À propos d’objet.
Ne doit-on pas admettre que même si le mot manque le concept d’objet est aussi ancien que la philosophie elle même ? Platon et Aristote ne manquent pas d’analyser le rapport des facultés à leur terme, mais ils ne disposent pas, pour cela d’un vocable autonome. Alors qu’il est absent de l’original grec, ce sont les traducteurs qui l’introduisent, projetant sur les auteurs antiques par une illusion rétrospective, notre vocabulaire latin hérité de la philosophie médiévale.
Exemple Platon : « la soif ne saurait être le désir que de ce dont elle est par nature le désir ». La boisson République IV 437e ; Émile Chambry (1864 1938) traduit : « elle ne saurait être le désir d’autre chose que de son objet naturel »
Objet : nom masculin est emprunté (1370-1:372. object) au latin scolastique objectum, participe passé neutre substantivé du latin classique objicere « jeter devant, placer devant » et « opposer ». Ce verbe est le préfixé de jacere (jeter) en « ob » préverbe et préposition de sens local, « devant, au-devant de », d'ou « en vue de » (au physique et au moral) et « contre » (avec hostilité), « en échange de », L'étymologie de ob n'est pas établie. Objectum, proprement « ce qui est placé devant » est employé avec un qualificatif dans objectum formale « objet formel » par opposition à objectum materiale « objet matériel » il entre, dans la locution objecto habere « avoir pour objet » (Thomas d'Aquin). Il désigne aussi ce qui possède une existence en soi, indépendante de la connaissance ou que l'idée que les sujets pensants en peuvent avoir (Duns Scott), et s'oppose à subjectum (sujet).
Le mot a été introduit par les philosophes médiévaux (Oresme) pour désigner ce qui affecte l’un des cinq sens. Cette acception s'est répandue au XVIe siècle dans l'usage commun, essentiellement restreinte à « ce qui affecte la vue le toucher », bien que Furetière (1690) englobe sous ce terme « ce qui frappe l'odorat, le goût, l’ouïe », Privilégiant la vue. Le XVIe et le XVIIe siècle, ont fait, de objet un synonyme de aspect, apparence, spectacle (d'un Etre ou d'une chose) et l’ont abstrait en « vision, image mentale », par exemple dans la locution à cet objet « à cette vue ». Objet est appliqué à des êtres ou à des choses suscitant un intérêt et un comportement d'ordre affectif, valeur encore vivante et sensible dans des syntagmes déterminés (Etre un objet digne de). Le XVIIe et le XVIIIe siècle, l'ont employé en particulier à propos de la femme, de l'amant ou de l'amante, aussi avec un déterminatif, par exemple dans objet de ma flamme, objet de mon Cœur. - Dans le domaine abstrait, le mot semble d'abord se référer à une réalité mentale, désignant dès les premiers emplois ce qui occupe l'esprit, la pensée, sens introduit lui aussi par Oresme (1370-1372) et qui débouchera d'une part sur une définition philosophique dans son opposition à sujet (av. 1650, Descartes), de l'autre sur des emplois didactiques et courants; objet se rapporte à ce vers quoi tendent l'Etre humain, les désirs, l'action, la volonté, se rapprochant de but dans des locutions comme avoir pour objet, sans objet et remplir son objet ; il concerne ce sur quoi s'exerce l’action ou l’activité de la pensée.
Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que objet commence à se réfère dans l’usage général çà une chose concrète avec le sens courant de « chose de dimension limité et destiné à un certain usage »
Chose
Tout objet ou vivant (non être) que nous pouvons ressentir distinctement est une chose. Une chose est tangible mais aussi représentative dans notre imaginaire. Chose : portion déterminée et impersonnelle de l'univers matériel, susceptible d'une maîtrise humaine.
Cosa.
Le langage courant désigne par ce mot tout ce qui peut être pensé, supposé, affirmé ou nié. C'est le terme le plus général pouvant tenir lieu de tout ce dont on pose l'existence, fixe ou passagère, réelle ou apparente, connue ou inconnue.
Sur Chose.
Chose nom féminin, d'abord cosa, cose puis chose (v. 1125), chose, est issue du latin causa (cause) qui, au contact de res (rien) avec lequel il était souvent employé dans le langage juridique, a reçu les sens d’« affaire» et, plus largement basse époque, de «chose» (d'où aussi l'italien cosa).
Le sens attesté le premier en français est celui de « réalité plus ou moins déterminée par un contexte », parfois avec une acception philosophique pour s'opposer tantôt à apparence, tantôt à idée ou à mot. Chose traduit également (v. 1355) le latin res publica dans l'expression chose publique (république). Son sémantisme flou l'a rendu très tôt apte à rendre des termes divers selon le contexte : ainsi, dès le XIIe siècle, il est employé par euphémisme pour désigner l'acte sexuel ou l'organe sexuel. Au XVIe s, il développe le sens courant de « réalité matérielle non vivante » par opposition à personne et d'«objet non spécifié» par opposition l’objet, servant aussi à désigner une personne dont le nom échappe (plus familièrement machin, truc).
Au pluriel, il englobe tout ce qui a lieu, se fait alors voisin de circonstance ou d'action, ce dont il est question entre les locuteurs (dans c'est la même chose) et ce que l'on dit, comme dans la formule de politesse bien des choses (à qqn).
Dès l'ancien Français, il a fourni plusieurs locutions très usuelles : pas grand-chose (XIIe siècle) substantivée familièrement à propos d'une personne qui ne mérite pas d'être estimée (c'est un, une pas-grand-chose), peu de chose (v. 1174), autre chose (v. 1200), de choses et d'autres (v. 1200) et quelque chose (v. 1300) qui a supplanté l'ancien français auques, issu du latin aliquia avec modification de la finale.
Enfin, depuis le XVIIIe siècle, il se rencontre en emploi adjectival avec une idée de malaise vague : être tout chose (1739).
Le mot français chose et cause viennent tous deux du même mot latin, causa, qui relève du vocabulaire juridique et désigne une affaire où sont en jeu des intérêts, à la fois procès, objet du procès et parties en présence. Causa est souvent joint à ratio et prends alors le sens de causse comme raison, motif, influence, ce que nous appelons causse au sens causal du terme (causa, à cause de…). Par ailleurs, causa est souvent joint à res, pour désigner l’« affaire », les faits de la cause, res qui signifie d’abord le bien familial, la propriété, la richesse confère le sanscrit reva’n, puis l’affaire et l’objet et causa s’affaiblissent et se contaminent pour désigner ensemble ce que nous entendons par chose.
Res, Latin- Français : chose, quelque chose.
Rien ne destinait sans doute le mot latin res à une si longue carrière philosophique, de Cicéron au « réisme » de Brentano, à travers la scolastique latine et la métaphysique scolaire allemande des XVIIe et XVIIe siècles, sinon sa remarquable indétermination initiale. Cette carrière lui aura permis, en passant par la rhétorique, le champ économique, juridique, logique et enfin métaphysique, de se poser non seulement en possible équivalent du terme tenu pour le plus commun : to on « l'être ou l'étant », mais encore de le déborder pour ainsi dire en direction du quelque chose ou rien : aliquid / nihil, jusqu'à s'ériger en terme absolument premier. Tandis que, sur un autre versant sémantique, les dérivés realis, realitas ouvraient le champ de la formalité et de la possibilité.
L'histoire philosophique du mot res est sans doute assez étroitement parallèle à celle du terme grec pragma dont le sens est d'abord juridique et rhétorique. Le pragma désigne le fait ou l'affaire qui doit être discuté, débattu et jugé dans un procès et pas seulement la réalité matérielle et individuelle donnée ou présente immédiatement. C'est pourquoi ce même terme peut aussi caractériser ce qui est visé par un mot ou une proposition, le sens ou l'état de choses dont il est question. Tel est certainement l'usage platonicien du terme dans la lettre VII, 341c : ta pragma auta ne signifie pas la chose en soi, mais bien plutôt l'affaire en question, « les problèmes » débattus ou la « matière » disputée.
les termes arabes say Chose et Say'iyya « choséité » ou mieux « réalité » avaient une histoire propre, tout à fait indépendante du Pragma aristotélicien, et liée aux débats de la théologie islamique sur l'inexistant dont on trouve encore un écho, après Avicenne, chez Sahrastani (Iranien musulman du XIIe siècle) « L'inexistant est-il une chose ou non », mais dont l'arrière-plan plus lointain renvoie à Al-Kindi et Al-Farabi et aux positions du kalam mu'tazilite pour lequel la chose est ce qui est connu et pour qui tout inexistant est une chose.
C'est également à partir de cette ontologie formelle, centrée sur la chose, telle qu'elle s'élabore à partir d'Al-Farabi et d'Ibn Sina, que se développe, hors des cadres épistémologiques, l'algèbre comme science commune à l'arithmétique et à la géométrie ; faisant intervenir à titre d'inconnu la « chose », res (al-Say') qui peut désigner indifféremment un nombre ou une grandeur géométrique. Se dessinent ainsi les linéaments d’une nouvelle ontologie où l’on peut parler d’un objet sans caractères déterminés, le connaître même, mais non le représenter exactement. Dans les traductions latines XIIIe siècle de l’algèbre arabe le terme qui sera finalement retenu pour désigner l’inconnu et res (res ignora) tandis que dans les mathématiques italienne ne langue vulgaire le mot cosa sera retenu.
La différence entre l’objet et la chose c’est que l’objet pour être un objet qui ne pourrait être nommé, c’est-à-dire que c’est une réalité. Alors que la chose est une chose parce qu’elle est nommée avec un nom. Mais si elle est nommée avec un nom, c’est qu’à un certain moment, il vas pouvoir y avoir un échange. Passe-moi le verre, l’objet dont on parle à un nom. Si les objets non plus de nom ou que le nom ne coïncide pas avec l’objet, les objets ne sont plus des choses. Ils ne peuvent plus rentrer en circulation, ils deviennent statiques.
La nomination c’est faire en sorte que les objets n’existent pas comme objet mais comme chose, c’est-à-dire nommable ça veut dire qu’elle entre dans une conscience.
Un nom que l’on ne peut pas prononcer n’est pas un nom ou alors c’est une réalité innommable. Je prends cet objet, tant que je prends cet objet que je n’ai pas nommé, c’est une réalité. Si je vous demande qu’est ce que c’est ? La réponse est c’est un … le mot… est un nom qui nomme la réalité. La réalité elle-même est silencieuse, c’est un existant et j’ai besoin de le nommer.
La réalité à un nom, elle permet de transmettre, on entre dans l’histoire. Entrer dans l’histoire, c’est transmettre la façon dont les réalités existent non pas en tant qu’objet, mais en tant qu’objet nommé donc de chose, donc transmissible par le langage. La parole est la chose, un mot n’est pas une chose, mais les deux sont de l’ordre de la transmission. La Parole, le discours c’est la circulation des choses.
Qu’est ce que c’est que la nomination ? C’est faire en sorte que les choses n’existent pas comme objet mais comme chose, c’est à dire nommable. Ca veut dire quoi nommable ? Quelle rentre dans une conscience.
Ne doit-on pas admettre que même si le mot manque le concept d’objet est aussi ancien que la philosophie elle même ? Platon et Aristote ne manquent pas d’analyser le rapport des facultés à leur terme, mais ils ne disposent pas, pour cela d’un vocable autonome. Alors qu’il est absent de l’original grec, ce sont les traducteurs qui l’introduisent, projetant sur les auteurs antiques par une illusion rétrospective, notre vocabulaire latin hérité de la philosophie médiévale.
Exemple Platon : « la soif ne saurait être le désir que de ce dont elle est par nature le désir ». La boisson République IV 437e ; Émile Chambry (1864 1938) traduit : « elle ne saurait être le désir d’autre chose que de son objet naturel »
Objet : nom masculin est emprunté (1370-1:372. object) au latin scolastique objectum, participe passé neutre substantivé du latin classique objicere « jeter devant, placer devant » et « opposer ». Ce verbe est le préfixé de jacere (jeter) en « ob » préverbe et préposition de sens local, « devant, au-devant de », d'ou « en vue de » (au physique et au moral) et « contre » (avec hostilité), « en échange de », L'étymologie de ob n'est pas établie. Objectum, proprement « ce qui est placé devant » est employé avec un qualificatif dans objectum formale « objet formel » par opposition à objectum materiale « objet matériel » il entre, dans la locution objecto habere « avoir pour objet » (Thomas d'Aquin). Il désigne aussi ce qui possède une existence en soi, indépendante de la connaissance ou que l'idée que les sujets pensants en peuvent avoir (Duns Scott), et s'oppose à subjectum (sujet).
Le mot a été introduit par les philosophes médiévaux (Oresme) pour désigner ce qui affecte l’un des cinq sens. Cette acception s'est répandue au XVIe siècle dans l'usage commun, essentiellement restreinte à « ce qui affecte la vue le toucher », bien que Furetière (1690) englobe sous ce terme « ce qui frappe l'odorat, le goût, l’ouïe », Privilégiant la vue. Le XVIe et le XVIIe siècle, ont fait, de objet un synonyme de aspect, apparence, spectacle (d'un Etre ou d'une chose) et l’ont abstrait en « vision, image mentale », par exemple dans la locution à cet objet « à cette vue ». Objet est appliqué à des êtres ou à des choses suscitant un intérêt et un comportement d'ordre affectif, valeur encore vivante et sensible dans des syntagmes déterminés (Etre un objet digne de). Le XVIIe et le XVIIIe siècle, l'ont employé en particulier à propos de la femme, de l'amant ou de l'amante, aussi avec un déterminatif, par exemple dans objet de ma flamme, objet de mon Cœur. - Dans le domaine abstrait, le mot semble d'abord se référer à une réalité mentale, désignant dès les premiers emplois ce qui occupe l'esprit, la pensée, sens introduit lui aussi par Oresme (1370-1372) et qui débouchera d'une part sur une définition philosophique dans son opposition à sujet (av. 1650, Descartes), de l'autre sur des emplois didactiques et courants; objet se rapporte à ce vers quoi tendent l'Etre humain, les désirs, l'action, la volonté, se rapprochant de but dans des locutions comme avoir pour objet, sans objet et remplir son objet ; il concerne ce sur quoi s'exerce l’action ou l’activité de la pensée.
Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que objet commence à se réfère dans l’usage général çà une chose concrète avec le sens courant de « chose de dimension limité et destiné à un certain usage »
Chose
Tout objet ou vivant (non être) que nous pouvons ressentir distinctement est une chose. Une chose est tangible mais aussi représentative dans notre imaginaire. Chose : portion déterminée et impersonnelle de l'univers matériel, susceptible d'une maîtrise humaine.
Cosa.
Le langage courant désigne par ce mot tout ce qui peut être pensé, supposé, affirmé ou nié. C'est le terme le plus général pouvant tenir lieu de tout ce dont on pose l'existence, fixe ou passagère, réelle ou apparente, connue ou inconnue.
Sur Chose.
Chose nom féminin, d'abord cosa, cose puis chose (v. 1125), chose, est issue du latin causa (cause) qui, au contact de res (rien) avec lequel il était souvent employé dans le langage juridique, a reçu les sens d’« affaire» et, plus largement basse époque, de «chose» (d'où aussi l'italien cosa).
Le sens attesté le premier en français est celui de « réalité plus ou moins déterminée par un contexte », parfois avec une acception philosophique pour s'opposer tantôt à apparence, tantôt à idée ou à mot. Chose traduit également (v. 1355) le latin res publica dans l'expression chose publique (république). Son sémantisme flou l'a rendu très tôt apte à rendre des termes divers selon le contexte : ainsi, dès le XIIe siècle, il est employé par euphémisme pour désigner l'acte sexuel ou l'organe sexuel. Au XVIe s, il développe le sens courant de « réalité matérielle non vivante » par opposition à personne et d'«objet non spécifié» par opposition l’objet, servant aussi à désigner une personne dont le nom échappe (plus familièrement machin, truc).
Au pluriel, il englobe tout ce qui a lieu, se fait alors voisin de circonstance ou d'action, ce dont il est question entre les locuteurs (dans c'est la même chose) et ce que l'on dit, comme dans la formule de politesse bien des choses (à qqn).
Dès l'ancien Français, il a fourni plusieurs locutions très usuelles : pas grand-chose (XIIe siècle) substantivée familièrement à propos d'une personne qui ne mérite pas d'être estimée (c'est un, une pas-grand-chose), peu de chose (v. 1174), autre chose (v. 1200), de choses et d'autres (v. 1200) et quelque chose (v. 1300) qui a supplanté l'ancien français auques, issu du latin aliquia avec modification de la finale.
Enfin, depuis le XVIIIe siècle, il se rencontre en emploi adjectival avec une idée de malaise vague : être tout chose (1739).
Le mot français chose et cause viennent tous deux du même mot latin, causa, qui relève du vocabulaire juridique et désigne une affaire où sont en jeu des intérêts, à la fois procès, objet du procès et parties en présence. Causa est souvent joint à ratio et prends alors le sens de causse comme raison, motif, influence, ce que nous appelons causse au sens causal du terme (causa, à cause de…). Par ailleurs, causa est souvent joint à res, pour désigner l’« affaire », les faits de la cause, res qui signifie d’abord le bien familial, la propriété, la richesse confère le sanscrit reva’n, puis l’affaire et l’objet et causa s’affaiblissent et se contaminent pour désigner ensemble ce que nous entendons par chose.
Res, Latin- Français : chose, quelque chose.
Rien ne destinait sans doute le mot latin res à une si longue carrière philosophique, de Cicéron au « réisme » de Brentano, à travers la scolastique latine et la métaphysique scolaire allemande des XVIIe et XVIIe siècles, sinon sa remarquable indétermination initiale. Cette carrière lui aura permis, en passant par la rhétorique, le champ économique, juridique, logique et enfin métaphysique, de se poser non seulement en possible équivalent du terme tenu pour le plus commun : to on « l'être ou l'étant », mais encore de le déborder pour ainsi dire en direction du quelque chose ou rien : aliquid / nihil, jusqu'à s'ériger en terme absolument premier. Tandis que, sur un autre versant sémantique, les dérivés realis, realitas ouvraient le champ de la formalité et de la possibilité.
L'histoire philosophique du mot res est sans doute assez étroitement parallèle à celle du terme grec pragma dont le sens est d'abord juridique et rhétorique. Le pragma désigne le fait ou l'affaire qui doit être discuté, débattu et jugé dans un procès et pas seulement la réalité matérielle et individuelle donnée ou présente immédiatement. C'est pourquoi ce même terme peut aussi caractériser ce qui est visé par un mot ou une proposition, le sens ou l'état de choses dont il est question. Tel est certainement l'usage platonicien du terme dans la lettre VII, 341c : ta pragma auta ne signifie pas la chose en soi, mais bien plutôt l'affaire en question, « les problèmes » débattus ou la « matière » disputée.
les termes arabes say Chose et Say'iyya « choséité » ou mieux « réalité » avaient une histoire propre, tout à fait indépendante du Pragma aristotélicien, et liée aux débats de la théologie islamique sur l'inexistant dont on trouve encore un écho, après Avicenne, chez Sahrastani (Iranien musulman du XIIe siècle) « L'inexistant est-il une chose ou non », mais dont l'arrière-plan plus lointain renvoie à Al-Kindi et Al-Farabi et aux positions du kalam mu'tazilite pour lequel la chose est ce qui est connu et pour qui tout inexistant est une chose.
C'est également à partir de cette ontologie formelle, centrée sur la chose, telle qu'elle s'élabore à partir d'Al-Farabi et d'Ibn Sina, que se développe, hors des cadres épistémologiques, l'algèbre comme science commune à l'arithmétique et à la géométrie ; faisant intervenir à titre d'inconnu la « chose », res (al-Say') qui peut désigner indifféremment un nombre ou une grandeur géométrique. Se dessinent ainsi les linéaments d’une nouvelle ontologie où l’on peut parler d’un objet sans caractères déterminés, le connaître même, mais non le représenter exactement. Dans les traductions latines XIIIe siècle de l’algèbre arabe le terme qui sera finalement retenu pour désigner l’inconnu et res (res ignora) tandis que dans les mathématiques italienne ne langue vulgaire le mot cosa sera retenu.
La différence entre l’objet et la chose c’est que l’objet pour être un objet qui ne pourrait être nommé, c’est-à-dire que c’est une réalité. Alors que la chose est une chose parce qu’elle est nommée avec un nom. Mais si elle est nommée avec un nom, c’est qu’à un certain moment, il vas pouvoir y avoir un échange. Passe-moi le verre, l’objet dont on parle à un nom. Si les objets non plus de nom ou que le nom ne coïncide pas avec l’objet, les objets ne sont plus des choses. Ils ne peuvent plus rentrer en circulation, ils deviennent statiques.
La nomination c’est faire en sorte que les objets n’existent pas comme objet mais comme chose, c’est-à-dire nommable ça veut dire qu’elle entre dans une conscience.
Un nom que l’on ne peut pas prononcer n’est pas un nom ou alors c’est une réalité innommable. Je prends cet objet, tant que je prends cet objet que je n’ai pas nommé, c’est une réalité. Si je vous demande qu’est ce que c’est ? La réponse est c’est un … le mot… est un nom qui nomme la réalité. La réalité elle-même est silencieuse, c’est un existant et j’ai besoin de le nommer.
La réalité à un nom, elle permet de transmettre, on entre dans l’histoire. Entrer dans l’histoire, c’est transmettre la façon dont les réalités existent non pas en tant qu’objet, mais en tant qu’objet nommé donc de chose, donc transmissible par le langage. La parole est la chose, un mot n’est pas une chose, mais les deux sont de l’ordre de la transmission. La Parole, le discours c’est la circulation des choses.
Qu’est ce que c’est que la nomination ? C’est faire en sorte que les choses n’existent pas comme objet mais comme chose, c’est à dire nommable. Ca veut dire quoi nommable ? Quelle rentre dans une conscience.