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Le dandy doit aspirer à être sublime sans interruption, il doit vivre et dormir devant un miroir. 
Charles Baudelaire

On définit le dandy comme un homme se voulant élégant et raffiné avec une touche d’esprit et d’impertinence. Le terme a pour le moins une origine obscure et je m’en tiendrai ici à deux sources possibles. La première serait américaine et renvoie au surnom donné aux propriétaires de poneys avec des habits ornés avant la révolution américaine. La seconde retenue par Salvatore Schiffer est écossaise et fait allusion au mot valise de « dandle » et « andy » désignant dejeunes gens en tenue excentrique à la fin du 18e siècle. Salvatore Schiffer, le biographe d’Oscar Wilde fut le premier à théoriser le dandysme avec notamment son excellent livre «Le dandysme, dernier éclat d’héroïsme». Le dandysme est apparu en Francedans le climat anglophile de la Restauration. Charles Baudelaire, Eugène Sue et Barbey d’Aurevilly en furent les principaux représentants français. Cependant, le dandysme français n’atteindra jamais la « pureté » du dandysme anglais incarné surtout par le trio Brummel, Wilde, Byron ! Le chef d’œuvre romanesque du dandysme est selon moi incontestablement « Le portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde... Mais venons-en à notre question du jour : le dandysme est-il masculin ? En quoi le dandysme serait-il un phénomène typiquement masculin ? Le fait est qu’à son origine le dandysme est un phénomène masculin et qu’il faudra attendre le 20e siècle pour voir apparaître les premières « dandys » comme Andrée Putman, Lou de Testa ou Marlène Dietrich. C’est d’ailleurs cette dernière affichant une élégance en pantalons et cheveux courts qui m’indique la réponse à la question. Tout comme l’homme est amené à se « féminiser » pour devenir un dandy, la femme serait amenée à se « masculiniser » pour devenir une dandy. D’une certaine manière, la femme – est un « dandy naturel » ce qui frise avec l’oxymore, car le dandysme est précisément un phénomène artificiel. Le dandy est justement l’homme coquet qui passe beaucoup de temps à faire sa toilette et à choisir ses parures tout en adoptant des gestes empreints de délicatesse féminine. Or, jusqu’à une époque récente, l’équivalent féminin du dandysme était socialement inconcevable, car jugé au plus haut point inconvenant. Dans le passé, être dandy pour une femme aurait été d’être une guerrière. Jeanne d’Arc serait en ce sens la première « dandy », payant cet affront de sa jeune vie sur un bûcher anglais... On peut aussi se demander jusqu’à quel point la geisha japonaise n’a pas été une sorte de surenchère féminine du dandy. Car, qu’est-ce qu’une geisha, sinon une femme qui sublime sa féminité jusqu’à son paroxysme ? La tendance androgyne qui s’invite de plus en plus dans le monde de la mode semble aujourd’hui ouvrir la voie à l’émergence d’un véritable dandysme féminin. Le temps est venu où la femme peut pleinement assumer sa part de masculinité tout en restant féminine et séduisante à l’image de la sportive de haut niveau, de l’actrice de cinéma avec son revolver ou même de la « bodybuildeuse ». Comme nous l’enseigne le beau symbole sphérique du Tao, il y a un peu de Yin dans le Yang et un peu de Yang dans le Yin. Or, aujourd’hui, c’est une évidence que l’homme tend à se féminiser et la femme à se masculiniser. À l’aune de ce constat, j’en viens à me demander si finalement le dandysme n’est pas en son essence même une protestation contre la frontière séparant trop catégoriquement les sexes?

Bibliographie:

Alain Montandon, l’honnête homme et le dandy

Salvatore Schiffer, Le dandysme, dernier éclat d’héroïsme.

Jean-Luc Berlet 

(café-philo du 12/02/13)

Robert de Montesquiou.
Portrait par Giovanni Boldini 1897.
Paris, Musée d'Orsay.

Robert de Montesquiou.
Portrait par Giovanni Boldini 1897.
Paris, Musée d'Orsay.

Répondre à la question n’est pas chose aisée et fait l’objet de nombreux débats et les définitions du dandysme varient considérablement d’une personne à une autre. Sans faire une historiographie du dandysme, voici de premières pistes de réflexion qui vous permettront de vous forger une opinion. Si nous prenons la définition du dandysme au sens strict du terme, le dandysme ne concernerait que les hommes… puisque comme l’indique Françoise Coblence dans l’article « DANDYSME » (Encyclopædia Universalis) l’étymologie du terme « dandy » ouvre d’emblée un espace d’incertitude. L’Académie n’accueille qu’en 1878 ce néologisme venu d’Angleterre. Selon les Anglais, dandy pourrait dériver du français dandin (sot, niais), de dandiprat (nain, pièce de menue monnaie), de dandelion (ou dent-de-lion, pissenlit), du verbe to dandle, se dandiner, ou du prénom Andrew. Quoi qu’il en soit, le mot apparaît en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle, et les étymologies attestent les échanges franco-britanniques qui caractérisent le dandysme au XIXe siècle.

En rupture avec la tradition d’élégance incarnée en Angleterre par les Beaux sur la scène de la Restauration autour de Charles II (1630-1685), le premier dandysme, celui de Brummell, apparaît comme l’invention d’un personnage absolument original, irréductible au courtisan ou à l’honnête homme (…) Dans les premières années du XIXe siècle, Brummell règne sur la bonne société et impose une mode vestimentaire d’une grande rigueur et d’une extrême sobriété, répondant au principe que « pour être bien mis, il ne faut pas être remarqué » (…) Le premier dandy s’avère un personnage déroutant, flegmatique et apathique, maniant davantage l’humour que la bouffonnerie romantique, préférant les ruses du minuscule et du presque rien à la démesure ou à l’excentricité. Mettant, comme le voudra Oscar Wilde, « son génie dans sa vie », montrant un personnage fragile et éphémère, Brummell présente une identité incertaine d’elle-même, qui dénonce toute permanence de l’œuvre ou de la subjectivité. Son dandysme est une succession de poses discontinues et détachées qui a besoin de l’espace public pour apparaître.
Barbey d’Aurevilly et Baudelaire transforment le personnage en type idéal, modifiant profondément l’invention de Brummell. Le passage par la littérature contribue à effacer la spécificité du dandysme par rapport au romantisme, même si Barbey d’Aurevilly a vu en Brummell le seul dandy, celui qui ne fut que dandy, indigent dans sa pureté même (Du dandysme et de George Brummell, 1845 et 1861 pour la seconde édition). La permanence de l’écriture donne une profondeur à cette indigence, transforme la frivolité en spiritualité, fait de l’élégance une doctrine rigoureuse, une quasi-religion qui, selon la formulation de Baudelaire, « confine au stoïcisme »…

 

Pour autant, tous les spécialistes ne s’accordent pas avec une semblable définition et l’on peut s’interroger sur le fait de savoir si une femme peut être Dandy. Les opinions divergent puisque pour certains la femme ne peut pas être dandy, celui-ci étant posé comme anti-féministe et défendu par des personnes aux positions misogynes comme Charles Baudelaire. Pour d’autres l’on peut retrouver dans certaines figures de femmes illustres l’image même du dandy avec par exemple Élisabeth de Gramont (23 avril 1875 à Nancy et morte le 6 décembre 1954 à Paris). Néanmoins, tous s’accordent pour dire qu’il est difficile de définir une incertitude. 

 

Dans Le dandysme, dernier éclat d’héroïsme, Daniel Salvatore Schiffer consacre un chapitre au « féminin du Dandy » et pose la question : y a-t-il, aujourd’hui des femmes dandys, à l’instar, autrefois, d’une Mme de Sévigné, d’une George Sand, d’un Sarah Bernhardt, d’une Lilie Langtry (confidente d’oscar Wilde et maîtresse du prince de Galle), d’une Lou Andreas-salomé (égérie successivement, de Nietzsche, Rilke et Freud), d’une Clara Schumann (épouse de Robert, amie de Goethe et muse de Brahms), d’une Cosima Wagner (épouse de Richard Wagner et fille de Franz Liszt) ou d’une Alma Mahler (épouse de Gustave Mahler).
Cette interrogation, se pose à travers l’énigmatique et sexuellement très indéterminée figure de l’androgyne : « le dandy semble être une affaire d’hommes. Alors même que Barbey considérait ces figures de « natures doubles et multiples, d’un sexe intellectuellement indécis, où la grâce est plus la grâce encore dans la force et où la force se retrouve encore dans la grâce ; androgynes de l’histoire… » le masculin l’emporte sur le féminin. L’indécision du sexe, le « trouble lié au genre, font toujours basculer du côté mâke (faire). » Le dandy serait-il donc nécessairement un androgyne masculin ? Voilà un fameux paradoxe dandy. Et pas des moindres ? Et, pourtant, les exemples illustres ne manquent pas ; de Gertrude Stein à Patti Smith, nombreuses sont les femmes singulières, provocantes, égotistes et aristocrates qui pourraient remplir la fonction avec brio. Or l’analogie n’est quasiment jamais utilisée et la comparaison à peine énoncée. L’adjectif dandy, encore aujourd’hui, ne s’accommode guère du genre féminin. Et pourquoi ? En quoi y aurait-il une part irréductible du dandy qui résisterait aux femmes ? Les femmes dandys existent, quoique leur nombre en soit là aussi, tout comme chez les hommes assez réduit !

Lou Andreas-Salomé en 1914.

Lou Andreas-Salomé en 1914.

Du point de vue de la grammaire.

Source : Grevisse, le bon usage, grammaire française
§ 476 c Il s’agit de noms connaissant la variation en genre d’après le sexe de la personne désignée.

1° Le masculin est employé dans les circonstances où ils visent aussi bien des êtres masculins que des êtres féminins, ou même, quand, désignant une femme en particulier, on veut la ranger dans une catégorie où il y a des hommes aussi bien que des femmes. [...]

Il faut en tout cas rappeler que le genre grammatical masculin n’est pas uniquement l’expression du sexe masculin, mais qu’il sert aussi de genre commun, de genre neutre, de genre asexué. On le voit bien notamment dans l’évolution de personne : nom féminin --> pronom masculin. [...]

La mise en gras de deux extraits (circonstances..., genre...) est de mon fait, tandis que le reste respecte à peu près la typographie du Grevisse.

 

GREVISSE (n° 455)
Le neutre existe t-il en français ?
Si on le considère comme une forme particulière du nom ou de l’adjectif, la réponse est négative. Là où le latin distinguait Hic est bonus « celui-ci est bon » de Hoc est bonum « ceci est bon », le français n’a qu’une seule forme « bon » (qui est celle du masculin).

Du point de vue sémantique, on observe que le français attribue certaines formes particulières des pronoms à l’expression de l’inanimé : ce, ceci, cela, opposés à celui-ci, celui-là ; quoi interrogatif opposé à qui ; etc. Sans doute les mots qui s’accordent avec ce, quoi, etc. se mettent-ils au masculin, qui est en français la forme différenciée, mais il ne parait pas légitime d’appeler ces formes des neutres.

Des catégories comme l’infinitif et la proposition conjonctive sont normalement étrangères à la notion de genre (et aussi de nombre) et l’appellation de neutre leur convient assez bien, quoique les adjectifs qui s’accordent avec eux soient au masculin : « Mentir est odieux. »

Dictionnaire de linguistique Larousse.
En français, l’opposition entre animé et non-animé apparaît dans les pronoms : quelqu’un/quelque chose, qui ? /que? quoi? etc. Ainsi certains grammairiens ont-ils soutenu l’existence du neutre en français.

1- La notion de neutre, qui n’est pas admise unanimement, est limitée à certains termes ou groupes, essentiellement grammaticaux et ressortissant tous au non-animé.

2 La  conséquence grammaticale de la notion de neutre est limitée : elle se manifeste uniquement quant à l’accord et celui-ci se fait au seul masculin singulier, que l’on appelle le genre indifférencié. Vous savez en effet que, lorsque les donneurs sont l’un masculin et l’autre féminin, c’est le premier qui est donneur.

3 Il n’y a pas lieu de disserter sur les noms non-animés qui, au choix (après-midi) ou selon le contexte, l’emploi ou la syntaxe (orgue), sont tantôt masculins, tantôt féminins. Ce sont les noms à double genre. On ne peut pas parler ici de neutre.

4 C’est pareil pour les noms épicènes (animés), à savoir :
a) ceux qui peuvent avoir deux genres selon le sexe : un/une enfant, un/une élève, outre concierge, choriste, pianiste, etc. ;
b) ceux qui n’ont qu’un genre, quel que soit le sexe : soit le masculin (ange), soit le féminin (canaille).
Il n’est toujours pas question de neutre.

Par exemple aussi, des pronoms personnels (je, tu, nous, vous) sont donneurs de genre selon le contexte et sont épicènes.
La notion d’épicène est enfin applicable aux adjectifs qui ont la même forme pour les deux genres : immuable. (Ceux qui se terminent déjà par E au masculin.)
Pas question de neutre non plus.

Conclusion: On évitera de confondre :
– les termes (surtout pronoms) qui peuvent être considérés comme neutres,
– les noms non-animés à double genre,
– les épicènes (noms animés, pronoms et adjectifs).

 

Un nom épicène, du latin epicoenus dérivé du grec ancien ἐπίκοινος « possédé en commun », qualifie un nom non marqué du point de vue du genre grammatical. Est épicène un nom bisexué pouvant être employé indifféremment au masculin ou au féminin.

 

Effectivement, voici à ce propos un extrait d’une Déclaration de l’Académie française, datant du 14 juin 1984 

 

[...] Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces vocables hérités de l’ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué.

Le genre dit couramment « masculin » est le genre non marqué, qu’on peut appeler aussi extensif en ce sens qu’il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont mortels », « cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont été reçus à l’examen », etc., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l’opposition des sexes n’est pas pertinente et qu’on peut donc les confondre.

En revanche, le genre dit couramment « féminin » est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux êtres animés, institue entre les sexes une ségrégation. [...]

James Tissot , Le cercle de la rue royale, 1868, Musée d'Orsay

James Tissot , Le cercle de la rue royale, 1868, Musée d'Orsay

Le Dandy, la vie, la mort.

 

Le dandy n’est pas que le symbole de « la supériorité aristocratique » pour reprendre Baudelaire. Être dandy c’est aussi appartenir au club des suicidés, « la vie de chacun de ses membres n’est que l’exercice d’un suicide permanent ». Le culte de soi finit paradoxalement par se confondre avec la suppression de soi. « Par-delà l’artiste, qui cherche encore à créer, il (Baudelaire) a projeté un idéal social de stérilité absolue où le culte du moi s’identifie à la suppression de soi même... le suicide est le suprême sacrement du dandysme. » Baudelaire JP Sartre. Et Michel Butor d’écrire dans Histoire extraordinaire : essai sur un rêve de Baudelaire : « le dandysme, forme moderne du stoïcisme, est finalement une religion dont le seul sacrement est le suicide. » Butor paraphrasant Baudelaire qui dans Fusées XXII écrit : 

« Peuples civilisés, qui parlez toujours sottement de Sauvages et de Barbares, bientôt, comme dit d’Aurevilly, vous ne vaudrez même plus assez pour être idolâtres. 

Le stoïcisme, religion qui n’a qu’un sacrement : le suicide ! »

Le dandysme comme esthétique de la disparition. Le dandy est plus hanté par l’idée du suicide que par l’idée de la mort. Louis II de Bavière esthète parmi les esthètes préféra se noyer dans un lac que d’avoir à subir la loi des médecins l’ayant déclaré fou.

Cette tentation du suicide n’est pas spécifiquement masculine. La littérature du XXe nous offre de magnifiques femmes dandys. Françoise Sagan : « La seule chose que je trouve convenable – si on veut échapper à la vie de manière un peu intelligente –, c’est l’opium. » Virginia Woolf, « J’ai la certitude que je vais devenir folle : je sens que nous ne pourrons pas supporter encore une de ces périodes terribles. Je sens que je ne m’en remettrai pas cette fois-ci. Je commence à entendre des voix et ne peux pas me concentrer. Alors je fais ce qui semble être la meilleure chose à faire. Tu m’as donné le plus grand bonheur possible... Je ne peux plus lutter, je sais que je gâche ta vie, que sans moi tu pourrais travailler. » Lettre de suicide à son mari.

Paradoxe du dandysme, son culte du moi et son éloge de la vie contre l’irrésistible « pulsion de mort ». Le paraître ne se révèle finalement au sein du dandysme, qu’une sorte de préambule esthétique et comme sublimé, sinon au disparaître lui même, du moins à la disparition de l’Être en tant que tel. « C’est un moi insatiable du non-moi qui a chaque instant, le rend et l’exprime en images plus vivantes que la vie elle-même, toujours instable et fugitive. » Le peintre et la vie moderne Baudelaire. Le dandysme est la plus haute forme de la conscience de soi, mais paradoxalement un sommet de l’individualisme conduisant à une tentative d’annihilation totale du moi comme du monde. On peut ainsi se référer au héros, Johannes, du journal d’un séducteur de Kierkegaard, observant que l’essence du dandysme procède de cette volonté de s’inventer ex nihilo un destin, de sculpter sa propre statue devant l’éternel. Un dandy qui finit bien ne peut en être tout à fait un. Le dandy « incarne pour son temps la figure de proue insensible aux tempêtes, et trace en un style de vie servant d’exemple, son orgueilleux chemin vers l’horizon de sa mort, indifférents aux dires et aux faires de ce qui se targue de le suivre. » Françoise Dolto , le Dandy, solitaire et singulier.

Baudelaire par Etienne Carkat.

Baudelaire par Etienne Carkat.

Le dandysme est une métaphysique des apparences, en cela la femme devient une sorte de modèle.

« La femme est bien dans son droit, et même elle accomplit une espèce de devoir en s’appliquant à paraître magique et surnaturelle : il faut qu’elle étonne, qu’elle charme ; idole, elle doit se dorer pour être adorée, elle doit donc emprunter à tous les arts les moyens de s’élever au-dessus de la nature pour mieux subjuguer les cœurs et frapper les esprits... C’est dans ces considérations que l’artiste philosophe trouvera facilement la légitimation de toutes les pratiques employées dans tous les temps par la femme pour consolider et diviniser, pour ainsi dire, sa fragile beauté... Laquelle rapproche immédiatement l’être humain de la statue, c’est-à-dire d’un être divin supérieur. » Le peintre et la vie moderne.

Rien de surprenant si, à partir de semblable conception de la femme et du maquillage, le dandy, dont l’une des occupations est ce jeu avec les apparences, développe en lui quelque chose, sinon d’efféminé, du moins de féminins à l’image de l’éphèbe de l’antiquité. Aussi le binarisme sexuel se voit-il annihilé, dans une sorte de prodigieux retour au mythe de l’androgyne. Le dandysme, c’est donc, en réalité le « troisième sexe ». Fanfarlo est édifiante : 

« Madame, plaignez-moi, ou plutôt plaignez-nous, car j’ai beaucoup de frères de ma sorte ; c’est la haine de tous et de nous-mêmes qui nous a conduits vers ces mensonges. C’est par désespoir de ne pouvoir être nobles et beaux suivant les moyens naturels que nous nous sommes si bizarrement fardé le visage. Nous nous sommes tellement appliqués à sophistiquer notre cœur, nous avons tant abusé du microscope pour étudier les hideuses excroissances et les honteuses verrues dont il est couvert, et que nous grossissons à plaisir, qu’il est impossible que nous parlions le langage des autres hommes. Ils vivent pour vivre, et nous, hélas ! nous vivons pour savoir. »

 Tout le mystère est là. Samuel Cramer expliquant la raison de son maquillage à Mme de Cosmelly.

Ainsi, le maquillage semble être une variante esthétisante du masque. Il est un moyen d’effacer, chez l’homme aussi bien que chez la femme, toute différence sexuelle, il dissimule tel le plus efficace des camouflages, la corruptible et dramatique humanité afin d’en révéler finalement, fût-ce artificiellement la part cachée de divinité. Il cache autant qu’il révèle ; il couvre autant qu’il découvre ; il voile la face autant qu’il dévoile l’esprit ; il enfouit les traits de l’humanité sous un fard de divinité.

Bibliographie sommaire.

S  Kierkegaard: Ou Bien, Ou bien; Traité du désespoir, Journal d'un séducteur.
F Nietzche: Humain trop humain; Le gai savoir, Ainsi parlait Zarathoustra.
C Baudelaire: La Fanfarlo; Fusées; Le peintre de la vie moderne.
O Wilde: Salomé; Le portrait de Dorian Gray; l'Âme humaine sous le régime socialiste.
Jean Paul Enthoven: Les Enfants de Saturne.
H de Balzac: Le triaté de la vie élégante.
J Barbey d'Aurevilly: Du dandisme et de George Brumell.
Marylène Delbourg-Delphis: Masculin singulier.
F Dolto: Le Dandy, solitaire et singulier.
J K Huysmans: A rebours.
Marie christine Natta: Essai sur le dandisme.
Daniel Salvaore Schiffer: Le dandysme dernier éclat de l'héroïsme, Le dandysme un mode d'être, Manifeste Dandy, Philosophie du dandysme. Le dandysme, la création de soi.

Tag(s) : #L'Albert Café, #Dandy, #Sens du mot, #Sören Kierkegaard, #Daniel Salvaore Schiffer, #Charles Baudelaire, #J K Huysmans, #Oscar Wilde, #J Barbey d'Aurevilly

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