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Avant d'examiner ce que telle ou telle théorie scientifique peut inspirer à un philosophe, je propose de questionner la pratique philosophique elle-même en la renvoyant à la méthode scientifique.

Etre scientifique, c'est se confronter au réel. Et en proposer des théories interprétatives validées suivant des exigences contraignantes. Ces théories peuvent être remplacées, à terme, par d'autres dont on aura établi qu'elles apportent un progrès dans la connaissance (par ex. la mécanique quantique après la mécanique de Newton).

En philosophie, à quoi sommes-nous renvoyés, au juste ? Assumons-nous des critères de vérité ou bien nous donnons-nous le droit de penser n'importe comment suivant notre bon plaisir ? Savons-nous ce que nous faisons quand nous pensons ?

Une construction intellectuelle peut être parfaitement logique, cohérente et en même temps délirante... mais a-t-on le moyen de le «prouver» ?

Il y aurait bien une méthode possible : analyser les présupposés et, surtout, les conséquences de cette construction. Mais c'est précisément ce que nous ne faisons pas. Nous posons-nous la question de savoir si nous sommes prêts à assumer les conséquences de nos discours ? Je pense surtout au relativisme.

D'après Deleuze, la philosophie est autoréférentielle. Ainsi, la philosophie, ou plutôt les philosophes, ne jouent pas le jeu de l'altérité avec le réel. Mais ils se donnent volontiers un statut de métapenseur et une position de toute puissance : ils peuvent « tout remettre en question »... sauf leur propre pratique, sauf la philosophie elle-même. Quelle est donc leur légitimité ? Leurs postures sont-elles discutables ?

Cette pratique philosophique, ou prétendue telle, relève pour moi de la perversion intellectuelle, avec beaucoup de dégâts à la clé. Elle repose sur une déconnection du réel qui occulte toute intelligibilité du monde et aussi toute intelligibilité du sujet. On sait à quoi cela peut conduire sur le terrain idéologique et politique.

Le défaut de culture scientifique des philosophes, à de rares exceptions près, a pour conséquence de continuer à penser comme si la science n'existait pas, y compris la psychanalyse qui a ce point commun avec elle de se confronter au réel d'une expérience. Et c'est finalement la pensée scientifique qui ouvre des voies nouvelles pour nos visions du monde et de nous-même en mettant perpétuellement et radicalement en question ses théories.

Je ne vise pas les cafés philo, où très modestement nous faisons ce que nous pouvons, mais surtout la philosophie de « professionnels » qui initient, alimentent et cautionnent une telle pratique et qui occupent le plus souvent la place sur le marché des « idées ». Cf. les postures de Baudrillard sur le réel par ex. Se débarrasser de la question de la vérité parce qu'elle n'existe pas dans l'absolu, s'affranchir de tout souci de connaissance du réel sous prétexte qu'on ne peut pas l'atteindre dans l'absolu : misère et dangers des petits héritiers de Nietzsche !

Alain Parquet
Tag(s) : #Textes des cafés-philo

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