Predicat-nom masculin, emprunté au bas latin praedicatum «chose déclarée avec force». Ce nom est le participe passé neutre substantivé de praedicare «proclamer, annoncer».
Le mot a été emprunté en grammaire au sens d’»attribut» (d’un verbe). En logique, il désigne le second terme d’une énonciation où il est possible de distinguer ce dont on parle (le sujet) et ce qu’on en affirme.
grec, κατηγόρημα; latin, praedicatum
Dans toute énonciation où l’on peut distinguer ce dont on parle et ce qu’on en affirme ou nie, le premier terme est appelé sujet, et le second prédicat.
Peut-il y avoir des affirmations qui se réduisent à un prédicat? On a souvent considéré comme telles les propositions impersonnelles: il pleut. La meilleur manière de parler, en pareil cas, semble être de reconnaître qu’il y a des jugements globaux, qui n’ont ni sujet ni prédicat; et qu’il a lieu de les distinguer de jugements de prédication, où l’assertion est analysée.
Les propositions de relation; Pierre est le fils de Paul n’ont pas à proprement parler de prédicat. Ces sortes de propositions n’ont pas de prédicat et ne se composent que de sujet, puisque les deux termes y représentent des êtres.
Sorite- nom masculin, emprunté au latin classique sorites, terme de rhétorique, lui-même emprunt au grec sôrietes(sous-entendu logos), proprement «argument du tas», substantivation de sôrietes «mis en morceau, formé par accumulation». Cet adjectif dérive de σωρός (soros) «tas». Il existe de type de sorite; l’un repose sur une accumulation de prémisses (A est B, B est C, C est D, donc A est D); l’autre est l’argument du tas: si l’on ôte un grain d’un tas de blé, il reste un tas de blé, etc… donc un seul grain, qui n’est pas un tas, en est pourtant un.
Le grand classique stoïcien:
" qui est sage est tempérant; qui est
tempérant est constant; qui est constant est sans trouble; qui est sans
trouble est sans tristesse; qui est sans tristesse est heureux : donc le
sage est heureux, et la sagesse suffit au bonheur."
Le sorite abrège et simplifie tous les syllogismes dont il est composé; aussi convient-il parfaitement aux sciences mathématiques, qui, opérant sur une seule idée, celle de quantité, peuvent passer rapidement d'un rapport à un autre, en supprimant les propositions intermédiaires dont la répétition n'est pas nécessaire à la clarté de la démonstration. Leibnitz remarque que les démonstrations d'Euclide ressemblent à des arguments en forme, en se rapprochant cependant beaucoup plus du sorite que du syllogisme complet. Mais si le sorite est la forme la plus commune des démonstrations mathématiques, il ne saurait être employé de la même manière dans les autres sciences; il demande une attention soutenue pour saisir le rapport non exprimé des propositions entre elles; et, quand on opère sur des idées complexes, comme dans la jurisprudence ou la philosophie, il faudrait une intelligence au-dessus de l'humanité pour suivre un raisonnement en sorites, sans jamais se laisser abuser par un rapport mal établi entre deux idées, ou par une conséquence mal déduite.
Le paradoxe sorite-
Le premier des paradoxes sorites est le paradoxe du tas. Il fut formulé au IVe siècle av. J.‑C. par Eubulide, qui fut dirigeant de l'École mégarique. Il tend à démontrer l'impossibilité qu'il y a à constituer un tas par l'accumulation de grains.
Ce type de paradoxe s'appuie sur le raisonnement par récurrence et sur le flou sémantique inhérent aux définitions des mots du langage usuel.
- un grain isolé ne constitue pas un tas.
- l'ajout d'un grain ne fait pas d'un non-tas, un tas.
- On en déduit que
- l'on ne peut constituer un tas par l'accumulation de grains.
- Si l'on postule maintenant
- Un tas reste un tas si on lui enlève un grain.
Alors, considérant un tas, on peut en déduire par récurrence que
- un grain unique ou même l'absence de grains constitue toujours un tas.
Photo:Crewdson Grégory
On ne peut appliquer des considérations quantitatives à une notion qualitative. Or la notion de tas ne peut être considérée comme quantitative (d'un point de vue mathématique) car la question « n objets forment-il un tas ? » n'a pas de réponse claire indépendante du choix de n. La définition d'un tas en tant que quantité est donc invalide. Par ailleurs, « un tas reste un tas si on lui enlève un grain » n'a pas de sens si tas est une notion qualitative.
En langage courant, la définition d'un mot n'est pas donnée préalablement ; elle se construit par l'usage du mot. L'emploi de « tas » dans une phrase définit ce mot, relativement au sens des autres mots de la phrase, et pour autant que la phrase soit pertinente. Inversement, la pertinence de la phrase résulte du sens du mot « tas ». Le langage est alors auto-référentiel.
Considérons par exemple que si un grain nourrit un oiseau, alors un tas de grains nourrit une nuée d'oiseaux. L'affirmation « un tas de grains nourrit une nuée d'oiseaux » est d'autant plus acceptable (en tant que stricte vérité) que les termes « tas » et « nuée » sont flous. On comprend alors que le « tas » est au « grain » ce que la « nuée » est à l'« oiseau ». Une définition plus précise du « tas » invaliderait l'affirmation en l'absence de précision adéquate sur la « nuée ». Cet exemple illustre la possibilité de raisonner de manière non-floue sur des notions floues. Il montre également le caractère relativiste que la phrase donne du sens du mot « tas ». Il montre enfin que la notion de paradigme est plus adéquate que celle de définition.