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« Il y a en nous un désir qui ne cherche pas à être comblé par un objet et il s’agira de veiller sur lui pour ne pas faire de Dieu le bon objet qui pourrait servir à cet usage et combler nos manques. »  J.-Y. Leloup, Notre Père


La Genèse a formulé un interdit qui devait faire couler beaucoup d’encre, mais aussi bon nombre de spéculations hasardeuses : « L’Éternel-Dieu donna un ordre à l’homme, en disant : « Tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir; mais l’arbre de la science du bien et du mal, tu n’en mangeras point: car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir ! » (2, 16-17). S’agit-il bien du trop célèbre péché originel dont Adam et Eve se sont rendus coupables ? Si l’Eglise catholique a tranché ainsi, il n’en va pas de même pour d’autres religions (juive, protestante et musulmane par exemple). Mais avant de poursuivre, une question se pose : pourquoi avoir représenté cet interdit par un arbre ?
L’Arbre, quelque soit la tradition concernée, symbolise l’idée de Cosmos vivant, en perpétuelle régénérescence. En ascension vers le ciel, il évoque tout le symbolisme de la verticalité. Il a trait aussi au cycle de l’évolution cosmique de la mort et de la régénération. L’Arbre met en communication les 3 niveaux du cosmos : le souterrain (ses racines fouillent les profondeurs), la surface de la terre, et les hauteurs (par sa cime, attirée par la lumière du ciel). Des reptiles rampent entre ses racines ; des oiseaux volent dans sa ramure. Les 4 éléments sont réunis dans l’Arbre (terre, sève, oxygène, chaleur de la lumière). Il est, en résumé, le symbole du lien qui relie le ciel à la terre. Le chemin ascensionnel par lequel transite ce qui passe du visible à l’invisible. C’est du lien de l’Homme à Dieu qu’il s’agit donc, à travers l’Arbre. Mais de quel arbre ne faut-il pas manger ? : « Yahvé Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. » (Gn, 2, 9). Il est un arbre bon à manger, celui de l’immortalité. Ce ne saurait être au sens physique, corporel du terme, mais au sens spirituel du terme. L’éternité (résurrection des morts pour les chrétiens, présence à soi, connaissance de soi semblable à celle que Dieu a de Lui-même pour d’autres). Seul l’arbre de la connaissance du bien et du mal a des fruits amers, mortels. Pourquoi ?
Une 1ère interprétation, classique, veut que l’Homme, gérant de la Terre qui lui est confiée, ne doit pas prétendre être seul maître à bord en décidant lui-même le bien et le mal. Non que Dieu se réserve l’omniscience ou le discernement moral, mais la faculté de décider ce qui est bien ou mal. En l’usurpant, l’Homme renie son état de créature. Cette révolte orgueilleuse contre Dieu est exprimée par la transgression du précepte de Yahvé, concernant le fruit amer défendu. Le fruit est-il amer parce qu’il est défendu ? Ou a-t-il été défendu parce qu’il est amer ? Autrement dit, est-ce interdit parce que Dieu en a décidé ainsi, par décret divin ? Ou nous l’a-t-il interdit pour notre bien ? L’hypothèse, plus profonde que la précédente, consiste ici à esquisser le portrait d’un Homme qui, dès l’origine, ne sait pas ce qui est bon pour lui ; il le croit seulement… C’est même, aux dires du rabbin Gilles Bernheim, le fondement et la cause des interdits alimentaires du judaïsme. On ne doit manger que de « l’arbre de vie », qui n’est pas celui de la connaissance du bien et du mal. Si nous voulons que la Vie reste en nous, alors nous ne devons pas manger de la connaissance du bien et du mal. L’amertume de son fruit, ici, revient à vouloir devenir Dieu : « Devenir Dieu ce serait se donner comme référence fondatrice de la loi, comme arbitre du bien et du mal, ce serait dénier la possibilité même d’une loi, et donc d’une humanité viable » (Le souci des autres au fondement de la loi juive). L’Homme arbitre du critère du bien et du mal ne voit pas que la violence est tapie à sa porte. Non qu’Adam et Eve mourront sur-le-champ, comme par un empoisonnement subit, mais la violence et le meurtre vont apparaître à la génération suivante, quand Caïn va tuer son frère Abel. (Il ne supportera pas la différence d’Abel, qui voit son offrande acceptée par Dieu et non la sienne…). Selon Bernheim, les rites alimentaires juifs, ses interdits, reviennent à ne pas manger de ce fruit de la connaissance du bien et du mal : c’est-à-dire à ne pas ramener le monde à soi (nos besoins, nos désirs, notre personne). Ne pas consommer le monde, la relation à l’Autre, à Dieu, comme un objet, un aliment (vampirisme social, religieux, économique…). Rien n’est plus amer, pour nous les humains, que de faire comme Adam et Eve : confondre l’acte de connaître (l’Autre, sa différence, ce qui n’est pas moi), avec l’acte de manger (absorber, réduire à ma dimension, m’approprier…pulvériser la matière en liquide, dont il ne restera rien). Je ne suis pas un ego unique, mon rapport à l’Autre, au monde, ne saurait être immédiat. Je dois m’arrêter, avant de manger, prendre en compte l’Autre. Il y va de ma responsabilité face à l’Autre (qui disparaît de ma vue si je le mange…).
Si ce fruit est si amer, n’est-ce pas parce que nous aurions confondu l’interdit et la prise de conscience voulue de cet interdit ? Encore faut-il en comprendre le bien-fondé, le sens. Manger du fruit défendu de la connaissance du bien et du mal, c’est manger de l’Arbre de Mort. Celui qui nous fait croire que nous devons avoir la vérité. Alors que Dieu veut de nous que nous soyons cette vérité. Etre vrais, et non détenir une/des vérité(s) ! Si nous la mangeons, alors nous n’avons, dramatiquement, rien compris. Nous devons devenir cette vérité : « Yeshoua n’a jamais dit : « J’ai la vérité », mais : « Je suis la vérité », ego eimi aletheia, littéralement : « Je suis éveillé. » La vérité est une vigilance et non un dogme, c’est en ce sens qu’elle nous rend libres », rappelle très judicieusement Jean-Yves Leloup, dans Notre Père. Ce propos du théologien orthodoxe nous donne un tout autre éclairage de ce qui est amer, nocif pour nous dans cet Arbre-là. Le désir qui nous fait chercher Dieu comme un objet, servant à combler nos manques… Il s’agit de rester éveillé, de le devenir, ou de veiller à ce que nous ne cédions pas à un tel mirage. L’Arbre au fruit amer prend alors tout son sens : le fanatique, l’intolérant, le dogmatique, qui bouchent les trous de l’incertitude, de l’angoisse, de leur mortalité par des représentations qui ne sont pas Dieu…
C’est d’un retour à notre unité originelle dont il s’agit ici ; là où notre être coïncide avec Dieu, sans jamais nous l’approprier (comme une idole, un objet ou pire, comme un « père anthropomorphique »). C’est l’Arbre de Vie qu’il nous faut choisir, celui que le Nouveau Testament nommera l’Arbre de la Nouvelle Alliance (arbre de la croix), qui régénère. La Croix, érigée sur une montagne (quel lieu plus révélateur de vérité dans la Bible ?), est symbole de la rédemption : horizontalité et verticalité réunies. Ne pas se réduire à notre évolution biologique (horizontale), mais aussi et surtout psychologique, spirituelle (verticale). Car qu’est-ce qu’un corps physique privé de son corps de lumière, si ce n’est un corps mort ? :

« Je suis ivre non pas de ce que je connais, je suis ivre de tout ce que je ne connais pas. Ce que je connais est fini, ce que je ne connais pas demeure infini. »…

(Marguerite Porete (1250-1310), Miroir des âmes simples et anéanties)
Sabine Le Blanc
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J'évoquerai cette statuette égyptienne, dont le corps est entièrement recouvert d'écritures hiéroglyphiques. Elle représente un dieu guérisseur. Le magicien-thérapeute s'en sert en versant sur la tête de l'idole de l'eau qui lentement ruisselle sur son corps. Le liquide est recueilli au pied de la statue et administré au malade qui consulte. La mémoire de l'eau, était supposée avoir capté le souvenir des lettres que cette eau venait de mouiller. Au demeurant cette mémoire de l'eau n'est-elle pas celle qu'utilise le marabout musulman quand il trempe dans l'eau une feuille couverte d'écriture coranique. Les lettres apparemment effacées par l'opération sont supposées transférées dans la matière liquide et sont ingérées par le malade mental venu consulter. Les exemples de la statuette égyptienne et des peuples sans écriture nous indiquent que le phénomène d'absorption d'écriture - ou son équivalent - n'est pas le propre des cultures monothéistes, surtout sémitiques, mais qu'il est universel, constitutif du fait humain lui-même.
Le christianisme. Apparemment, par le sacrement de l'Eucharistie, la foi chrétienne s'inscrit parfaitement dans ce schéma le fidèle en communiant, n'incorpore-t-il pas le corps du Christ et celui-ci, entant que Verbe incarné, n'a-t-il pas le statut d'écriture ? Mais comment ne pas voir la différence fondamentale entre le liquide où une écriture réelle a trempé et le petit disque de pain azyme que constitue l'hostie, en lequel aucun signifiant concret n'est venu s'inscrire directement ou par une structure rituelle précise ? Le fidèle qui l'avale, se contente d'imaginer incorporer du Verbe. Il y a déconnexion entre la lettre, pensant en garder l'esprit, et son incorporation. À la consommation réelle de la lettre se substitue une incorporation imaginaire. Le christianisme a introduit, peut-être pour la première fois dans l’histoire humaine cette déconnexion entre la lettre, le Livre et les manières de table. Pour le chrétien, tout ce qui est comestible est mangeable sans autre forme de procès, selon son caprice.
Ce régime, qui semble aller de soi, s'appuie en fait sur un texte essentiel du Nouveau Testament, dont n'a pas pris toute la mesure, que l'on désigne comme vision de Pierre actes des apôtres 11.
« En extase j’ai eu une vison : du ciel descendait semblable à une grande nappe qui s'abaissait, tenue aux quatre coins, et elle vint jusqu'à moi. J'y vis les quadrupèdes de la terre, les bêtes sauvages, les reptiles ainsi que les oiseaux du ciel. J'entendis alors une voix me dire: "Allons, Pierre, tue et mange!" Je répondis: "Oh non, Seigneur, car rien de souillé ni d'impur n'entra jamais dans ma bouche." Une seconde fois la voix du ciel reprit: "Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé. »
Par cette vision, Pierre abolissait toutes les règles alimentaires juives structurées comme un Livre. Si je peux manger selon mon caprice, sans règles ni limites que celles de mes goûts, le lien entre l'acte de manger et le signifiant se trouve aboli. Il y a déconnexion entre le symbolique et l'aliment.
Poussant cette logique du refus de manger réellement le Livre, l'Église mettra à l'index la lecture de la Bible, Livre qui la fonde. Quand celle-ci sera à nouveau entreprise, ce sera l'explosion de la Réforme. Néanmoins, comme il faut manger le Livre, celui-ci sera désormais imaginarisé sous la modalité de l'Eucharistie. On ne mange donc pas que des mots, on mange aussi des images, et cela est vrai aussi pour les rites alimentaires juifs et musulmans. C'est l'équilibre entre Imaginaire et Symbolique qui varie et que le christianisme bouleverse.
Cette véritable révolution diététique introduite par le christianisme annonce l'habitus alimentaire de l'homme moderne. L'homme moderne, le sujet de la science, mange-t-il toujours le Livre et lequel ?
Ayant rejeté dans l'ensemble sa croyance en la Révélation, sa référence au Livre est devenue très pâle, souvent inexistante, avec cependant de violents retours de flamme. Que devient alors la loi de l'universalité de l'incorporation de l'écriture ?
Que mange-t-on aujourd'hui ? La cuisine des quatre coins du monde : Le sushi japonais côtoie le couscous berbère, la pizza napolitaine et le curry indien. On mange souvent exotique, c'est-à-dire qu'on incorpore des images. Il arrive aussi, entre jean et cola, - avec un hamburger, de consommer du « rêve américain ». Serions-nous, dès lors, uniquement des dévoreurs d'images, sans rapport avec aucun Livre ?
Le souci de la diététique médicale, des calories, des vitamines, du cholestérol, des oligoéléments, de manger sainement obsède désormais, avec le renfort des campagnes publicitaires, notre rapport à l'aliment. Mais l'essentiel est ailleurs, La disparition de notre référence obligée aux Livres révélés n'a pas laissé derrière elle qu'une terre brûlée. Un autre livre a pris la place, tout aussi impérieux : le livre de la science, c’est le livre que nous mangeons dans nos assiettes. Ce Livre de la science que nous mangeons désormais, avec ses Symboles et son Imaginaire, est le plus universel que l'humanité ait jamais connu, Il uniformise à grands pas l'alimentation planétaire, Pendant que le parisien mange des sushis, le japonais, lui, mange des hamburgers ou des pizzas. Et peut-Étre faut-il considérer certains mouvements contre la malbouffe comme la réaction nostalgique devant la perte des signifiants et des images qui structuraient notre alimentation avec ce sentiment que le Livre de la science, s'introduisant jusque dans notre assiette, a profondément déprimé aussi bien notre rapport au Symbolique que nos facultés imaginatives.

Gen II 16-17 : Vayétsav Adonaï Élohim « al haadam lémor mikol ‘ets hagane akhol tokhél
Oumé’ ets hada’at tov vara’ lo tolkhal miméno ki béyom akholkha mimémou mot tamout.
L’Éternel-Dieu donna un ordre à l’homme, en disant : « Tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir;
mais l’arbre de la science du bien et du mal, tu n’en mangeras point: car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir ! »

Gen III 2-3 : La femme répondit au serpent : « Les fruits des arbres du jardin, nous pouvons en manger;
mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit: Vous n'en mangerez pas, vous n'y toucherez point, sous peine de mourir.
»

L’interdit de manger de l’arbre de la connaissance, ces versets sont interprétés de manière extrêmement réductrice voire magique. Beaucoup après lecture pense que dieu donne un ordre, ne pas manger  un certain arbre comme si tous les arbres du jardin était permit à la consommation à l’exception d’un seul. Malheureusement Eve et Adam aurai transgressé ce seul commandement qui leur aurait été donné. Cette lecture a quelque chose d’insatisfaisant et de magique comme si n’ayant su résister à la seule tentation que le texte indique ici, Adam et Eve nous avaient mit dans un sale pétrin. Ils auraient modifié complètement l’histoire de l’humanité, et pour réparer cela nous auraient donné la Thora avec ses 613 commandements, qui serait comme une manière de réparer une sorte de pécher originel une faute première.
Il faut reconsidérer cette lecture. Après avoir créé l’homme, mais avant d’avoir créé la femme, dieu a donné un ordre à l’Adam, pour qu’il dise, pour qu’il transmette à son tour. Après la création de la femme (hava, l’humanité) il doit transmettre cet ordre. Dans le 3 ème chapitre il est question de la femme qui dialogue avec le serpent. Et qui, suite à cet échange, invite le premier homme, Adam, à manger de l’arbre de la connaissance. Mais si l’on n’oublie pas que la femme n’était pas créée au moment ou l’ordre fut donné, alors on comprend que si la femme commet une erreur, et elle commet une erreur, ne pas manger et ne pas toucher, la femme se trompe dans l'énoncée de l’ordre, S’il y a erreur c’est que l’homme n’a pas transmit l’ordre. La faute s’il y a faute, n’est que le prolongement de la faute engendrée par le déficit de transmission par l’homme à la femme.
Verset 16 ; dieu donne l’ordre pour que l’Adam transmette à son tour. Que doit-il transmettre : « de tous les arbres du jardin manger tu mangeras. ». Ce n’est pas une tolérance, car l’interdit de manger de l’arbre de la connaissance viendrait après, et le reste, toléré, viendrait en second. L’ordre est inversé, manger de tous les arbres tu mangeras, c’est un ordre il n’y a pas lieu de se méfier, il n’y a pas lieu d’avoir de la défiance à l’égard des arbres, de la nature, on pourrait dire à l’égard du monde, de tout ce qui occupe l’espace de la nature. Au contraire il y a devoir de tirer profit, de se faire plaisir.
L’analyse de quoi que ce soit, en terme de morale est une analyse aberrante, est une analyse qui es faussée à la base. On peut se réfugier derrière Spinoza, la notion de bien et de mal sont des « Flatus voïcus » qui n’ont aucun sens. L’inconvénient de l’analyse des catastrophes, le pécher la chute, à partir d’une responsabilité morale, de tout ce qui procède du bien et du mal est aberrent car cela interdit toute analyse. Au lieu de comprendre la morale accuse, met d’un côté les responsables et de l’autre les anges, les innocents et se faisant ne se donne pas le temps, la possibilité matérielle de réfléchir un peu sur ce qui c’est passé. Ce n’est pas une analyse, c’est un refus d’analyse, on juge avant d’avoir examiné ce qui c’est passé. C’est à la fois un fait instinctif, irrationnel qui s’interdit l’esprit d’observation et d’analyse, refus d’exercice critique. C’est une paresse intellectuelle, il est bon et reposant  de s’abandonner à la condamnation des mauvais
À une condition près verset 17, l’arbre de la connaissance, non pas du bien et du mal, mais de la bonne ou de la mauvaise connaissance. « Oumé’ ets hada’at tov vara’ ». Qui est une traduction plus juste du verset, parce que la connaissance peut être bonne, la connaissance peut être mauvaise. Ce n’est pas un objet dont l’arbre serait porteur, une pomme, une grappe de raisin… Il porterait quelque chose de bon ou quelque chose de mauvais qu’il nous appartiendrait de choisir. C’est une bonne ou une mauvaise connaissance, il y a deux formes de connaissance.
« De cela tu ne mangeras pas… » c’est-à-dire que la connaissance tu ne la mangeras pas, parce que si la connaissance tu la mange, alors cette connaissance devient mauvaise et si tu sais ne pas la manger, elle devient bonne.
« mot tamout » mourir tu mourras. On constate que Adam et Eve on manger de l’arbre de la connaissance, et ils ne sont pas morts. Il n’y a pas d’effet magique ce n’est pas un poison qui interrompe la vie, c’est autre chose. La mort n’est pas qu’un phénomène physique, en revanche l’idée de mort est présente, comme une altération qui conduit à la perte. Quelle est la perte le meurtre d’Abel, la méconnaissance comme crime. Adam et Eve on effectivement mangé des fruits de la connaissance, eux ne sont pas mort, mais leur conduite dans l’histoire mène cette dernière au meurtre d’Abel par Caïn et à une sorte de disparition de l’histoire par errance de Caïn. La mort est physique la mort d’Abel, la mort est symbolique et historique l’errance de Caïn.
L’arbre a des racines, il évoque la nature, tout produit de la nature, de manière plus symbolique peut-être l’humain. Il a des racines et chercher a s’élever au dessus de son état de nature. Ne pas mange de l’arbre c’est ne pas manger qu’un arbre, mais cela peut-être aussi le produit de la nature, l’humain. Ne pas manger l’humain, la culture ne dois pas être mangée. Ne pas manger de la connaissance ne pas manger de l’arbre et tout ce que symbolise l’idée d’arbre.
Penser ce que manger veut dire et connaissance veut dire ? Juste l’idée simple de ce que manger et connaître veulent dire dans la mesure ou il est interdit de manger le produit de l’acte de connaître ; la connaissance.
Manger c’est satisfaire un besoin, c’est à dire ramener à soi quelque chose qui est autre que soi pour satisfaire un besoin de vie (y compris la consommation sexuelle, il y a un besoin du corps). Il y a quelque chose d’extérieur à soi qui sert à répondre à des besoins personnels. On ramène ce qui est autre que soi à soi même. Autrement dit, c’est ramener le monde à soi, ramener le monde pour satisfaire son quant à moi. C’est maîtriser le monde (maîtrise, exercer un pouvoir pour faire sien).
Connaître quelque chose est à l’opposé de ce que manger veut dire. Connaître c’est tout le contraire de consommer. Mieux on connaît plus il y a à découvrir. Connaître c’est le contraire de l’appropriation, c’est découvrir sans se l’approprié, sans s’en servir pour satisfaire un besoin personnel.
L’acte de connaître ne peut pas se laisser consommer, ce sont là deux termes antithétique. Il suggère deux termes opposés l’un à l’autre, Il y a un temps pour manger, il y a un temps pour connaître, mais dans l’acte de manger il y a un devoir de connaître, et dans l’acte de connaître une capacité à accepter qu’il y ait aussi de la consommation.

Gen II 23 : Et l’homme dit : « Celle-ci, pour le coup, est un membre extrait de mes membres et une chair de ma chair; celle-ci sera nommée Icha, parce qu'elle a été prise de Ich. »

L’absence de dialogue partagé entre l’Adam et sa femme est à la fois responsable de ce qu’on a appelé la « chute » ou « le péché originel » où se manifestent immédiatement les conséquences du mutisme réciproque, mais aussi de la situation d’emblée conflictuelle des deux fils de ce couple puisque eux aussi vont reproduire le mutisme parental avec cette fois, la conséquence tragique que l’on sait.
Lorsque Dieu demande « où es-tu ? », la question n'interroge pas la possibilité d'un Tu, mais bien la situation où se trouve l'homme, l'imprévisible si mobile qui vient de transgresser un interdit ; et Adam est parfaitement conscient de sa transgression, puisque c'est la peur qui le fait « se dissimuler ». La série des renvois de culpabilité où l’on peut voir l'absence de responsabilité singulière, atteste au contraire d'une culpabilité effective, mais qui ignore encore le sens de la transgression accomplie.
Que le serpent encourage Eve a en manger est moins décisif que ce qui motive son acte :
« La femme jugea que l'arbre était bon comme nourriture, qu'il était attrayant à la vue et précieux pour l'intelligence; elle cueillit de son fruit et en mangea; puis en donna à son époux, et il mangea. » (Genèse III,6);
 par deux fois le texte répète que c'est en obéissant à la représentation qu'Eve se décide, comme l'Adam qui est à ses côtés et reste passif. Tous deux se représentent que les fruits de la connaissance pourraient être « consommables », que la connaissance pourrait faire l'objet d'une appropriation aussi totale que celle de l'ingestion. La connaissance du bien et du mal - pas plus que la connaissance en général - ne peut être un objet qu'on pourrait contrôler et maîtriser entièrement au point de le faire sien en l'intégrant à soi. Il n'y a pas de dénonciation plus directe des limites de l'expérience singulière, c'est-à-dire des limites de la représentation. Que ni l'adam ni Eve n'aient compris le sens du commandement au-delà du seul fait de l'interdit se vérifie, en quelque sorte, dans le dédoublement, selon deux pôles strictement contraires, de leurs enfants : Abel, l'inspiré (vita contemplativa), qui ne parle pas, perdu dans sa contemplation nomade, et Caïn (vita activa), le sédentaire brutal, qui ne voit et ne comprend que ce qu'il fait. À la réduction de la connaissance correspond son dédoublement en deux tendances trop divergentes pour que leur rencontre ne soit pas mortelle. La suite de la Genèse montre comment chaque « Révélation » s'accompagne d'une transgression : l'ivresse de Noé, dont l'un de ses fils profite pour tenter de le réduire à n'être qu'un géniteur et non un père chargé de transmettre autre chose que la vie physique ; la différenciation des peuples et des langues qui suscite immédiatement la régression de Babel.
En quoi consiste le péché qui chasse l’homme du paradis ?
Eve semble condamnée à devoir porter presque seule cette effroyable responsabilité. Mais la passivité de l’adam n’est-elle pas également coupable ? Ne l’est-elle pas surtout et c’est parfaitement remarquable, parce qu’aucune parole n’est échangée entre eux, qu’aucun recours au langage n’a lieu alors qu’il est bien le médium nécessaire à leur action ? Que produit l’absence de parole ? Le régne exclusif de la représentation : « qu'il était attrayant à la vue » Ce n’est pas le jugement qui est en causse, mais la confusion du jugement avec la représentation, donc l’évacuation de la médiation discursive. De plus ce n’est pas la connaissance qui est identifiée avec le péché, mais le fait que cette connaissance, du bien et du mal, puisse être « mangée », c’est-à-dire le fait qu’on veuille se l’approprier sur le mode de l’immédiateté en la faisant sienne, et c’est bien ce qui était explicitement interdit, alors que a discursivité implique le partage et la distance.
La connaissance n'est pas la représentation, pas plus qu'elle ne se laisse approprier ou instrumentaliser ; le jugement n'est pas le signe de la faute, tout au plus est-il celui d'une finitude et c’est là l’amertume. La frustration qu'elle engendre est une autre affaire, comme la nostalgie d'une unité originelle que le texte biblique n'autorise en tout cas pas à reconstruire.
MF
Illustration:
-Chapelle Brancacci: Adam et Evé chassés du Paradis
Masaccio (dit), Tommaso di Giovanni (1401-1428)
-Ouchebti de Sennefer
vers 1400-1300 av JC - Nouvel Empire, fin 18e dynastie (vers 1550-1295)
-Camera Work avril 1910 : Adam et Eve
Eugène Franck (1865-1936)
-Adam et Eve trouvant Abel mort
Bonnat Léon Joseph Florentin (1834-1922)
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