Définition du mot dans le dictionnaire historique d’Alain Rey.
Nom féminin, réfection graphique de fantaisie (1200) forme courante jusqu’au XVIe siècle est emprunté au latin classique fantasia ou phantasia « image concept » et « vision » en bas latin, mot employé notamment dans les traductions latines des textes de Platon et d’Aristote. Le latin l’a repris du grec φαντάζω, phantazō « apparition » d’où « imagination », « image qui s’offre à l’esprit » qui appartient à la famille des phainein « apparaître ».
Fantaisie s’est employé au sens de « vision » puis « d’imagination » jusqu’à l’époque classique. En moyen français le mot prend par métonymie le sens « d’objet que forme l’imagination » (1718) emploi sorti d’usage. L’idée d’imagination s’opposant à celle de contrainte, fantaisie s’emploie pour nommer un goût passager, valeur commune aux divers emplois du mot.
Il désigne une pièce musicale de forme libre, dite aussi caprice, une œuvre créée sans suivre de règle formelle (1636), un amour passager et une chose peu utile, mais originale, qui plaît ; de là, vient fantaisie au sens moderne (objet de fantaisie). Le mot d’abord mélioratif en vient à désigner la tendance à agir par caprice, qu’il soit ou non employé de façon favorable.
Le dérivé fantaisiste a désigné un artiste, un écrivain n’obéissant qu’à la fantaisie et s’applique ç quiconque qui agit sans suivre les usages, qui n’est pas sérieux.
φαντάζω (fantazo) ; 1– apparition de choses extraordinaires ou qui font illusion, vision.2- spectacle, coup d’œil, aspect, particulièrement des choses extraordinaires et propres à frapper l’imagination ; par suit étalage, montre, ostentation. 3– action de figurer par l’imagination, d’où image qui s’offre à l’esprit, l’idée, faculté de se représenter par l’esprit, l’imagination. φανταξω, dénoncer, se montrer, apparaître d’ordinaire en parlant de visions ou de phénomènes extraordinaires (météores, comètes), se montrer sous les traits de γυναχι (gynachi) γυναίκα(gynaíka) de femmes.
Nous trouvons dans d’autres dictionnaires d’autres définitions telles :
Esprit, pensée, idée.
Sentiment, goût, humeur, désir.
Caprice, boutade, bizarrerie.
(Par ellipse) Toute chose qui est moins utile qu’elle n’est curieuse par sa nouveauté ou par sa bizarrerie.
Vieilli – Imagination. Il n’a plus ce sens que dans les ouvrages didactiques et aussi en termes de beaux-arts et de littérature pour désigner un ouvrage composé d’imagination et non pas d’après la réalité ou les règles.
Certaines libertés, d’un caprice de l’imagination qui donne de l’agrément à un ouvrage de l’esprit.
Apparentés étymologiques
- fantasy
Si les dictionnaires des langues nous offrent certaines définissions que nous disent les dictionnaires philosophiques.
André Lalande écrit :
Fantaisie. Phantaisie, Fancy, Fantasia.
Ce mot a pour origine φαντάσια qui signifie chez Aristote « modo speciem rei objectae, sive veram, sive falacem..., modo eam actionem qua rerum imagines animo informamus... » (façon de genre opposé de la chose, que ce soit vrai, ou fallacieux..., de manière à l’action par laquelle l’esprit forme des images de choses...) quelquefois, surtout au pluriel, les images mêmes qui apparaissent à l’esprit.
Ces sens sont conservés au moyen âge. Au XVIIe siècle, reproduction, reproductrice ou novatrice, « lorsque nous parlons des idées nous n’appelons point de ce nom les images qui sont peintes en la fantaisie. Bossuet d’écrire ; « Ce même entendement qui donne occasion à la fantaisie de former ces assemblages monstrueux, Chimères, Centaures, en connaît la vanité. » (De Dieu Ch1 §10.)
En tant qu’expression philosophique, ce mot a vieilli. Il appartient surtout aujourd’hui au domaine de la critique d’art et du langage de la vie courante, où il devient synonyme de caprice, d’irrégularité, d’inexactitude ; – ou dans d’autres cas, avec un apport favorable, de liberté d’esprit, de création, d’originalité imprévisible.
Baudelaire écrit en citant en anglais et traduisant aussitôt un texte de Catherine Crowe ; « Par imagination, je ne veux pas seulement exprimer l’idée commune impliquée dans ce mot dont on fait si grand abus, laquelle est simplement fantaisie (fancy), mais bien l’imagination créative (constructive), qui est une fonction beaucoup plus élevée, et qui, en tant que l’homme est fait à la ressemblance de Dieu, garde un rapport éloigné avec cette puissance sublime par laquelle le Créateur conçoit, créé et entretient son univers »
(Oeuvres complètes vol 2, Gallimard, « La Pléiade », 1976, p 623-624).
Baudelaire se rapporte à The Night Side of Nature (1848), recueil très curieux de récits, d’accidents et d’observations qui se rattachent au monde surnaturel.
Cette distinction recueillie par Baudelaire remonte au milieu du XVe siècle lorsque fancy s’est formé par la contraction de fantasy ; elle donc pratiquée depuis longtemps par les auteurs anglais sensibles à leur langue et soucieuse de la penser. Elle correspond aux deux étymologies grecque et latine, fancy sur phantasia φαντάσια et imagination sur imagination, l’une renvoyant à la force créatrice de l’apparaître et l’autre à la reproduction et à l’image. On retrouve donc en anglais le même type de doublet qu’en allemand (Bild).
Les deux mots imagination et fancy ne recouvrent donc qu’en apparence la même idée.
La distinction fancy/imagination est souvent rendue en français par l’opposition entre fantaisie et imagination. Mais même si l’on veut rapporter fantaisie à son sens grec et oublier le sens particulier d’improvisation plus ou moins folle que le mot à pris, au moins dans le vocabulaire courant, il faut constater que cette opposition ne rend presque jamais compte du doublet anglais.
Mais alors, par où passent les différences, quand elles existent. Le "fancy" et le "imagination" où ont la fonction philosophique de tisser des alliances de notions dans un ensemble mouvant, telle conjecture, tel point de vue ne sera pas forcement l’alliance dans une autre conjecture et une autre perspective.
Fancy a tendance à se charger des aspects les plus fantasques de l’imagination ; « je me figure telle chose » se rendrait par I fancy que par I imagine.
Imagination désigne l’acte par lequel, à partir d’une situation présente appelée à se développer dans ses effets ou envisagée comme le résultat de causes concurrentes, on fait un inventaire des situations, soit en direction du passé, soit en direction de l’avenir. L’imagination opère une sorte d’abstraction des dimensions du temps, considérées comme des repères objectivés. Imagination prend donc un sens topique et désigne l’aptitude de notre esprit à repérer la situation qu’il occupe, parmi d’autres en plus ou moins grand nombre. Imagination implique un repérage souvent aussi systématique que celui de l’entendement, quoiqu’il puisse être plus sommaire, moins régulier et surtout plus rapide.
Fancy, moins systématique, désigne plutôt l’acte particulier de se rapporter à une situation que l’on n’occupe pas réellement. C’est pourquoi l’on parle des lois ou des principes de l’imagination, lesquels peuvent bien gouverner les hommes.
La notion de Fancy met en jeu les forces psychiques, elle implique qu’un sillon soit creusé dans une direction privilégiée.
Conformément aux étymologies, on préféra parler d’imagination quand on s’intéressera aux images et à leurs relations réciproques, dans l’espace et dans le temps ; et de fancy pour désigner l’imagination dynamique, qui constitue le ressort des images plutôt que de l’image même. Fancy ne s’arrête à aucune image ; c’est par là que l’on retrouve son côté fantasque de fantaisie. Elle emprunte à la croyance et à la réalité une sorte de vivacité que n’a pas l’imagination. L’imagination, curieusement est plus voisine de l’entendement, elle est aussi plus facilement toisée par le vrai et apparaît du coup plus fausse que fancy, laquelle relève d’une logique des fictions échappant en partie au vrai comme au faux.
Dictionnaire de Voltaire.
Fantaisie signifiait autrefois l’imagination, et on ne se servait guère de ce mot que pour exprimer cette faculté de l’âme qui reçoit les objets sensibles.
Descartes, Gassendi, et tous les philosophes de leur temps, disent que les espèces, les images des choses se peignent en la fantaisie ; et c’est de là que vient le mot fantôme. Mais la plupart des termes abstraits sont reçus à la longue dans un sens différent de leur origine, comme des instruments que l’industrie emploie à des usages nouveaux.
Fantaisie veut dire aujourd’hui un désir singulier, un goût passager.
Le caprice peut signifier un dégoût subit et déraisonnable : il a eu la fantaisie de la musique, et il s’en est dégoûté par caprice.
D’alberti à képler, nombreux sont les penseurs et les scientifiques qui choisissent, à la renaissance, d’exprimer leurs idées sous la forme de fictions invraisemblables et divertissantes, ou de paralogismes. Rompant avec la tradition de l’écriture philosophique abstraite, mais aussi avec le modèle de l’exemplum, la fantaisie philosophique consiste donc à aborder l’un des objets des sciences que la renaissance désigne par le terme générique de « philosophie » (logique, morale, physique, métaphysique) sous une forme ludique, qui implique une intervention de la phantasia.
Sur le plan idéologique, des courants de pensée tels que le néo-platonisme, la théologie négative, ou le scepticisme intègrent une réflexion sur le rapport entre fiction et philosophie. Nous nous interrogerons sur l’évolution des formes et des valeurs, sur le travail sur le mythe, la morale ludique, des Accords, les comédies philosophiques que constituent les dialogues de Giordano Bruno.
Le Conte philosophique.
Dans son Histoire de la littérature française au XVIIIe siècle, Béatrice Didier affirme :
« Dans les formes de récits courts, le conte est le genre qui connaît une grande extension. Par contraste avec la nouvelle qui prétend être “véritable”, il opère dans le domaine de la fantaisie, dans le rêve d’un ailleurs, qui prend surtout la forme du merveilleux et de l’exotisme. Car dans cette période le conte se charge de plus en plus volontiers d’un message philosophique. »
Au XVIIIe siècle apparaît une nouvelle forme de récits courts : le conte. Les auteurs de ces contes sont des philosophes comme Voltaire, Montesquieu ou Diderot. Ces contes sont utilisés pour leur forme plaisante. Le conte, grâce au merveilleux, entraîne ses lecteurs dans l’exotisme. Il comporte aussi un message philosophique. Mais il y a aussi des dangers en utilisant la forme du conte pour transmettre un message philosophique.
L’un des nombreux thèmes du conte philosophique est le voyage. En effet, le Siècle des Lumières invite au voyage. Les récits de ces contes se déroulent toujours à l’étranger. Dans le « Supplément au voyage de Bougainville », l’histoire se passe à Tahiti. L’exotisme est très présent dans les contes. Les îles font rêver les lecteurs. Dans le cas de Candide, l’histoire se déroule dans plusieurs pays : la Westphalie, le Surinam, El Dorado... Le lecteur est transporté dans ces lieux en même temps que le personnage.
Un autre aspect du conte philosophique est la fantaisie qui attire les lecteurs. Les péripéties du personnage de Candide sont très amusantes.
Le conte philosophique est caractérisé par la fantaisie, le merveilleux et l’exotisme, mais il est aussi porteur d’un message philosophique.
Le conte philosophique fait réfléchir les lecteurs. L’histoire comporte des vérités cachées qu’il faut découvrir pour comprendre le sens du texte. L’une de ces vérités cachées est la dénonciation de l’esclavage que l’on retrouve dans « Candide » à travers l’histoire du Nègre de Surinam.
Le conte philosophique permet donc à son auteur de critiquer la société au travers de vérités cachées dans son histoire. Toutefois, les dénonciations de la société ne sont pas explicites dans le texte à cause de la censure. Il est donc dangereux d’utiliser le conte pour faire passer un message philosophique.
L’utilisation du conte pour faire passer un message philosophique comporte des risques, car l’auteur dissémine les vérités dans tout son texte et il est probable que les lecteurs puissent passer à côté du message sans même sans s’en apercevoir. On peut lire un conte philosophique sans prêter attention aux messages, dans ce cas, pour le lecteur, ce n’est qu’un conte ordinaire.
Un autre danger du conte philosophique est de mal interpréter le sens du message philosophique. Pour exemple, dans le cas du Nègre de Surinam dans Candide, si l’on n’y prend pas garde, il est possible de comprendre que Voltaire est pour l’esclavage. Les auteurs s’en servent afin de dénoncer la société par rapport à l’esclavage, les abus de l’Église ou du roi par exemple. Toutefois, l’utilisation du conte comme moyen de faire passer des messages philosophiques est dangereuse, car l’auteur prend le risque qu’ils soient incompris, ignorés ou mal interprétés. On peut donc se demander si l’utilisation du conte philosophique pour faire passer ses idées est une bonne chose.
Ainsi, pour être certain que son message philosophique soit compris de tous peut-être vaut – il mieux écrire un essai plutôt qu’un conte philosophique ?
caprice
(1558) Emprunté à l’italien capriccio (« frisson, caprice »). De Capra chèvre, féminin de caper Bouc.
Nom communcaprice
- Volonté irréfléchie, soudaine et passagère.
- Fantaisie.
- Inclination
- La philosophie se montre très critique devant l’imagination quand elle se rabat sur l’imaginaire comme vers un irréel nuageux, évasif, à opposer au réel. Mais les images ont bien d’autres statuts que ceux de l’imaginaire, et la philosophie véritable ne saurait se passer de la puissance configurante autant que défigurante du mythe. Elle en use comme d’une machine à contempler l’univers à la façon de Deleuze recourant aux légendes du cinéma ou Leibniz lorsqu’il invente le concept de « monadologie ».
Le livre de Cassou-Noguès « Lire le cerveau » dit que seule une philosophie visionnaire, pourra créer des notions et relancer les données de la vie, même à supposer, des fictions qui soient propre aux philosophes : une mise en images de la pensée qui explore les frontières du pensable. Il semble que le livre de Cassou-Noguès remplit cette condition. Il s’agit d’un trajet passionnant sur la possibilité de préfigurer les frayages du cerveau. Un jeu qui consisterait à penser une similitude, l’occasion de montrer la ressemblance plus ou moins opportune de la philosophie avec l’imaginaire. Soit la philosophie illustre l’« anticipation », soit l’« anticipation » illustre un concept arbitrairement établi.
Que ce soit la philosophie ou la science-fiction, elles ne sauraient se recroiser autrement que dans le cadre d’une expérience radicale, une expérimentation qui les pousse à sortir de leur limite respective. L’imagination extraordinaire de Leibniz, par exemple, appelle autrement mieux la vision d’un univers fictif qui est tout droit issu d’un problème donné dans le concept : celui que lui pose l’immanence de toute substance dont il soutient l’individualité. Toute substance étant individuelle, la question du monde devient problématique sachant qu’il ne peut advenir que dans l’enceinte infranchissable de cet enfermement ou de cet enfer. La construction de l’image est ici appelée par la nécessité du concept.
L’auteur note : « ces idées de lecture cérébrale, de mécanisation de l’esprit, si elles sont d’abord portées par une fiction (…) doivent pouvoir acquérir une certaine indépendance par rapport à elles, poser des problèmes qui gardent un sens hors de cette fiction et, finalement, se prêter à des discours contradictoires ».
Il existe sans aucun doute entre les « fictions philosophiques » et la « science-fiction » » des liens de parenté. Descartes, en imaginant sa fiction du Malin Génie, n’est pas loin de ce personnage de P. K. Dick dans « Ubik » qui pressentant que le monde dans lequel il vit est une illusion s’enquiert des traces du démiurge qui pourrait en être le créateur afin de lever le doute qui le mine sur la réalité qui l’entoure. Guy Lardreau écrivit en 1988 un livre sur cet étrange alliage entre philosophie et SF. Dans cet essai de métaphysique amusante, le philosophe définissait la SF comme une fiction capable de produire des conjectures et de feindre de réaliser des possibles. Il répondait à sa manière à l’injonction de Philip K. Dick, disant que, « Si ce monde-ci ne vous plaît pas, allez voir s’il n’y en a pas un autre ».
C’est en tout cas l’idée que défend avec ardeur le philosophe Pierre Cassou-Noguès dans son livre « Mon zombie et moi ». Le sujet de la fiction, le sujet cartésien comme les personnages de SF, ont selon lui une vie qui leur est propre. Ils sont une des figures possibles de l’expérience en général. Le possible de la fiction, celui qui nous fait croire à L’Homme invisible ou au Malin Génie n’est pas forcément possible dans le monde réel, ni possible au sens de la science… mais il consiste en nous. Il nous renvoie un modèle de soi, une image de nous-mêmes. Il nous permet d’habiter d’autres corps.