
Auguste Comte
Le temps de la révolution féminine prophétisé par Auguste Comte semble être arrivé en ce début de troisième Millénaire. Dans La conspiration du Verseau, le livre de référence de la mouvance New Age, la Californienne Marilyn Ferguson a également annoncé l’avènement d’un Nouvel Age du Féminin…Au moyen Age, le mystique Joachim de Flore avait prophétisé la venue de l’Age féminin du Saint Esprit succédant à l’Age du Père et du Fils. Et aujourd’hui, certains astrologues affirment que nous sommes entrés dans le temps cosmique de la Génisse !
Le fait est que dans la conscience populaire de l’humanité les valeurs spirituelles ont toujours été associées aux valeurs féminines un peu comme si le féminin était sacré par essence. Si l’on admet que le sacré se rapporte au divin et au mystère de la vie et de la mort, le lien avec le féminin est assez évident. Comme l’a suggéré la psychanalyste Françoise Dolto, le fait que la femme engendre la vie est de nature à lui donner une aura de sacralité que n’a pas l’homme. Il est probable d’ailleurs que l’homme n’a pas tout de suite su qu’il était pour quelque chose dans la procréation d’où le caractère « magique » de l’accouchement. La thèse consiste à penser qu’au moment où l’homme aurait réalisé sa coopération au miracle de la vie, il se serait retourné contre la femme un peu comme si elle avait été coupable de supercherie. L’homme aurait ainsi inventé les grands mythes cosmologiques où c’est systématiquement un élément féminin qui est à l’origine de la chute et du malheur à l’image de la Tiamat babylonienne, de l’Eve biblique ou de la Pandore grecque…Tout se passe comme si le mâle avait voulu compenser son complexe d’infériorité vis-à-vis de la femelle en s’emparent du pouvoir en abusant de sa plus grande force physique, justifiant ce coup de force par la religion.
En l’occurrence, les religions monothéistes ont férocement combattu les religions païennes en général beaucoup plus favorable au principe féminin. L’Empire romain aurait pu basculer du côté du culte d’Isis, la Grande déesse égyptienne au lieu d’opter pour le christianisme, ce qui aurait certainement changé bien des choses pour la condition des femmes. Jésus lui-m^me a été un défenseur de la cause des femmes, mais l’Eglise ne l’a pas trop suivi dans cette voie, même si depuis, elle a créé le culte de la vierge Marie pour compenser le manque du féminin. Et la casse aux sorcières de la fin du Moyen Age n’a été qu’un nouvel avatar de cette lutte pour la conservation du pouvoir masculin face à l’évidence de la vocation spirituelle féminine plus marquée. Hildegarde de Bingen, Thérèse D’Avila ou encore Catherine de Sienne sont là pour démontrer que la femme possède une aptitude au mysticisme supérieure à l’homme…
Dans la Chine ancienne, c’est le conflit entre le confucianisme phallocratique et le taoïsme plus « féministe » qui a constitué une sorte d’équivalent du conflit entre le monothéisme et polythéisme en Occident. En associant le masculin au Ciel et le féminin à la Terre, le confucianisme a donné une interprétation verticale de la polarité Yin-Yang. Or, le taoïsme a été plus sage certainement en plaçant le couple Yin-Yang sur un plan horizontal, évitant ainsi de privilégier un des termes au détriment de l’autre. C’est par réaction contre le phallocratisme régnant que les taoïstes ont même eu tendance à privilégier le Yin, ce dernier correspondant à l’éthique du Wu Wei, c’est-à-dire du Non agir. Car le Yin, c’est aussi le Vide, l’Ombre, l’Eau et le Passif par opposition au Plein, la Lumière, le Feu et l’Actif. Pour les néo-taoïstes d’aujourd’hui, le monde est malade de son excès de valeurs Yang au détriment des valeurs Yin.
Si on admet que le sacré, c’est aussi ce qui sauve, il va de soi que les valeurs féminines sont sacrées, car elles seules peuvent encore sauver l’humanité d’une destruction bien en cours. Le féminin est sacré parce qu’il est du côté de la Vie et que la Vie est sacrée…
Jean-Luc Berlet
(café-philo du 08 /08/ 07)
(café-philo du 08 /08/ 07)
Illustration
Vénus d'Urbino
Titien (dit), Vecellio Tiziano (1485/88-1576)
Date :1538
Italie, Florence, Galleria degli Uffizi