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Que puis-je espérer ?
(café-philo Le Tour Effeil du 17 sept. 2006)

L'adoration du veau d'or M Chagall

    « Rendez-nous, disent avant tout les hommes, rendez-nous l’éternité. Nous sommes tellement glacés par cette découverte de l’arbitraire... rendez-nous nos religions, serait-ce celle des fêtes de famille, des anniversaires, des patries, de l’olivier que j’ai planté et que mon fils cultivera – rendez-nous cela que nous sommes et qui dure au-delà de nous-mêmes. Permettez-nous de changer en pierres précieuses un corps périssable…. »
A. de Saint-Exupéry


L’actualité  démontre de jour en jour à quel point la question de Dieu est au centre de la vie politique et économique. Du terrorisme à la radicalité d’un certain laïcisme dont notre société commence à faire les frais – les maîtres d’école n’ont même plus le droit de chanter « Au clair de la lune », parce que prêter sa plume « pour l’amour de Dieu » est devenu idéologique, tout nous pousse à l’absurdité. Les conflits religieux débordent de leurs frontières et se mondialisent eux aussi. L’Occident, nous rapportent les médias, tourne le dos à Dieu, tout en cherchant par des moyens détournés l’ivresse que procurait la foi en un au-delà : le consumérisme actuel ne nous fait-il pas revivre le Veau d’Or de nos ancêtres, désespérant de ne pas voir Moïse se manifester ? S’il est un espoir permis aujourd’hui, ce serait bien de remettre les choses à leur place.
Paradoxalement, ce pourrait bien être au sein même de notre société laïque, consumériste, que tout nous ramène à la question de Dieu : que fait-on de cette question ? Peut-on en parler à l’école républicaine, ou est-ce un tabou ? Peut-on persévérer dans le déni des valeurs spirituelles de la transmission, de l’héritage culturel, jugées caduques depuis la génération post-soixante-huitarde ? A en juger la crise que traverse l’école, l’éternelle jeunesse qu’une certaine chirurgie esthétique promet à ses clients, ou encore l’immortalité que le possible clonage humain laisse envisager, il y a de quoi déceler un Dieu humoriste… Comment ne pas voir que nous mimons et nous approprions toutes les promesses que Dieu a faites aux Hommes ? A défaut des moyens du dieu que nous ne sommes pas, nous nous heurtons fatalement à notre propre impuissance, difficilement supportable. Nous avons troqué le spirituel contre le matériel : la transmission d’un savoir de maître à disciple, qui élève l’élève, a été troquée contre un élève, seul, qui est à lui-même sa propre référence, et qu’il ne s’agit que d’épanouir, de divertir. Et les élèves de se heurter, brutalement, à un échec scolaire, forcément incompris. L’immortalité de l’âme, qui sous-tend nos projets d’avenir, le souci de ce que nous allons transmettre à nos enfants, a été troqué contre un corps qui doit cacher, voire annuler les traces du temps, comme s’il était physiquement immortel. Devant un tel leurre, comment ne pas voir dans la pétrification de ces visages de cire le visage de la mort ?
Notre siècle, loin de s’être rendu indépendant de Dieu, n’a fait que le caricaturer douloureusement. N’est-ce pas là l’indice d’une nécessité vitale de la foi, mais une foi libre de toute institution ? Celle à laquelle faisait référence le Christ, révolutionnaire avant l’heure, et dont l’Eglise a fait un conservateur… Le vrai Dieu, foi vivante en nous, n’est-il pas celui qui libère les Hommes de toute entrave ? N’est-il pas celui qui fait accéder chacun de nous à la connaissance de lui-même, capable de relation à l’Autre ? Cette conception-là de Dieu ne redonnerait-elle pas son vrai sens à la Bible et à la vie dans son ensemble ? Pour une école qui retrouve la foi dans le savoir, nullement fasciste, pour une éternité des œuvres spirituelles, et non corporelles, pour une confiance en l’avenir.

Sabine Le Blanc



  Que puis-je espérer?  (café-philo du 17 septembre 2006 A la Tour Eiffel)

 « La morale n’est donc pas à proprement parler, une doctrine qui nous apprenne à nous rendre heureux, mais seulement comment nous devons nous rendre dignes du bonheur. Or ce n’est qu’en ayant recours à la religion que nous pouvons espérer de participer au bonheur, en proportion des efforts que nous aurons faits pour n’en pas être indignes.  »         
 Emmanuel Kant

Que puis-je espérer est la troisième grande question philosophique posée par Kant après les questions du que puis-je savoir et du que dois-je faire. C’est à cette question fondamentale qu’est consacré son ouvrage intitulé La religion dans les limites de la simple raison. Kant constate avec lucidité que dans le monde les êtres vertueux ne sont pas toujours heureux et que parfois les méchants prospèrent. Or, du point de vue de l’exigence morale cette réalité est proprement scandaleuse. C’est pourquoi, Kant affirme avec pertinence que l’idée de l’immortalité de l’âme est nécessaire pour fonder la morale. Avec l’idée de Dieu et l’idée de liberté, l’idée de l’immortalité de l’âme est ce que Kant appelle un postulat de la raison pratique, c’est-à-dire une hypothèse nécessaire pour donner du sens à l’existence. Bien qu’il admette l’impossibilité rationnelle de démontrer la réalité de ces postulats, Kant avait probablement foi en eux.
Pour Kant, je peux espérer que dans une vie future, mon action morale coïncide enfin avec l’obtention de mon bonheur. Cependant, Kant refuse l’idée religieuse populaire du Paradis et de l’Enfer jugée trop infantile. Pour lui, l’acte  moral perd sa valeur s’il est uniquement motivé par la peur de l’Enfer ou l’achat du Paradis. A cet égard, Kant distingue subtilement l’acte accompli conformément au devoir de l’acte accompli par devoir, le premier étant intéressé et pas le second. Ainsi, Kant ne dit pas qu’il faut faire le bien sur terre pour être récompensé par le bonheur dans le ciel, mais qu’il faut bien agir dans cette vie pour se rendre digne d’être heureux dans l’autre vie, si tant est qu’elle existe. Ce qui rend la morale kantienne sublime, c’est précisément son caractère gratuit et désintéressé. L’être authentiquement moral est celui qui fait le bien sans même espérer en être récompensé par un bonheur futur. Bref, en agissant par devoir moral, je mérite d’être heureux et je peux espérer atteindre un jour le Souverain Bien, état où la vertu et le bonheur sont enfin conciliés 
Pour Kant, il faut espérer qu’un jour la vertu puisse coïncider avec le bonheur dès notre vie terrestre ici bas. C’est cette espoir qu’il exprime dans son ouvrage politique intitulé Projet de paix perpétuelle.   
          
                                             Jean-Luc  Berlet  

Tag(s) : #Textes des cafés-philo

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