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Quand le vocabulaire manque ; à propos de chinoiserie.

 

D’aucun pense qu’adjectiver le nom d’une civilisation ou d’un peuple est la marque incontestable d’un racisme diffus. Une telle remarque est la preuve d’un manque de culture et de vocabulaire.

Le vocable « Chinoiserie » est certes un peu désuet, mais a un sens établit; « Chinoiserie » n’est nullement péjoratif, bien au contraire. Ce qualificatif apparaît pour la première fois chez Balzac en 1836 (dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey.) Chinoiserie veut dire « objet dans le goût chinois ». Certes on peut lui trouver un sens figuré dans le sens de bizarrerie. Le mot qui lui doit être entendu comme un terme péjoratif voir raciste et le terme de « chinetoque », qui apparaît dans le vocabulaire des matelots de la marine française en 1918. Nous retrouvons là bien sûr les dénonciations d’un Octave Mirbeau dans son ouvrage « le jardin des supplices ». En effet Octave Mirbeau dénonce dans cet ouvrage l’esprit colonialiste de la France et de L’Angleterre, Clara l’héroïne est anglaise.

En fait « Chinoiserie » n’est pas une insulte, mais bien le contraire. Une chinoiserie est un objet d’art, dont l’esthétique se veut proche des courants orientalistes. Il est à noter que ce terme couvre beaucoup plus que la chine, il évoque l’Extrême-Orient en général, quoique aux XIX e siècle, l’orientalisme couvrît un vaste territoire, allant du Maroc au Japon, voir Delacroix, Ingres, Manet, Zola. (il y a eu aussi des turqueries dont le Bain Turc d’Ingres est certainement le paradigme).

Les « Chinoiseries» ne sont pas seulement françaises, un bel exemple est la Pagode de Chantelou édifiée dans le parc du château du duc de Choiseul en 1775. Les plus beaux exemples de « Chinoiseries » se trouvent en Russie ; le village chinois d’Alexander de Tsarskoe Selo à Saint Petersburg ou encore à Drottningholm, en Suède sans parler bien sûr des pavillons des serres de Kew à Garden à Londres. On le voit chez les hommes de culture du XVII et XVIII e siècle parler de « Chinoiseries» est la marque d’un homme de goût et de raffinement. (faut-il encore avoir quelques références)

Question ; pourquoi penser que « Chinoiserie » est devenue un terme injurieux voir la marque d’un racisme profond de la part de celui qui l’énonce.

En tant que caractéristique privilégiée de l’humain, la parole est considérée dans la civilisation occidentale comme l’envers de la violence à laquelle elle oppose le dialogue dans le dessin de dénouer les tensions ou de mettre fin à des conflits. La parole cherche à réconcilier l’homme avec le chaos. Pourtant Esope la tenait à la fois pour la meilleure et la pire des choses. Le langage est une faculté humaine qui sert autant à communiquer avec autrui, afin d’en être reconnu ou de le convaincre, qu’à le dérouter ou le disqualifier. C’est bien par la parole que le serpent séduit Eve. Chez les Grecs, les sophistes du V e siècle pense que le fonctionnement de la citée repose sur le pouvoir oratoire sans nécessairement exprimer le vrai, non plus qu’à permettre de prendre une bonne décision, toute vérité étant relative. La parole peut donc être utilitaire dégagée de toute éthique afin de contraindre, séduire ou manipuler, c’est-à-dire exercer une violence sur fond de désir.

L’usage de l’argumentation implique que l’on a renoncé à recourir uniquement à la force, que l’on attache du prix à l’adhésion de l’interlocuteur, obtenue à l’aide d’une persuasion raisonnée que l’on ne le traite pas comme un objet, mais que l’on fait appel à sa liberté de jugement, (voir la première phrase du discours de la méthode). Le recours à l’argumentation suppose l’établissement d’une communauté des esprits qui, pendant qu’elle dure, exclut l’usage de la violence. Mais le discours politique n’est pas le discours philosophique, il n'est que de relire les dialogues dans lesquels Platon fait s’affronter Socrate, et les sophistes, Gorgias, Calliclès, pour se rendre compte que dans les joutes de l’esprit, les politesses forcées et les fausses attentions couvrent mal un véritable affrontement polémique, polémos signifie la guerre, (ce n’est que tout récemment qu’il n’y a de guerre sans mort, O Killed, OK chez les américains inventeurs de ce concept de guerre propre ou les dégâts ne sont que collatéraux)  durant lequel les répliques résonnent comme des coups violents destinés à détruire la pensée adverse, comme s’il s’agissait d’une confrontation entre le bien et le mal. La philosophie n’est pas tendre. Toute parole est stratégie avant d’être dialogue, si bien que le logos entendu comme, parole et pensée, qui construit « le lien social » flirte facilement avec le langage qui le détruit. Le tranchant des mots leur capacité à faire souffrir se mesure donc à l’aune de leur enjeu et de leur audience.

Pourquoi renverse t-on la valeur des mots aujourd’hui?

Comment du qualificatif d’objet d’art, « Chinoiserie » serait devenue une insulte raciste. Victor Klemperer le philologue le montre très bien dans « LTI ». Mais il nous faut inverser sa proposition, en effet l’idéologie totalitaire nazie s’évertuait à doter de significations positives des termes connotés négativement : des mots comme « fanatisme » ou « haine » devenaient ainsi mélioratifs par simple inversion de valeur. Autre exemple ; « démocratie populaire » qui n’est qu’un pléonasme donc destruction du sens. Démos signifie peuple, fait qu’en bonne logique, les termes ne peuvent que s’annuler. Aujourd’hui des mots qui ont une valeur positive prennent au nom de la doxa une valeur négative voir insultante. Orwell avait raison, la novlangue est effective, la doxa coupe la langue du réel par inversion de la valeur des mots. Dans un tel univers, la parole prend la forme d’une phraséologie qui cherche à construire les opinions à partir d’un système lexical figé en excluant tout propos discordant. Les mots ne doivent plus symboliser le réel mais le désigner. Ainsi la parole devient une technique dénuée de toute intentionnalité. La novlangue d’aujourd’hui qui n’est pas réservé au seul « politique » (même ce mot n’a plus de sens) ne permet plus au sujet d’avoir l’initiative véritable sur ce qu’il dit, donc ne lui permet plus d’être lui-même. L’emprise du conventionnel sur le subjectif fait que la langue tue la pensée. Langue devenue langue sans logos, langue avec laquelle on ne peut que répéter ou balbutier, cette langue porte le non de barbarie.

Cette langue barbare à valeur de langue liturgique, les mots n’ont qu’un seul sens, l’amphibologie Maïmonidienne reprise par Roland Barthe n’a plus lieu d’être, son emploi par le peuple est la marque immédiatement visible de la servitude. De tout temps la norme sociale a voulu réglementer les échanges verbaux afin de juguler la violence et faciliter les rapports humains. La Révolution, fruit de la pensée des lumières, a voulue à l’époque de la terreur révolutionner la langue et imposée le monolinguisme. Le 27 janvier 1794, Barrère membre du comité de Salut Public déclare devant la Convention : « Citoyen, chez un peuple libre, la langue d’un peuple libre doit être une et la même pour tous ». Quelque temps avant le général Turreau partait détruire la Vendée et anéantir les vendéens selon les termes de Barrère, je ne parle pas de l’abbé Grégoire qui en juin 1794 déclare « … sur la nécessité et les moyens  d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française ». Mais toutefois c’est l’école républicaine qui se chargera d’imposer par la contrainte le monolinguisme, et Michelet d’écrire dans son « tableau de la France » « l’histoire commence avec la langue française », l’idéologie l’emporte sur le réel, le mythe sur l’histoire.

L’inversion du sens des mots pourrait être une marque de politesse qui reposerait sur des valeurs nécessaires à la vie en commun. Mais la civilité peut pendre un tour pervers afin que le moi social marque de son empreinte le moi individuel. Aujourd’hui le code du politiquement correcte ou le code de la langue polie (je vous demande de garder l’étymologie de ce terme, lisse et sans aspérité) oblige à employer, sous peine de blasphème, en particulier lorsqu’il est question des identités ethniques ou sociales, de nombreux euphémismes. On ne dit plus concierge mais gardien d’immeuble, on ne dit plus gardien de musée, mais agent d’accueil et de surveillance, on ne dit plus aveugle mais non-voyant, on ne dit plus handicapé mais personne à mobilité réduite, aux États-Unis on ne dit plus femme au foyer, mais cadre domestique, on ne dit plus amérindiens mais américains d’origine. Nous serons bientôt obliger de vider nos bibliothèque de l'œuvre de Léopold Sédar Senghor et d'Aimé Césaire qui ont pourtant inversé le sens d'un mot issus des lumières, Carl von Linné, Buffon  ou encore Blumenbach, pour en faire le symbole affirmer d'une culture et d'une identité. Ou encore n'est-il pas étonnant aujourd'hui de condamner l'amour des enfants, la pédophilie se juge au tribunal. On se trompe, continuez d'aimer vos enfants. Ce qui devrait être condamné c'est la "péadophobie" la haine des enfants.

Á trop vouloir enjoliver les choses, l’expression voilée finit par les travestir. Les mots bégaient et la réalité avec eux. Afin de créer une pensée orthodoxe et con-sensuelle et non partagée comme on devrait s’y engager en régime démocratique, ce ne sont plus les individus mais les mots qui devraient être rééduqés.

 

Mandarin est en France un terme péjoratif en chine c’est l’homme de lettre éduqué dans la tradition de Confucius. C’est l’homme de culture, le lettré chinois est un homme de littérature, de peinture, un homme qui a des références.
MF 
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