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L'Ecole de Platon. Delville Jean (1867-1953) Musée d'Orsay

 « Il faut bien donner un nom à ce qui n'a pas de nom, à ce qui est impalpable... Tout compte fait, c'est là le métier des philosophes et de la philosophie. » 

Vladimir Jankélévitch

L’Occident s’intéresse depuis assez peu de temps au lien entre philosophie et spiritualité. Après des siècles d’opposition, voire d’exclusion, le spirituel semble reprendre petit à petit une place qu’il n’avait perdu que dans les mentalités. Car la « spiritualité » ne devrait pas même être nommée, tant elle est loin des croyances religieuses ou même idéologiques. Elle ne renvoie, étymologiquement, à aucune école, si ce n’est à l’esprit dans sa forme la plus évoluée, entière. La philosophie à laquelle le public et les médias s’intéressent aujourd’hui est celle qui répond à un appel intérieur évident : la philosophie grecque, les égyptiens, les sumériens, les gnostiques, etc. On ne cherche plus tant à savoir qu’à comprendre, à lire entre les lignes. Et l’interligne est en lui-même déjà spirituel. Il est invisible, qui nous inspire des idées, des sens possibles, des ouvertures d’horizons infinis… 

L’amour de la sagesse (« philein » et « sophia ») ne se contente plus d’être défini comme un amour conceptuel d’une vérité ou d’une universalité. Rétablir un pont entre la philosophie et la spiritualité oblige la 1ère à ne plus être hermétique, simplement intellectuelle ou objet de pure érudition. Le vécu retrouve ses droits. Comme l’avait affirmé Kierkegaard dans ses Miettes philosophiques, « le concept de souffrance ne fait pas mal ». Entendre parler d’amour, ne serait-ce qu’à travers les auteurs les plus grands, reconnus comme les plus brillants, ne nous apprendra jamais ce qu’est l’amour. Discourir sur l’amour n’est pas aimer. De la même manière, rapprocher philosophie et spiritualité, c’est revendiquer la véracité de l’expérience et du vécu, sans prétendre à l’universalité. Ou alors, la seule universalité est celle d’expérimenter et de vivre… Catégoriser, nommer la philosophie d’une part et la spiritualité d’autre part, c’est dire combien un complexe, un refoulement, pèsent sur le spirituel. En réalité, le terme même de « spiritualité » n’a pas grand sens, si ce n’est pour les libraires. La vie est spiritualité. Y aurait-il un sens à parler d’une discipline s’intitulant « la vie » ? Si ce n’est au sein d’une société inapte à vivre, sclérosée… J’en veux pour exemple que la vie n’a pas besoin de matière pour être. Le son est signe de vie, invisible à l’œil nu ; le champ électrique compose le corps humain, il n’est pas visible pour notre vision. Une pensée vit dès qu’elle prend forme dans notre esprit, sans qu’elle soit visible ni matérialisée… L’inconscient est invisible, mais produit des effets matériels visibles. Ce dévoilement de l’invisible au visible est spirituel. La philosophie ne fait que le constater et le nommer pour tenter de le comprendre. La philosophie cherche avant tout à maîtriser, à conceptualiser, ou à « anti-conceptualiser », ce qui consiste à rester encore dépendante du concept. La spiritualité consiste non pas en concepts mais en une attitude envers la vie, proche du lâcher prise, de la gratuité des choses, que l’on renonce éventuellement à comprendre. C’est parce qu’elles sont là, parce qu’elles arrivent, que les choses ont un sens, et non l’esprit humain qui invente le sens que ces choses doivent avoir. La spiritualité accueille, la philosophie décrète, affirme, que ce soit à travers des questions (orientées) ou des réponses. S’il est un point commun aux deux, ce serait l’étonnement. Aristote avait dit que le point de départ de la philosophie est l’étonnement. Pourtant, cette définition a été vite oubliée, ou alors détournée de son sens : l’étonnement a parfois dévié vers une quête de sens à tout prix, pour servir, valider un système, ou invalider ce dernier. 

L’amour de la sagesse a malheureusement dévié vers l’amour de la vérité. La sagesse n’a pourtant pas grand-chose à voir avec la vérité, derrière laquelle se cache une opinion mieux argumentée que la doxa de la rue… : « Si l’opinion est la reine du monde, les philosophes gouvernent cette reine », reconnaissait Voltaire dans sa Lettre à d’Alembert. Oser le lien entre philosophie et spiritualité, c’est les inviter à partager leurs caractéristiques au lieu de se tenir dos à dos, ou face à face. C’est redonner à la philosophie sa dimension vivante, de l’intérieur de notre être, et non de l’extérieur à travers le discours d’un ou des autres. Un savoir-être, pour mieux vivre, et non un savoir tout court, coupé de la vie en tant qu’énergie. Quand les puzzles et les paradoxes réclament une solution, un nouveau paradigme devient une nécessité : ce nouveau paradigme pourrait bien être aujourd’hui la spiritualité. La science contemporaine se penche de plus en plus sur son rapport au spirituel ; et cette nouvelle recherche est plus philosophique que jamais, ancrée dans le vivant lui-même. Les scientifiques pensent maintenant que les mécanismes à la base de la divergence des espèces ne semblent plus dus à des accumulations de mutations progressives ; mais plutôt à des réarrangements multiples du matériel génétique. Le biochimiste et prix Nobel Albert Szent-Gyorgyi a émis l’hypothèse que « tendre vers un ordre plus élevé peut être un principe fondamental de la nature » (rapporté par Marylin Ferguson, Les Enfants du Verseau). Il a appelé ce phénomène la « syntropie ». Il pense que la matière vivante possède « un instinct inhérent d’auto-perfection ». « Après tout, ajoute-t-il, ce n’est que depuis quelques années que l’on sait comment l’A.D.N. délivre ses instructions au reste de la cellule, dans un 1er temps. Il se peut qu’un autre processus tout aussi élégant vienne modifier ces instructions »… Il rejette le hasard comme facteur de mutations, étant donné l’extraordinaire, et incroyable complexité (intelligence) du vivant. Croire au hasard ici reviendrait à croire qu’on peut améliorer une montre suisse en la laissant tomber par terre, tordant une de ses roues ou un axe. Colin Wilson, écrivain britannique, suggère que les êtres vivants d’une même espèce partagent une conscience commune. Cette conscience du vivant vient de ce que les espèces sont reliées génétiquement et télépathiquement. « La communauté est, en un sens, un seul individu, un seul esprit, dont les gènes ont été influencés par son besoin collectif. » (ibid.

Si la biosphère est une unité, si un effet papillon véhicule à travers toutes les espèces vivantes des informations, alors tout est conscience. Tout comme le papillon est implicite, déjà contenu dans la chenille, le spirituel contient tout en germination. Seul le temps déroule sous nos yeux une matière visible, dans un second temps seulement. Cette reconnaissance d’un principe spirituel/intelligent à l’œuvre dans la nature offre un modèle scientifique et philosophique à tous les niveaux. Elle explique le rôle de l’impulsion de transformation inhérente à la nature.

23 nov. 2010

Sabine Le Blanc


Je mets les mots; philosophie et spiritualité au singulier, il ne peut y avoir de pluriel, il n’y sans doute pas même de singulier. Ces deux vocables ont-ils besoin d’un article défini ou indéfini?  L’article indéfini étant l'outil type de la détermination incomplète. Il s'oppose ainsi à l'article défini, qui lui, présuppose que le référent soit connu des actants de l'énonciation. De quelles types de philosophie ou spiritualité parlons nous? 

Que nous dit le dictionnaire, spiritualité fait suite à l’article spirituel mot venant du latin spiritiel, espiritiel lui même emprunté au latin impérial spiritualis ou spiritalis que l’on peut traduire par «propre à la respiration» et en bas latin ecclésiastique «spirituel, immatériel» dérivé de spiritus «esprit», si le mot marque l’immatérialité au XVI e siècle le mot se dit d’une personne remarquable par ses qualités d’intelligence, dans la préciosité du XVII e ce dira de ce qui enrichit la vie de l’esprit. Swedenborg au XIX e réinvestit le mot d’une valeur mystique, dans ce cadre l’homme spirituel a désigné l’homme initié aux vérités du monde invisible et l’univers spirituel, l’univers mystique des correspondances.

Il en découle que spiritualité venant du latin spiritualitas «spiritualité, immatérialité» voit son évolution se calquer sur spirituel. Il désigne tout d’abord le caractère de ce qui est considéré dans son existence religieuse, surnaturelle, «spiritualité de dieu, de l’âme». Mais si la religion donne un sens à ce mot, la philosophie l’emprunte pour désigner le caractère opposé à la matérialité et s’emploie jusqu’au XVIII e au sens de caractère ontologique de l’esprit, par opposition au corps naturels.

 

S’il est difficile et insuffisant de définir philosophie et spiritualité, peut-on savoir par quels moyens et à quelle fin nous pouvons user de philosophie et de spiritualité. Il me semble qu’un mot ou plutôt une figure lie ces deux idées, le terme de sage. la figure du sage ne serait-elle pas la figure la plus parfaite de celui qui userait de philosophie et de spiritualité.

En opposition à philosophie et spiritualité le sage est défini, c’est à cela qu’on le reconnait. Le sage nous dit l’étymologie sapidus, est «qui a du goût, de la saveur» il n’est pas insipide. Au figuré c’est le vertueux. Sapir dérive du verbe sapere savoir. Et c’est à remarquer abouti à l’ancien adjectif sade qui chez Chrétien de Troyes (1175) qualifie ce qui est savoureux, agréable en parlant des choses, ce qui est charmant gracieux en parlant des personnes.

Le sage, substantif, a désigné celui qui s’est distingué par sa connaissance de la philosophie et des sciences dans l’antiquité grecques. Á l’époque moderne le sage est celui qui par un art de vivre supérieur, se met à l’abri de ce qui tourmente les autres hommes, puis c’est la notion de modération qui devient prédominante.

Aujourd’hui, je prend pour référence Wikipedia le sage est:

un individu qui possède pleinement, accomplit, voire dépasse les facultés ou dispositions de la nature humaine, tant en ce qui concerne la connaissance que l'action. Il représente l'idéal de vie humaine la plus haute, l'excellence dans le savoir ou dans la disposition au savoir, et le jugement sur toutes choses, en particulier sur les valeurs morales et les actions qui leurs sont liées.

En pratique, le sage peut être défini comme celui qui montre sa pensée non par la parole, mais par l'agir, c'est ainsi qu'il démontre le bien-fondé de sa pensée. Ainsi, la vie du sage est la démonstration de sa pensée, la force du sage est dans ses actes, et non dans le verbe, réservé au philosophe (voir Thalès et les moulins à huile, pour comprendre ce qu'est la sagesse, ou la vie de Gandhi, pour comprendre comment par l'agir, le sage démontre la pertinence de sa philosophie). Socrate à ce titre, est l'archétype du sage antique, sa pratique de la maïeutique sur l'agora vaut toutes les démonstrations. Si le sage agit, c'est qu'il sait que seule la démonstration fait école, alors que les mots eux, s'envolent. 

Cela étant heureusement que Platon a prit des notes.

Aujourd’hui si l’on demande de nommer dix sages, il est probable qu’ils seront tous de l’antiquité sans doute pas de l’époque contemporaine et si tout même ils étaient contemporain il seraient orientaux. 

Comment reconnaitre un sage? Le sage serait un styliste, c’est-à-dire qu’il rythme ou scande l’existence. Il ne s’agit pas d’accumuler des connaissances, il s’agit de savoir quelque chose qui transforme l’existence. Le commun à la figure du sage; Socrate, Diogène, Confucius, Bouddha, est d’atteindre une sorte de perfection, d’une manière ou d’une autre ce que l’on pourrait appeler l’idéal de l’humanité achevée, morale et existentielle. Ce que l’homme peut être de mieux, la figure du sage l’incarne. Le sage est représenter comme des être sereins. 

Dans le judaïsme s’est autre chose. Le sage c’est Salomon, il est l’homme de l’étude, sans aucune distinction de perfection humaine, il ressemble à tout le monde. 

Sage avec ou sans dieu? Le sage sans dieu est dans l’immanence, il n’y a pas de dessein divin pour inscrire la sagesse. Il doit la construire seule, par ses propres moyens, mais en liaison avec le cosmos. Il s’agit de construire un rapport de l’humain avec et à  la nature ou de trouver sa place dans le monde avec les autres.

Sage avec dieu, peu importe le dieu référent, s’est être en relation avec une parole, avec un dessein divin.

Ne négligeons pas les sages légendaires, ils sont constitutif de la figure du sage, compris dans leur représentation. Il y sans doute un fantasme dans l’invention de la figure imaginaire du sage.

Antisthène dit le sage ne devrait pas apprendre à lire, c’est l’idée même du sage. La vraie sagesse consiste à être le plus près de la nature. C’est l’école cynique, κύων, le chien qui vit sans attache. Il s’agit d’être débarrassé des travers de la civilisation, la vraie sagesse aux yeux des cyniques c’est d’être au plus près de la vie naturelle, animale,  ne pas savoir lire c’est échapper à tous ce qui serait corrupteur.

Mais le sage doit s’il veut être sage entrer dans l’histoire. La fascination du sage aujourd’hui est une façon d’échapper au monde moderne, oui il y a des problèmes, mais il y a un monde ancien, un monde éloigné ailleurs , merveilleux, qui conduit à la construction nostalgique d’un paradis perdu, ce qui du point de vue de la sagesse est faux. Le sage se doit non seulement de rejoindre l’histoire mais aussi le politique. Gandhi, Le Dalaï Lama, Martin Luther King ont en commun d’être des figures du sage et des figures du politiques.

 

Les moyens.

Le mythe eschatologique qui achève la République de Platon rapport le témoignage d’Er. Er de Pamphilie est tué à la guerre, il a vu les âmes après leur décès, entre leur mort et leur nouvelle naissance. Prenant place dans l’intervalle ouvert par la séparation mythique de l’âme et du corps, le récit évoque à la fois une âme détachée ou libérée du corps et, au contraire, allant vers le corps, le choisissant et voulant l’animer. On peut y voir la formulation de deux thèmes divergeant: d’une part ce qu’est l’âme pure, isolée et abstraite de l’organisme corporel dont elle est le principe de vie, (dans le Phédon la mort est la situation où l’âme, «séparée du corps, est elle-même en elle même) et d’autre part l’âme en tant qu’elle donne lieu à la vie corporelle et au corps. Dans la perspective néoplatonicienne cette union n’est as conçue comme un fait ou un état: elle est d’abord l’acte et le processus dont le corps vivant est le fruit et l’issue. La vie corporelle est une activité perpétuelle de l’âme qui se déploie dans le  temps et l’étendu en en suscitant toutes les forme de vie dont le corps est capable, depuis la croissance et la nutrition, jusqu’au langage et la rationalité. On connait le platonisme pour son affirmation d’une âme distincte du corps, se séparant activement de lui par l’ascèse et «l’application à mourir», c’est ainsi que la philosophie est définie dans le Phédon. Mythe eschatologique et de l’origine, car le récit fait coïncider et unit en lui la figure d’une âme pure, rendue à elle même par la mort, et celle d’une âme tournée vers le corps, allant vers lui et désireuse de vivre en lui. La visée du mythe, la fin à laquelle il est entièrement ordonné, est la naissance des âmes dans les corps qu’elles ont choisis, et le retour d’Er à la vie qu’il avait quittée, son réveil sur le bûcher où son cadavre allait être incinéré. Notre âme peut être considéré par les deux mouvements opposés de la mort et de la naissance. Paradoxe de l’indétermination de l’âme qui posé à la croisée de deux mouvements n’est ni hors du corps, ni contenu dans le corps L’âme est le Bien ou l’Un, c’est-à-dire l’indétermination absolue et inconditionnelle qui est le foyer et le point de fuite de toute vie et de toute pensée.

Comment l’unité du sujet vivant se rapporte-t-elle au corps?

La pensée et la vie corporelle sont-elles le prolongement l‘une de l’autre?

Quelles sont les limites de l’humain et comment se distingue -t-il des autres vivants?

 

Le récit de Platon commençant par la mort d’Er s’ouvre sur la séparation de l’âme et du corps comme il s’achève sur leur réunion. La possibilité pour ce mythe d’avoir une vérité, quelle qu’elle soit, repose sur la possibilité d’une telle séparation. 

 

Le dernier mot du mythe n’est pas donné à un savoir ou à une vision mais plutôt à une ignorance. Er ne sait pas par ou ni comment il est arrivé dans le corps.La soudaineté ou l’instantanéité de cet événement mythique où l’âme vient habiter le corps est le paradoxe où l’on fait coïncider une certaine unité avec l’exigence de la plus grande discontinuité.

 

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