En attendant le caféphilo du mercredi 30 juin à 20h00 au Toc Toques café &09 boulevard de charonne.
Voici quelques citations autour du diable…
Cour traité Spinoza
deux traductions.
CHAPITRE XXV ; Des Diables.
Traduction par Charles Appuhn
(1) Nous dirons maintenant brièvement quelque chose au sujet des diables, s’ils sont ou ne sont pas, et cela comme il suit : Si le Diable est une chose entièrement et absolument contraire à Dieu et qui n’a rien de Dieu, alors il est exactement identique au Néant, dont nous avons déjà parlé précédemment [*].
(2) Admettons donc avec quelques-uns qu’il est un être pensant qui ne veut ni ne fait absolument rien de bon et s’oppose ainsi en tout à Dieu ; il est donc fort misérable ; et si les prières pouvaient y servir il y aurait lieu de prier pour lui, pour sa conversion.
(3) Voyons, cependant si un être aussi misérable pourrait subsister un seul instant. Nous trouverons sur le champ qu’il n’en est rien ; puisque toute la durée d’une chose provient de sa perfection et que, plus il y a en elle d’essence et de divinité, plus elle est subsistante, comment, pensé-je, le Diable pourrait-il subsister, puisqu’il n’a pas la moindre perfection ? Ajoutez que la subsistance ou la durée d’un mode dans la chose pensante est causée uniquement par l’union qu’a ce mode avec Dieu, union produite par l’amour ; mais dans les diables c’est absolument le contraire de cette union qu’on suppose, et par suite il est impossible qu’ils subsistent.
(4) Mais, s’il n’y a pas la moindre nécessité d’admettre les Diables, pourquoi les admettre ? Car il ne nous est pas nécessaire comme à d’autres d’admettre des Diables pour trouver les causes de la Haine, de l’Envie, de la Colère et d’autres passions de même sorte, puisque nous les avons suffisamment trouvées sans de telles fictions.
CHAPITRE XXV ; DES DÉMONS
Traduction Paul Janet
(1) Y a-t-il des démons, ou n'y en a-t-il pas ? C'est ce que nous examinerons brièvement.
Si le diable est une chose entièrement contraire à Dieu et qui ne tient rien de Dieu, il se confond entièrement avec le néant, dont nous avons déjà parlé plus haut.
(2) Si nous supposons, comme on le dit, que le diable soit une chose pensante, incapable de vouloir et de faire aucun bien, et qui s'oppose à Dieu dans tout ce qu'il fait, il est alors digne de toute pitié ; et, si les prières avaient quelque valeur, il faudrait prier pour lui.
(3) Mais demandons-nous si un être aussi misérable pourrait exister même un moment : nous verrons que cela est impossible. Car la durée d’une chose procède de sa perfection, et plus elle a en elle d'être et de divinité, plus elle est durable. Or le diable n'ayant en soi aucun degré de perfection, comment pourrait-il exister ? Ajoutons que la stabilité et la durée du mode dans la chose pensante dépendent de son amour pour Dieu et de son union avec lui ; et, comme c'est le contraire de cette union que l’on suppose dans les démons, il ne se peut faire qu’ils existent.
(4) Enfin, il n'y a nulle nécessité à supposer l'existence des démons, puisque l'on peut découvrir les causes de la haine, de l'envie, de la colère et de toutes les passions, comme nous l'avons fait. Nous n'avons donc pas besoin de cette fiction.
"J'ai eu bien peur du diable quand j'étais petit, parce que je prenais sérieusement les lieux communs de l'éloquence ecclésiastique. Mais quand je sentis que ni mes parents, ni leurs amis, ni les prêtres eux-mêmes n'avaient réellement peur de l'enfer, je fus bientôt délivré. Ces peurs, qui n'ont point d'objet dans l'expérience, ne peuvent naître que par contagion."
(Emile Chartier, dit Alain / Propos sur la religion, La peur du diable, 20 août 1921)
"Avec Dieu, ce qu'il y a de terrible, c'est qu'on ne sait jamais si ce n'est pas un coup du diable."
(Jean Anouilh / L’alouette)
"Mais si le Diable parle parfois, Dieu se tait, toujours. Il faut trouver les réponses seul."
(René Barjavel / L'Enchanteur / 1984)
"Là où Dieu a un temple, le diable aura une chapelle."
(Robert Burton / 1577-1640 / Anatomie de la mélancolie)
"Tant que l'on croyait au Diable, tout ce qui arrivait était intelligible et clair; depuis qu'on n'y croit plus, il faut à propos de chaque événement, chercher une explication nouvelle, aussi laborieuse qu'arbitraire, qui intrigue tout le monde et ne satisfait personne."
(Emile Michel Cioran / De l'inconvénient d'être né)
"Le diable représente en quelque sorte les défauts de Dieu. Sans le Diable, Dieu serait inhumain."
(Jean Cocteau / Opium)
"S'il y a cent mille damnés pour un sauvé, le diable a toujours l'avantage sans avoir abandonné son fils à la mort."
(Denis Diderot / Addition aux Pensées philosophiques)
"Quant à l'affaire de la pomme, il fallait le planter ailleurs, votre arbre, ou ne pas créer Adam à votre image. En l'occurrence l'interdiction équivalait à un encouragement, n'importe quel pédagogue vous le dira. Ce n'est pas le diable qui a tenté notre ancêtre, c'est vous qui avez tenté le diable."
(Robert Escarpit / Lettre ouverte à Dieu / 1966)
lettre à Louise Colet, 21 mai 1853)
"Le bonheur est un mythe inventé par le diable pour nous désespérer."
(Gustave Flaubert / Lettre à Louise Colet, 18 décembre 1853)
"Le diable est encore le meilleur subterfuge pour disculper Dieu."
(Sigmund Freud)
"Nous avons beaucoup d'écrits au style mordant, où l'on se refuse à convenir qu'il existe un dieu. Mais nul athée, autant que je sache, n'a réfuté de façon probante l'existence du diable."
(Heinrich von Kleist)
"Et l'homme qui aura acquis le plus d'habitude morale sera certainement supérieur à ce bon chrétien qui prétend être toujours poussé par le diable a faire le mal et qui ne peut s'en empêcher qu'en évoquant les souffrances de l'enfer ou les joies du paradis."
(Piotr Kropotkine / La morale anarchiste / 1889)
"Concevoir le diable comme un partisan du Mal et l'ange comme un combattant du Bien, c'est accepter la démagogie des anges."
(Milan Kundera)
"Je suis parfois tenté par le Diable de croire en Dieu."
(Stanislaw Jerzy Lec / 1909-1966 / Nouvelles pensées échevelées / 1966)
"En enfer le diable est un personnage positif."
(Stanislaw Jerzy Lec / 1909-1966 / Nouvelles pensées échevelées / 1966)
"On ne sait, pour parler à la manière chrétienne, si Dieu doit avoir plus de reconnaissance à l'égard du diable, ou le diable plus de reconnaissance à l'égard de Dieu, de ce que tout se soit ainsi passé."
(Friedrich Nietzsche / Opinions et sentences mêlées)
"Dieu est formidiable!"
(Jacques Prévert / 1900-1977 / Soleil de nuit)
"Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d'un vieux Noël!"
(Arthur Rimbaud / 1854-1891 / Le Bal des pendus / 1871)
"Mais, pour revenir aux Esprits, il est certain que ces mots Démons, Satan, Diable, ne sont point des noms propres qui désignent quelque individu, et qu'il n'y eût jamais que les ignorants qui y crurent, tant parmi les Grecs, qui les inventèrent, que parmi les Juifs, qui les adoptèrent : Depuis que ces derniers furent infectés de ces idées, ils approprièrent ces noms, qui signifient ennemi, accusateur et exterminateur, tantôt aux Puissances invisibles, c'est-à-dire aux Gentils, qu'ils disaient habiter le Royaume de Satan, n'y ayant qu'eux, dans leur opinion, qui habitassent celui des Dieu."
(Livre des trois imposteurs / chapitre VI, parag. VI / 1721)
"Si Dieu peut tout et qu'on ne puisse rien sans lui, d'où vient que le Diable le haït, le maudit, et lui enlève ses amis ? Ou Dieu y consent, ou il n'y consent pas. S'il y consent, le Diable en le maudissant ne fait que ce qu'il doit, puisqu'il ne peut que ce Dieu veut; par conséquent ce n'est pas le Diable, mais Dieu même qui se maudit; chose absurde, s'il en fût jamais 1 S'il n'y consent pas, il n'est pas vrai qu'il soit Tout-Puissant, et par conséquent il y a deux principes, l'un du bien et l'autre du mal; l'un qui veut une chose, l'autre qui veut le contraire. Où nous conduira ce raisonnement ? A faire avouer sans réplique que ni Dieu ni le Diable, ni le Paradis, ni l'Enfer, ni l'âme ne sont point ce que la Religion les dépeint, et que les Théologiens, c'est-à-dire ceux qui débitent des fables pour des vérités, sont des gens de mauvaise foi, qui abusent de la crédulité des peuples pour leur insinuer ce qui leur plaît..."
(Livre des trois imposteurs / chapitre VI, parag. VII / 1721)