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 Nadar allongé sur un banc vers 1854-1860 Tournachon Adrien (1825-1903)

Nadar allongé sur un banc vers 1854-1860 Tournachon Adrien (1825-1903)

 

Pour l’opinion commune, la philosophie  est généralement assimilée à une perde de temps, ce qui lui vaut une réputation d’initulitée. Socrate a aussi été condamné à mort parce qu’il détournait la jeunesse de son activité civique jugée utile en l’imitant aux sirènes de la philosophie.

Il est vrai que dans la société actuelle, saturée de vitesse et soumise à la course au profit, la perte de temps constitue le péché mortel par excellence. Cette situation stressante se résume au slogan : « Time is money. » Ce n’est pas le fait du hasard si l’anglais est la langue de notre époque, car cette langue permet un gain de temps considérable grâce à sa capacité à être contractée. En revanche, comparé par exemple à l’allemand, l’anglais n’est pas très propice à l’expression philosophique.

Cependant, ce serait une perte de temps que de vouloir démontrer dans ce bref article que la philosophie n’est pas une perte de temps. Il me paraît plus utile de montrer l’absurdité que révèle l’attitude consistant à avoir peur de perdre du temps. En effet, qu’est-ce qui justifie cette crainte névrotique éprouvée par nos contemporains devant l’écoulement du temps ? Pourquoi se sentir coupable de gaspiller du temps alors qu’on gaspille tant d’énergie sans la moindre mauvaise conscience ?

La réponse à cette énigme est d’ordre ontologique. L’homme déraciné de la société de consommation redoute tant l’écoulement du temps, car ce dernier lui révèle son vide intérieur. Avoir l’impression de perdre son temps est toujours le signe d’un manque d’assurance ontologique. Aristote voyait dans le temps qui s’écoule inexorablement une image du néant par opposition à l’éternité considérée comme symbole de l’Être dans sa plénitude. Le sage n’est-il pas l’Être indifférent au temps qui passe à l’image de ce maître zen qui aurait passé neuf ans à méditer en face d’un mur blanc ? Sans aller jusqu’à un tel extrême, je crois qu’il est temps aujourd’hui de remettre en question la culture du « fast » avant de créer une génération de boulimiques ontologiques...

La morale de cette histoire ? C’est qu’il faut tuer le temps avant qu’il nous tue...

« Le temps est un grand maître, dit-on. Le meilleur est qu’il tue ses élèves. » Berlioz.

 

Jean-Luc Berlet

Tag(s) : #Textes des cafés-philo

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