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Portrait des époux Arnolfini Jan Van Eyck    huile sur bois, Date :1434 Localisation :Royaume-Uni, Londres, National Gallery

Portrait des époux Arnolfini Jan Van Eyck huile sur bois, Date :1434 Localisation :Royaume-Uni, Londres, National Gallery

Le mariage, aujourd’hui ce mot est utilisé par tous sans en connaître le sens. On en sait ses formes, ses logiques, ses principes, ses rites, ses règles juridiques ou religieuses. On le résume à un mode d’organisation de la conjugalité, mode le plus ancien et le plus universel.

 

Mariage est un substantif. De quelle substance est il le mot ?

 

 

Un verset de la genèse dit, au sujet d’Adam et Ève :

 

עַל-כֵּן, יַעֲזָב–אִישׁ, אֶת-אָבִיו, וְאֶת–אִמּוֹ; וְדָבַק בְּאִשְׁתּוֹ, וְהָיוּ לְבָשָׂר אֶחָד

 

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et ils feront une seule chair. » Gen 2, 24. 

La septante dit ἄνθρωπος il s’agit donc de l’homme générique.

Rachi commente :

לְבָשָׂר אֶחָד. הַוָּלָד נוֹצָר עַל יְדֵי שְׁנֵיהֶם וְשָׁם נַעֲשֶׂה בְּשָׂרָם אֶחָד

Une seule chair. L’enfant est créé par les deux parents, et c’est en lui qu’ils deviennent une seule chair.

 

En vérité l’hébreu ajoute un datif : « et ils seront pour une seule chair », ce que les rabbins interprètent en indiquant que l’homme et la femme seront pour l’enfant. L’enfant devient l’horizon de la relation érotique.

Le problème que pose l’enfant est double. D’abord il fournit le témoin, parce qu’il peut assurer que le phénomène érotique a bien eu lieu, il peut aussi devenir un témoin à charge, qui indique que le phénomène érotique se défait. De plus, l’enfant de toute façon partira, il ne rendra donc jamais ce qu’il a reçu. Dans ces conditions, l’enfant, soit accuse comme un témoin à charge, soit se décharge de son témoignage. Il s’agit donc d’un témoin très ambigu, instable et provisoire. Or le phénomène érotique veut l’éternité ; il faut donc un tiers absolu. Le phénomène érotique a alors nécessairement une dimension eschatologique : ne pouvant pas s’assurer en permanence, il doit se répéter, et la répétition ne peut s’accomplir in fine autrement que par l’éternité selon l’histoire – ce qui définit exactement l’eschatologie. L’eschatologie signifie le passage et la transition entre la temporalité et l’éternité parce que le temps lui-même suit une flèche, non un cercle. Nous retrouvons ici ce fait capital que le serment qui seul déclenche le phénomène érotique, impose dès son début, au moins implicitement, une exigence d’éternité. La question du témoin absolu est intrinsèquement posée par ce phénomène. Sans rentrer dans le domaine proprement théologique, il faut se demander si le phénomène érotique peut devenir finalement compréhensible sans le rapporter à une trinité même.

Ainsi cette alliance définit ou fait naître une archéologie de l’eschatologie.

Deux problèmes se posent alors. L’alliance et l’enfant.

L’enfant est la francisation du très ancien mot latin infans, à l’accusatif infantem, mot qui signifie proprement qui ne parle pas. Il est en effet composé du préfixe in, négatif et participe présent de fari, parler qui se rattache à une importante racine indo-européenne signifiant à la fois éclairer – φαίνω phéno phénomène et parler. 

Comment peut-on être le témoin d’un phénomène sans pouvoir le rapporter. Ce témoin est ce que l’on voit, ce qui apparaît et non ce qui est su νοούμενoν.

Alliance pose un autre problème. il vient du verbe allier du latin alligare « attacher à, mettre avec, composer de ad et de ligare lier. Le dérivé alliance est formé avec le suffixe ance, (indiquant le résultat d’une action), désigne une union par engagement mutuel, d’abord en religion (Bible), en politique, en droit, et généralement un accord.

Ainsi naît une opposition entre le voir et le dire du témoin.

La chair, le voir est éminemment verbe, le su. 

Dans la Thora aussi.
“Il prend une de ses côtes et ferme la chair dessous” et vibrante d’élans saccadés, décalés, “Celle-ci cette fois, est l’os de mes os, la chair de ma chair” qu’il faudra à tout prix juguler en renouvelant, en rejouant la réjouissante jonction : “Il colle à sa femme et ils sont une seule chair.” Pourquoi dès lors ne pas nommer la jouissance sexuelle : l’espace-temps – l’espace d’un instant où les chairs, de s’effleurer, laissent affleurer un abîme dont les parois sont des
paroles (puisque  בשר bassar veut dire “chair”, de même racine que, annoncer, cet abîme que l’union s’efforce d’enfouir et dont elle dénonce la distance qu’elle énonce pour peu qu’elle ne daigne s’y pencher, sinon s’y entendre au moins s’écouter ?

Ainsi ne pouvons-nous voir dans cette naissance apparition de deux êtres à partir d’un premier, une a-liance, un délier, un lien défait, une dé-livrance. Apparaît l’ambiguïté du mot de la langue, alliance étant un lien en même temps qu’une délivrance. 

La chair est verbe, la parole est peste, c’est l’hébreu qui nous l’apprend, davar signifie, “la parole, la chose” et la même racine dévèr nous dit “la peste”.

Le mot mariage lui aussi pose problème. Son origine est le mot mari issu lui aussi du latin maritus, adjectif qui dans la langue de l’agriculture à le sens d’accouplé, uni [sous je joug], puis au sens de conjugal du latin jugum [joug esclavage, servitude], nuptial dans la langue poétique impériale, l’emploi le plus fréquent étant celui du nom qui a supplanté vir “homme” au sens d’époux et sert également à désigner les animaux mâles. Si cette spécialisation semble indiquer une influence secondaire de mas [mâle], les deux mots n’ont rien en commun. Maritus seraient apparenté au lituanien marti “jeune fille”, au grec, meirax “fille, garçon” au sanskrit marya “jeune homme amoureux” aux vieux perse marika “sujet” au gallois merch “fille”, c’est-à-dire à une famille de mots désignant des hommes et des femmes aptes à s’unir. Ce qui remarquons le, fait intervenir une nouvelle idée celle de l’aptitude à, ce qui nous ramène au latin apo, apere aptum, lier venant lui même de aptus adapté,; attaché à et finalement à capacité, compétence disposition naturelle à faire quelque chose.

 

De mari nous arrivons à marier issu du matin maritare, unir des arbres à la vigne. Marier est apparu au sens de donner [une fille] en mariage, au sens prendre pour femme, l’usage à transformer l’ancienne construction transitive marier quelqu’un, en se marier avec, puis la construction épouser est devenue celle qui semblait la plus correcte.

Marier donna mariage, action de marier d’abord entendu comme sacrement de l’Église catholique. Puis par métonymie l’état de personne mariée et la cérémonie du mariage avec le code apparaît le mariage civil.

La revient la notion du témoin muet le mariage civil se fait sous le regard de témoins muets, sans paroles.

 

 

Tag(s) : #La société, #le sens des mots

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