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sceptri grauitate relicta,
Ille pater rectorque deum, cui dextra trisulcis
Ignibus armata est, qui nutu concutit orbem,
850 Induitur faciem tauri mixtusque iuuencis
Mugit et in teneris formosus obambulat herbis.
Quippe color niuis est, quam nec uestigia duri
Calcauere pedis nec soluit aquaticus Auster.
Colla toris exstant, armis palearia pendent ;
Cornua parua quidem, sed quae contendere possis
Facta manu puraque magis perlucida gemma.
Nullae in fronte minae, nec formidabile lumen ;
Pacem uultus habet. Miratur Agenore nata
Quod tam formosus, quod proelia nulla minetur ;
860 Sed quamuis mitem, metuit contingere primo.
Mox adit et flores ad candida porrigit ora.
Gaudet amans et, dum ueniat sperata uoluptas,
Oscula dat manibus ; uix iam, uix cetera differt.
Et nunc alludit uiridique exultat in herba
Nunc latus in fuluis niueum deponit harenis ;
Paulatimque metu dempto, modo pectora praebet
Virginea plaudenda manu, modo cornua sertis
Inpedienda nouis. Ausa est quoque regia uirgo
Nescia, quem premeret, tergo considere tauri,
870 Cum deus a terra siccoque a litore sensim
Falsa pedum primo uestigia ponit in undis,
Inde abit ulterius mediique per aequora ponti
Fert praedam. Pauet haec litusque ablata relictum
Respicit et dextra cornum tenet, altera dorso
Inposita est ; tremulae sinuantur flamine uestes.
 

L'enlèvement d'Europe.

laissant son sceptre auguste,
Le père et souverain des dieux, porteur du foudre
Au triple dard, d’un signe ébranlant l’univers,
Se transforme en taureau, et, mêlé au troupeau,
Mugit et se pavane au milieu du gazon.
Son pelage est de neige intacte, que nul pied
N’a violentée, ni détrempée l’Auster humide.
Cou musculeux, fanons pendant depuis l’épaule,
Cornes certes menues mais qu’on dirait taillées
À la main, d’un éclat plus vif qu’un pur diamant,
Pas de front menaçant ni de regard terrible,
Un visage de paix. La fille d’Agénor,
Ravie qu’il soit si beau et qu’il n’attaque pas,
Malgré tant de douceur hésite à le toucher,
Puis à son mufle blanc tend des fleurs. Lui, joyeux,
Anticipant sur ses plaisirs d’amant, lui baise
Les mains, et peine, peine à différer le reste.
Tantôt il joue, sautant dans l’herbe verte, ou bien
Couchant son flanc neigeux dans l’or fauve du sable
Apprivoise la vierge en offrant tour à tour
Son poitrail à flatter ou sa corne à orner
De guirlandes de fleurs. Même, la princesse ose
Chevaucher le taureau, ignorant qui la porte.
Lors le dieu, s’écartant peu à peu du sol ferme,
Trempe ses pieds trompeurs dans les premières vagues
D’où il emporte au loin sa proie en pleine mer.
Tremblante elle se tourne et voit s’enfuir la rive,
La main droite à sa corne et l’autre sur sa croupe,
Et sa robe frissonne et flotte au gré des vents.

Ovide, Métamorphoses, II, 847-875

L'enlèvement d'Europe.

La mythologie gréco-romaine ne passe pas sous silence ces rapports non consentis ou de séduction imposée. S’y illustre notamment le plus grand séducteur, le plus grand frotteur de l’Olympe, le souverain des dieux, Zeus. Il faut l’art d’un dieu pour courtiser une femme et Zeus choisit ses métamorphoses : taureau blanc aux cornes dorées pour Europe, aigle pour Ganymède, cygne pour Léda, pluie d’or pour Danaé, nuage pour Io, coucou pour Héra. La mythologie nous chante aussi comment les proies pourchassées peuvent échapper aux assiduités de leur poursuivant : végétalisation de Daphné, animalisation de Léda en poisson ou d’Astéria en caille.
Dans l’Antiquité, les frontières entre le divin, l’humain et l’animal étaient floues et perméables au point que le passage d’un état à un autre était tout à fait concevable : sous l’apparence d’un animal, un dieu ; un homme métamorphosé en animal ; un dieu fait homme ou à l’inverse un homme divinisé. On ne sait jamais réellement à qui l’on a affaire, pour le pire mais aussi pour le meilleur. Ces jeux de glissement et de métaphore ont malheureusement cédé la place à la littéralité la plus crue de notre monde contemporain. À raisonner comme les Anciens, n’en conclurions-nous pas que ce serait de sa parenté cellulaire avec le cochon que l’homme se doit d’agir comme un porc ?

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