«Le désir fleurit, la possession flétrit toute chose.» Marcel Proust
Dans sa pièce de théâtre Caligula, Albert Camus nous donne une vision très pertinente du tandem infernal « posséder, détruire. » C’est au moment où il possède le pouvoir absolu que Caligula est saisi par sa frénésie de destruction. Pour lui le seul moyen de rivaliser avec les dieux, créateurs de l’univers et de la vie, c’est précisément de détruire la vie à travers le meurtre. Et peut-on concevoir un meurtre plus abominable que celui de l’être qui nous a donné la vie ? Caligula atteint l’apogée de son délire de toute puissance au moment où il étrangle sa propre mère. La destruction de ce qu’il possède lui donne l’illusion de devenir un dieu, car l’homme ne peut croire rivaliser avec la puissance créatrice divine que dans sa puissance destructrice. Posséder, détruire est au cœur de ce que j’appelle le complexe de Dieu !
Enfin, le film Le témoin du Mal qui met en scène le démon Azazel pose bien le problème du démon qui possède les être avant de les détruire. Il faut rappeler qu’Azazel à l’instar de Lucifer fait partie de ses anges rebelles qui se sont révoltés contre Dieu. Après leur défaite contre l’armée céleste de Michel, ces derniers ont été jetés à terre, condamné à errer de corps en corps pour échapper à un anéantissement définitif. Ivres de vengeance, ces démons n’ont plus que pour unique but dans l’existence de posséder des êtres vivants qu’ils détruisent ensuite pour entrer dans de nouveaux corps. Posséder, détruire, c’est précisément le mode d’existence des démons…
Descartes, Discours de la méthode
Irais-je assez loin il est vrai qu’à cet égard la mesure est toujours une erreur. Posséder, détruire fait appel à du déjà entendu bien sûr, l’exposition du musée du Louvre en 2000, mais surtout un hommage ostensible à Michel Foucault, le Michel Foucault pessimiste de « Surveiller et Punir » écrit en 1975. Le livre noir de la raison des lumières dont il détaille l’étonnante faillite. Je semblerai, désordonné, brouillon, je ne propose là qu’esquisses de scénario, fragments d’intrigues, ou nous sommes libre d’entrer comme de sortir, ou de ne pas entrer comme de ne jamais sortir. Il n’y a pas d’obligation de lecture des livres doctes, lesquels font profession de certitude. Ici maintenant on prend ou on jette, la liberté n’est pas surveillée. Chaque histoire est un point de départ pour une réflexion. Soit on s’inscrit dans la quête de la vérité, quitte à vouloir la dévêtir, on connaît le chemin, il ne mène nulle part. Ou on extrait les images et les textes de leurs gangues pour les soumettre à la violence de l’interprétation dans un dialogue projectif. Cela peut n’être pas vrai, pas grave, c’est plus productif que la vérité. La vérité vraie n’est jamais vérace…
Premier constat l’art occidental (mais pas seulement) ne sait parler de sexe autrement que sur un seul mode ; celui de la violence. Le mot qui convient est viol. De la renaissance à la
modernité cette iconographie pulsionnelle a persévéré. J’exagère! l’habitude rend aveugle. Il y a un terrorisme de l’art dans sa pratique d’intimidation à coup de discours, de savoir et d’extase
qui conduit au réflexe pavlovien d’un regard sélectif qui finit par ne plus rien voir, qui ne désire plus rien que la cécité béate d’une doxa thuriféraire.