux qui rampent sur le sol. Et Dieu considéra que c'était bien.

Mais lorsque Dieu fit l’Homme ce fut le sixième jour mais il ne « considéra pas que c’était bien »

Dans l’épopée de Gilgamesh l’homme n’est pas bon.
Les dieux sumérien grec ou hébreux ont toujours eu l’envie de détruire l’homme. Car l’homme n’est pas bon.
Le procès en paradis pour instruire la causse de l’humanité.

Nulle part dans les écritures on ne parle de ce procès en paradis. Cela nous vient des mystiques médiévaux qui on trouvé un point de départ à cette réflexion dans le psaume 85 au verset 11 :
  1. « L’amour et la fidélité se donnent la main, la justice et la paix s’embrassent. »
C’est-à-dire qu’ils imaginent quatre vertus qui se congratulent deux à deux. Les mystiques ont formés un récit fictif, imaginaire, de tout ce qui a pu se passer en dieu lorsqu’il s’est rendu compte du fait que l’histoire humaine, capote, tourne mal depuis la chute consécutive à la tentation au paradis et se serait consulté. Le conseil de la trinité aurait consulté un certain nombre d’avocat. Les uns ; vérité et justice réclament que le genre humain, coupable soit condamné sans l’ombre d’une hésitation ; les autres paix et miséricorde réclament la relaxe, et demande que la bonté divine qui excelle ne le condamne pas trop sévèrement. Donc s’établit là un procès en paradis entre ces deux couples de vertus, couples devenus antagonistes, les uns réclamant la condamnation du genre humain les autres l’acquittement. Quelle fut l’issue de ce procès ? Le verbe (de dieu) se lève devant le trône de Dieu et dit. Père à l’offense infinie qui t’a été infligée, ne peut correspondre qu’une réparation infinie. L’offense est à la mesure de l’offensé. Tu es infini, donc l’offense qui t’a été infligé par le péché est infinie il faut donc que ce soit une réparation infinie, hors seul un être infini peut t’accorder une réparation infinie. Ainsi est scénarisé, théâtralisé ce moment ou le fils de Dieu se lève, s’agenouille devant le père et dira : j’irai sauver le genre humain, je souffrirai la passion par amour pour que le genre humain soit acquitté réparation sera donc faite, ta miséricorde trouvera son compte, ta justice aussi. Les quatre vertus n’ont plus aucune raison de se disputer. Chacun des deux couples a son compte.
Cette idée nous vient de Mechtilde de Magdebourg : un « procès en paradis » pour instruire la cause de l’humanité. La vie intérieur de Dieu est scénarisée pour montrer les conflits intérieur dont Dieu est le siège. Anthropomorphisme de la divinité en même temps que théomorphisme de l’humain qui permet de poser la question de la conciliation de la justice et de la bonté. Pour les chrétiens le christ fournit l’issu : du procès, justice et miséricorde couple pertinent pour penser la pensée de Dieu.

Essais de Théodicée, sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme, et l’origine du mal.
Le terme de « théodicée » (du grec théos, Dieu, et dikè, justification), veut dire « justification de Dieu » c’est un discours défendant Dieu, face à la question de sa responsabilité concernant l’existence du mal en ce monde. Comment accorder l’existence du mal avec l’idée de la perfection générale de l’univers ? Comment accorder l’idée de la responsabilité ou de la culpabilité de l’homme dans le mal avec le sentiment que cet homme agit de la seule manière dont il était possible qu’il agît.
L’exemple de Judas le traître, tel qu’il est analysé dans la section 30 du Discours de Métaphysique est éclairant : certes, il était prévisible de toute éternité que ce Judas-là dont Dieu a laissé l’essence venir à l’existence, pécherait comme il a péché. Le fait que cet être limité, imparfait (comme toute créature) entre dans le plan général de la création - et donc tire en un sens son existence de Dieu - ne le lave pas en lui-même de son imperfection.
Rien n’est sans une raison qui explique pourquoi il est plutôt qu’il n’est pas, et pourquoi il est ainsi plutôt qu’autrement. Leibniz ne nie pas que le mal existe. Il affirme toutefois que tous les maux ne peuvent pas être moindres : ils trouvent leur explication et leur justification dans l’ensemble, dans l’harmonie du tableau de l’univers.
« Les défauts apparents du monde entier, ces taches d’un soleil dont le nôtre n’est qu’un rayon, relèvent sa beauté bien loin de la diminuer ». (Théodicée).
Répondant à Bayle, il établit la démonstration suivante : si Dieu existe, il est parfait et unique. Or, si Dieu est parfait, il est « nécessairement » tout-puissant, toute bonté et toute justice, toute sagesse. Ainsi, si Dieu existe, il a, par nécessité, pu, voulu et su créer le moins imparfait de tous les mondes imparfaits; le monde le mieux adapté aux fins suprêmes.
La critique voltairienne de Leibniz repose sur un contresens, confondant les notions de perfection et d’optimum. D’après Leibniz, tout ne va pas à merveille et tout n’est pas parfait en ce monde.
« la partie du meilleur tout n’est pas nécessairement le meilleur qu’on pouvait faire de cette partie, puisque la partie d’une belle chose n’est pas toujours belle ».
Leibniz sait bien que l’univers n’est pas une « utopies » de « roman », mais l’univers réel, avec son cortège de maux et d’imperfections. L’erreur de Voltaire, réfutée à l’avance par Leibniz, est de distribuer la perfection de l’ensemble de l’univers à chacun de ses éléments. Si le plus grand ensemble est celui qui comporte le plus grand nombre d’éléments, le plus bel ensemble n’est pas toujours celui dont chaque élément, envisagé séparément, est le plus beau.
  1. « Ce sont quelques désordres dans les parties qui relèvent merveilleusement la beauté du tout ».
Quel mérite y aurait-il à être vertueux dans un monde où il serait impossible de faire le mal ?

Que certains hommes ne soient pas bons, hé alors…

La vérité du dictionnaire.

Dictionnaire historique d’Alain Rey :
Bonté : nom féminin issu du latin bonitas, atis (accusatif bonitatem), nom de qualité de ce qui ets bon en soi, et la qualité morale e bienveillance envers autrui.
La valeur sémantique moderne  de bonté s’est dégagée graduellement, comme celle de l’adjectif bon : comme nom de qualité morale, le mot s’applique dans les premiers textes à une vertu non individuelle mais sociale ; dans la société chrétienne du moyen-âge, c’est un attribut divin dont l’homme est privé par le péché originel, mais dont il peut s’approcher en se consacrant à Dieu. Dans le contexte féodal, le mot exprime également la qualité du guerrier courageux et de haute naissance, de celui qui s’illustre par de hauts faits, sens appliqué par métonymie aux choses (cheval, écu, épée) qui contribue à affirmer le code féodal.
Une mutation s’effectue avec la courtoisie : bonté caractérise alors de manière plus individuelle le héros (homme et dame) tout en continuant de qualifier son appartenance aristocratique et sa valeur guerrière. Le déplacement vers le sens moral individuel « qualité de celui qui est bon, charitable envers autrui » (débuts du XII ème s) s’opère progressivement se reflétant dans les emplois concrets de une des bonté pour « acte de bonté ». En ancien français ceux ci on plus souvent trait à un avantage, un don accordé, à la faveur d’une dame, encore dans la rhétorique amoureuse classique avec une nuance plaisante : avoir des bontés pour (un homme). Une bonté s’applique aussi à une redevance (1212), au produit de l’argent ou des terres, à la rente d’un capital prêté.
Au XVII ème s, le concept se laïcise, le mot gardant des échos de ses valeurs traditionnelles, par exemple dans l’interjection bonté divine ! (1766), beaucoup  moins énergique que bon dieu !
Il devient un terme de politesse voisin d’amabilité, en entrant par exemple dans la formule avoir la bonté de (1656).
Parallèlement le sens de qualité « d’excellence d’une chose) », attestée dès l’ancien français (vers 1130), se maintient de manière marginale alors que bon est usuel dans ce type d’emploi.

Dans le dictionnaire philosophique Lalande bonté : caractère de ce qui est bien ou bon au sens moral, soit en parlant des personnes, soit en parlant des choses.

  1. « Ceux qui s’imaginent que si Dieu avait été déterminé à agir par la bonté des choses mêmes, il serait un agent entièrement nécessité dans ses actions… » Leibniz, Théodicée, 2e partie § 180.
Caractère d’un être sensible aux maux d’autrui, désireux de procurer aux autres du bine être ou d’éviter tout ce qui peut les faires souffrir ; « douceur, indulgence, bienveillance » (Littré).
MF
Illustration:
Manuscrit du XVe siècle parisien sur deux registres
Le christ s’agenouillant devant Dieu le Père s’en fait pour ainsi dire le vassal, en dessous, la Vierge de l’Annonciation qui attend l’ange Gabriel


Le thème du café philo de ce 25 février est vraiment et philosophiquement d’actualité. Je citerai le dernier livre de Jean-Luc Berlet, la Cinquième Cavalière pour souligner cela :

… « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » : ce magnifique commandement du Christ résume parfaitement le retour du souci éthique dans nos sociétés occidentales. Au-delà du phénomène de mode et de sa « récupération » dans le monde de l’entreprise avec la multiplication des comités d’éthique, la recherche du bien est une vraie tendance actuelle... (p. 70)

C’est un constat admis, sans alarmisme ni démagogie, que l'ordre éthique du monde s’étant érodé dans un mouvement progressif, depuis la renaissance, le monde d'aujourd'hui se trouve dans la confusion des valeurs. Et le « chaos éthique » actuel, accentué par le libéralisme économique et la fusion des cultures, pose un défi à notre civilisation.

Un autre constat, c’est qu’à la fin du moyen-âge la réflexion philosophique c’est développée surtout en réaction contre le point de vue éthique médiéval créé par la scolastique. Il en a résulté à l'époque moderne de nouvelles théories éthiques, telles que l'utilitarisme de Bentham. Ces théories éthiques rationalistes modernes ont atteint leur apogée avec l'idéalisme allemand, de Kant et Hegel.

Après cela, en raison des tensions sociales liées au développement de la société libérale, et les rapides progrès de la science, l’optimisme du rationalisme moderne a fait l'objet de sévères critiques. En conséquence, des philosophies, telles que le marxisme, l'existentialisme, le vitalisme, la philosophie analytique (positivisme logique), le pragmatisme, et d'autres, ont fait leur apparition.

J’évoquerai ici seulement les théories éthiques (théories de la bonté) de l’idéalisme et du pragmatisme.

Mais d’abord citons encore Jean-Luc Berlet pour souligner une différence importante entre les concepts d'éthique {Bittlichkeit} et de moralité {Moralitat}, du point de vue de la bonté :
  1. …. Le fait que la notion d’éthique se soit substituée à la notion de morale est d’ailleurs très
  2. révélateur de l’évolution de la conscience humaine au fil du temps. En réalité, éthique et
  3. morale sont deux termes pratiquement synonymes, leur différence relevant plus de l’état
  4. d’esprit que de la pure sémantique. Éthique vient du grec ethos qui signifie le vivre
  5. ensemble tandis que morale vient du latin mors qui signifie les moeurs. Le fait de
  6. privilégier la racine grecque au détriment de la racine latine est cependant très significatif.
  7. En effet, Athènes, c’est l’image de la belle totalité organique au sein de laquelle la pratique
  8. de la vertu est comme une seconde nature chez le citoyen, tandis que Rome c’est déjà le
  9. monde du Droit artificiel où la contrainte juridique est nécessaire pour inciter le citoyen à
  10. être vertueux… (Cinquième Cavalière, p.71)
Donc l’éthique, le critère de conduite d'un membre au sein d'un groupe social est un critère objectif.
Et la moralité, le critère de conduite basé sur la conscience intérieure, le devoir intérieur ("Sollen") auquel chaque individu doit se conformer, est un critère subjectif.

L’utilitarisme de Bentham

Ce sont avant tout Jeremy Bentham et  John Stuart Mill qui ont donné une forme systématique au principe d'utilité et qui ont entrepris de l'appliquer à des questions concrètes, système politique, législation, justice, politique économique, etc.…
Bentham expose le concept central d'utilité dans le premier chapitre de son « Introduction to the Principles of Morals and Legislation », dont la première édition date de 1789 (et la première traduction en français par Étienne Dumont en 1802), de la manière suivante :
  1. « Par principe d'utilité on entend le principe selon lequel toute action, quelle qu'elle soit, doit être approuvée ou désavouée en fonction de sa tendance à augmenter ou à réduire le bonheur des parties affectées par l'action... On désigne par utilité la tendance de quelque chose à engendrer du bien-être, des avantages, de la joie, des biens ou du bonheur. »
Pour Bentham, le bien c'est l'utilitaire. Pour lui, le bien se trouve dans le plaisir matériel, tandis que le mal, c'est le manque matériel, la douleur. Son but est de réaliser, "le plus grand bonheur du plus grand nombre", ce qui est pour lui le bien ultime. Ce courant portera ses fruits avec le communisme et sa philosophie de la justice selon les besoins, tel que l’exprimait un de ses slogans : « Pour chacun selon son habilité, pour chacun selon ses besoins ». Contrairement au libéralisme qui mettait en avant la valeur de l’effort individuel et la récompense selon le mérite, la philosophie utilitariste ne tient pas compte du degré de bonté, d’engagement…

Selon Bentham, le plaisir serait matériel. Mais dans la réalité, nous pouvons voir des personnes malheureuses, malgré une vie matérielle luxueuse, tandis que d'autres sont heureuses, malgré des difficultés, et même dans des adversités, parfois très grandes. L'homme est un être duel, avec un aspect intérieur, « spirituel », et une « dimension » physique. Il a donc besoin de plaisir physique, mais surtout plus fondamentalement d'atteindre le bonheur « intérieur », la réalisation éthique de sa bonté. Quel que soit son degré de satisfaction « extérieure », il ne se sentira pas pleinement heureux tant que ses aspirations profondes, ne sont pas réalisées. Il n’y a qu’à voir par exemple les suicides de gens « parfaitement bien en apparence », ou de célébrités… Ce sentiment que « ma vie vaut le coup d’être vécue » est inhérent au bonheur,  et est lié au plein exercice de la bonté, à son accomplissement...

John Stuart Mill, qui développera l’utilitarisme de Bentham, et qui pourtant était assez radicale dans ses vues et ses propos, se rendra bien compte de la partialité de la philosophie de Bentham et il y portera beaucoup d’élargissements. Sa phrase célèbre : "Il vaut mieux être un homme insatisfait, qu'un porc satisfait; il vaut mieux être Socrate insatisfait, qu'un imbécile satisfait" (John Stuart Mill, L'utilitarisme, 1861), montre bien sa prise de conscience des limites de l’utilitarisme.

L’impératif catégorique de Kant
Pour Kant le bien ne peut pas être l'obéissance à un ordre intérieur conditionnel, c'est-à-dire à un impératif hypothétique, d'atteindre le plaisir, ainsi que l'affirmait Bentham. Une motivation conditionnelle, pour un certain but, ne peut pas être une bonne motivation. La volonté ne peut être, une volonté du bien, que par un ordre inconditionnel, de raison pratique, c'est à-dire de devoir. Et cela ne devient authentiquement bien, que lorsque cela est mis en action. Le bien selon Kant c'est l'obéissance à un ordre inconditionnel, dicté par une raison pratique intérieure. C'est, "l'impératif catégorique".
  1. « Deux choses remplissent mon esprit d'une admiration et d'un respect incessants : le ciel étoilé au dessus de moi, et la loi morale en moi.» (Emmanuel Kant Critique de la raison pratique, 1788.)
Cependant avec ce point de vue de Kant il est difficile, voir impossible, de juger si le résultat d'une conduite est bon ou mauvais. Il n'y a pas non plus moyen de trouver une solution si la conduite de différentes personnes entre en conflit, ou si, dans un même individu deux impératifs catégoriques entrent en conflit. De plus, puisque l'impératif catégorique de Kant est seulement basé sur le devoir raisonné, la conduite correcte d'un homme a tendance à être une vie durement disciplinée. Ceci ne peut procurer de vrai bonheur à l'homme.

Selon la pensée orientale, si nous appliquons l’éthique familiale à une entreprise, cela devient une éthique des affaires, portée au niveau social plus large, c’est alors une éthique sociale élargie, et ainsi de niveaux en niveaux, si nous l'étendons au niveau national, cela devient une éthique nationale. Le bien y est de rendre manifeste l’aspiration à la bonté, et la position, l'objet, et le but, ou elle se réalise, et son résultat, y sont évalués et reflétés par la raison (raison pure, raison théorique). Cette philosophie montre ainsi une claire distinction entre l’amour et la bonté.
La motivation du bien ne vient pas de la raison, mais du cœur. De cette façon, en même temps que le cœur, la raison et la volonté deviennent ensemble le pouvoir de la bonté lequel se concrétise dans la relation de l’homme à ses objets (philosophiques, êtres, ou choses…), par le creuset de la famille et de l’éducation.

Cette philosophie souligne aussi que toutes les relations sociales sont liées à des positions, à un certain ordre, et que la bonté se manifeste et se réalise à travers cet ordre. A cause de l'ordre lié à ces positions, la bonté humaine se manifeste selon des degrés divers (par exemple dans une famille les positions de parents, de frères, de sœurs…). La véritable égalité est une égalité qui vient de la satisfaction et de la joie, c'est-à-dire de la force de l'émotion à ressentir que la vie est digne d'être vécue, une égalité dans le bonheur. On est loin du marxisme  …

L'instrumentalisme de Dewey

Le pragmatisme est apparu aux Etats-Unis, juste après la guerre civile (1861, 1865). Le changement dans la pensée chrétienne traditionnelle, due au développement des sciences et au progrès technique en est la principale raison. L’instrumentalisme est le résultat d'une harmonisation du conflit entre le christianisme et la science. John Dewey (1859 – 1952) était un philosophe américain spécialisé en psychologie appliquée et en pédagogie. Son système philosophique se rattache au courant pragmatiste développé par Charles S. Peirce, et William James. Dewey est principalement influencé par Hegel qui est tout sauf pragmatiste. Il doit également beaucoup à Charles Darwin. Ses idées politiques et sociales, sont proches du socialisme. Il définit la morale, ou l'éthique, comme la recherche d'un « équilibre », entre le social et l'individuel. On peut la résumer par ce slogan de Dewey :
  1. « Apprendre ?, Certainement, mais vivre d'abord, et apprendre par la vie, dans la vie. ».
Il y a la déjà des accents du futur existentialisme… Selon le pragmatisme l'action d'un homme peut être décidée bonne ou mauvaise, vraie, ou fausse, en déterminant combien son résultat est profitable à la vie humaine (utilité, effectivité). Dewey va plus loin, et soutient que non seulement les actions de l'homme, mais aussi ses concepts, (à la fois les concepts métaphysiques, telles que dieu ou la bonté, et les concepts matérialisés telles que la politique, l’économie, les divertissements, etc.) sont vrais s'ils sont utiles pour la vie, et faux s'ils sont inutiles. Ainsi, de même qu'un objet, à cause de son utilité, devient un instrument pour l'homme lorsque celui-ci doit interagir avec les choses, de même les idées, et les concepts, sont utilisés pour leur utilité. En raison de cela, on appelle sa théorie instrumentalisme. Dewey ne considère l'action et la pensée de l'homme, que selon le critère d'une vie matérielle. Il affirme que tout ce qui est utile pour la vie matérielle, que ce soit action ou idée (concept) est vrai, et que c'est faux si ce n'est pas utile. Mais il se pose alors le problème de la nature du critère de jugement de l'utilité de l'action de l'homme. Par exemple, quel est le critère de l'utilité du traitement d’un patient atteint d’une maladie incurable? Ensuite, bien que des concepts hérités de la mythologie par exemple ne puissent avoir aucun impact sur notre vie concrète aujourd'hui, elles ont été, par exemple, à la base du développement de la psychanalyse. L'instrumentalisme peut difficilement donner de raisons à cela...

Un instrument est un moyen matériel, et donc un objet au service de l'homme, de même que toutes les choses, du monde environnant. L'action est la pratique et l'activité de contrôle sur un objet, c'est-à-dire l'action extérieure d’interaction que l'homme exécute en tant qu’être à part entière (dans sa globalité), tandis que le concept ou l'idée est un des éléments de la réflexion dans l'esprit du sujet. Un instrument, est un objet (toutes les choses) tandis qu'un concept appartient au sujet (l'esprit). Si le sujet ayant un concept (une idée) met en pratique sa bonté pour le monde qui l’entoure (toutes les choses, ou d'autres personnes), c'est la pratique du bien. Par conséquent, c'est une erreur d'identifier le concept du sujet avec les instruments appartenant à l'objet.
 
Aspiration universelle
L’affirmation de son être moral, est certainement le but de toute personne sensée (« saine »); l’aspiration à un but de bien est indéniable, malgré les difficultés, et les entraves à cela, et cette constante est manifeste à travers l’histoire. La réalisation d’une société juste n’est pas une invention du socialisme du 19e siècle. Le mot utopie a été inventé  a la fin du 16e siècle par Thomas More, chancelier et lord Anglais, surnommé le « Socrate chrétien ». Il a donné a son île imaginaire qui abrite une société parfaite le nom d’ « utopia » à partir de deux mots grecs signifiant «non», et « lieu », (ou - topos). La société parfaite sur l'île de l’utopie n’est donc «nulle part», c’est une société parfaite qui n'existe pas encore. Après les utopies du monde grec (polis), puis du monde chrétien (la citée de Dieu), il y eu les « cités sociales-scientifiques » des 18eme et 19eme siècles: les socialistes et les anarchistes ont cherché à développer une société meilleure dans laquelle les êtres humains, pourraient réaliser une véritable émancipation et épanouissement en tant que membres d'une même communauté. Toutefois il s’est avéré que ces tentatives attendaient trop des citoyens, et les moyens mis en œuvre n’avaient rien d’éthiques le plus souvent… Cela aurait put être acceptable si les effets en étaient seulement bénins, mais leurs tentatives de créer une société utopique eu des effets catastrophiques (Sans parler de celles du vingtième siècle, comme nous le rappel le procès actuel des certains dirigeant Khmers par le Tribunal Pénal International.) …

Puis il y eu, les utopies contemporaines, du village global (1960, la « New Culture » californienne, etc.), et celle plus récente, du « marché unique », de la « société de loisir » … Tout cela montre que la réalisation  d’un monde juste, de la recherche d’une éthique globale bonne, d’un monde fraternel, reste une aspiration humaine constante, au plus profond de l’être humain …

Je ne saurais mieux conclure qu’en citant encore Jean-Luc Berlet, dont l’ouvrage traite si explicitement et si bien de cette question de l’éthique :
  1. En fait cette société postmoderne tant fustigée est peut-être le signe avant-coureur d’une future société authentiquement « évangélique ». En tout cas, l’éthique de la bienveillance réciproque gagne de plus en plus de terrain. Tout se passe un peu comme si notre société tendait maladroitement vers la réalisation « laïcisée » des idéaux du Christ. D’ailleurs, les
  2. ennemis islamistes de l’Occident qui nous identifie toujours aux croisées, l’ont certainement mieux compris que nous-mêmes. Le fait est que la société occidentale reste pétrie par les idéaux du Christ et que face à la barbarie terroriste, l’affirmation des valeurs authentiquement chrétiennes soit amenée à se manifester avec de plus en plus de force. Tout se passe un peu comme si libérée du carcan contraignant des institutions religieuses, l’éthique authentique de l’Évangile pouvait à nouveau s’épanouir dans nos sociétés. N’oublions jamais que le Christ n’était pas venu pour fonder une nouvelle religion, mais simplement insuffler à l’humanité un authentique message d’amour reposant sur l’éthique de la bienveillance réciproque ! … (Cinquième Cavalière, p. 74)
Y. Massey
Café Philo du mercredi 25 févier au St René.

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