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Rudolf Schlichter, Pouvoir aveugle

Le Surhomme peut-il encore advenir? 

 

« Je vous enseigne le Surhomme. L’homme n’existe que pour être dépassé. 

Qu’avez-vous fait pour le dépasser ?  »    Friedrich Nietzsche

 

Avant de tenter de répondre à la question de savoir si le Surhomme peut encore advenir, il me faut préalablement clarifier ce que Nietzsche entend par ce terme lourd de contresens. Chez Nietzsche le Surhomme est avant tout une notion esthético-métaphysique en rapport avec la thématique du philosophe-artiste incarné par la figure mythique de Dionysos. A l’image du dieu grec du vin, le Surhomme serait l’être débordant d’énergie créatrice et qui n’a pas peur de renverser les vieilles idoles pour créer de nouvelles valeurs. Le Surhomme est l’homme qui se dépasse en inventant constamment de nouvelles formes d’existence. C’est pourquoi, pour Nietzsche Carnaval est la fête du Surhomme par excellence, le déguisement représentant cette capacité « surhumaine » à se métamorphoser à volonté ! Dans son ouvrage « prophétique » Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche fait du Surhomme l’être censé remplacer le Dieu défunt de la tradition métaphysique occidentale judéo-chrétienne et platonico-kantienne. Si Dieu est mort, il faut qu’un homme se lève pour prendre sa place, sinon c’est le règne du nihilisme qui menace. Nietzsche va assister à cette montée du nihilisme sans avoir la consolation de voir advenir le Surhomme ! Il aura même le pressentiment de l’usurpation de l’identité du Surhomme par quelque obscur dictateur vaguement wagnérien…La folie de Nietzsche n’a peut-être été pour lui qu’un refuge pour ne pas voir en face la terrible désillusion de ne pas avoir su être ce Surhomme ?

Après l’avènement des caricatures moustachues et sanglantes du Surhomme qu’ont été Hitler et Staline, la conscience occidentale a complètement cessé de croire que l’homme supérieur nietzschéen pouvait encore advenir. Du coup, l’Occident s’est enfoncé dans l’ère du nihilisme soft représenté par la démocratie libérale et la société de consommation.  Et le Tiers-Monde gagné par l’isl amisme radical a troqué les dictateurs moustachus contre des théocrates barbus. A tout prendre, il vaut mieux adorer les muscles d’un Teddy Riner que les fatwahs d’un Ben Laden, mais l’idolâtrie occidentale comme le fanatisme islamiste ne sont-ils pas des symptômes patents de ce nihilisme redouté par Nietzsche ? Bref l’idéal nietzschéen du Surhomme semble bel et bien mort et enterré dans les oubliettes de l’Histoire. Alors qu’est ce qui a bien pu « foirer » dans la pensée nietzschéenne pourtant si prometteuse pour que l’idéal du Surhomme soit à ce point tourné en dérision aujourd’hui ? Je serais tenté de répondre que c’est Nietzsche lui-même, en tant qu’homme et non en tant que penseur, qui n’a pas été à la hauteur de son idéal du Surhomme. Il avait eu raison de voir dans la philosophie un symptôme des aspirations frustrées du philosophe, mais il n’a malheureusement pas fait exception à sa propre règle. Il y a une règle fondamentale du Surhomme que Nietzsche n’a pas su respecter : celle qui consiste à surmonter le ressentiment. C’est précisément dans sa relation à l’autre sexe que Nietzsche s’est laissé aller au poison du ressentiment. Il n’a jamais pardonné à Lou Salomé, l’amour de sa vie, de l’avoir rejeté, ni à sa sœur Elizabeth d’avoir tout fait pour qu’il en soit ainsi. Et du coup Nietzsche a écris des pages pleine de fiel misogyne au sein d’une œuvre qui ne méritait pas cela…

A mon sens le Surhomme ne peut plus advenir, du moins dans sa version masculine ! Cependant, rien ne nous dit qu’en ce temps d’émergence des valeurs féminines nous ne puissions assister à l’avènement de la Femme supérieure ? C’est en tout cas une telle attente messianique au féminin qui s’affirme dans l’ouvrage de Jean-Luc Berlet La Cinquième Cavalière.         

 

 Biblio : Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra – La Volonté de puissance.

 (café-philo du 28 septembre 2010)

                                                

                               J-L Berlet

 

illustration:

Rudolf Schlichter, Pouvoir aveugle .

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