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Quarante après mai 68, il nous a paru opportun de questionner le rapport de l’artiste à la révolte. Depuis « les poètes maudits » jusqu’à Kurt Cobain en passant par le surréalisme, les artistes ont souvent été associés aux grands mouvements de révolte de la modernité. Faut-il pour autant en conclure que l’artiste est par essence un révolté… ?
Dans la mesure où l’artiste transfigure le réel en créant de nouvelles formes d’existence, on peut considérer tout acte de création artistique comme un acte de révolte métaphysique. C’est précisément parce qu’il le jugeait rebelle à l’ordre établi de la nature que Platon se proposait d’exclure l’artiste de sa Cité idéale décrite dans son livre La République. Platon accuse l’artiste de subvertir le réel en  substituant aux êtres naturels des créations illusoires. Il s’en prend particulièrement aux poètes à l’image d’Homère qu’il accuse d’immoralité. Les poètes maudits, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud se souviendront de l’interdit platonicien que la République Française mettra en vigueur ! Baudelaire et Verlaine participeront aux barricades de 1848, mais c’est Rimbaud qui ira le plus loin dans la subversion du réel à travers les mots…En effet, pour Rimbaud, la poésie se doit d’être une véritable entreprise de démolition du réel. Le poète est le « voyant » qui connaît le secret de alchimique du langage qui permet la transmutation ontologique du réel. Le poète est toujours rebelle à la réalité et à sa stupide trivialité et c’est pourquoi il choisit très souvent la marginalité sociale. Et pour le poète Pierre Emmanuel, fils spirituel de ces poètes maudits, le poète se doit de prendre le point de vue de l’ange rebelle Lucifer contre celui de Dieu !
Ce rapport intime entre la subversion du réel et la révolte sociale sera encore plus marquée dans le mouvement surréaliste. L’art surréaliste se veut provocateur afin d’ébranler la réalité dans son essence la plus intime. Faisant écho à l’évolution générale de l’esprit moderne, héritier tout aussi bien, des expériences esthétiques qui se sont succédées depuis le romantisme, profondément marqué enfin par les répercussions sociales, psychologiques et morales de la grande Guerre, il concerne toute les formes de l’expression artistique, car il prétend remettre en question à la fois la matière, le langage et la signification de l’Art. Avec le surréalisme, le divorce entre l’Art et le beau est consommé et désormais l’artiste se donne pour vocation d’exprimer les tréfonds de son être et pour mission de dénoncer l’absurdité d’un monde qui se prétend raisonnable ! Bref avec le surréalisme la laideur, l’incongru ou l’absurde s’invite dans le temple de l’art à l’image du célèbre urinoir de Marcel Duchamp…
Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent pour déplorer la disparition des artistes rebelles. Dans notre hexagone, le regretté Serge Gainsbourg fait office de dernier grand artiste jugé rebelle, mais en fait Gainsbourg était déjà bien plus un provocateur de génie qu’un véritable rebelle! Le dernier vrai rebelle en matière musicale est certainement Kurt Cobain 1967-1994) du groupe Nirvana. Sa révolte nihiliste clamée dans ses chansons a été assumée jusqu’au bout de son existence à travers son suicide par balle le 5 avril 1994 après une forte dose d’héroïne ! En fait tout se passe comme si notre société de consommation avait aujourd’hui réussi à récupérer le monde artistique ce qui n’est pas tout à fait une bonne nouvelle pour la liberté d’expression…Heureusement qu’il existe une résistance chez des artistes qui refusent de troquer leur originalité créatrice contre l’argent et la gloire. Aujourd’hui ce sont eux les vrais artistes rebelles…

« Je vous remercie tous, depuis le gouffre brûlant de mon estomac nauséeux, pour vos lettres et l’intérêt que vous m’avez accordé ces dernières années. Je suis quelqu’un de trop erratique, de trop instable. Je n’ai plus de passion, alors rappelez-vous : il vaut mieux brûler franchement que s’éteindre à petit feu. Paix, amour, compassion. »  Kurt Cobain
  (extrait de la lettre de suicide de Kurt Cobain)
philosoph’art du 17 /05/ 08, JL Berlet
Tag(s) : #Textes des cafés-philo

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