« Comme ce serait effrayant de pouvoir tout expliquer… » Régine
Olsen
Avec cette question de la vérité, à quoi bon se pose le problème de l’utilité de la vérité. Ainsi que pour un utilitariste comme l’Anglais Jeremy Bentham, il est clair que si la vérité n’est pas utile, il est vain de se préoccuper d’elle. Nietzsche va encore plus loin que Bentham en évoquant le caractère nuisible de la vérité. L’idée de vérité est pour lui une aberration inventée par la métaphysique occidentale afin d’exorciser la peur du chaos. Du coup, Nietzsche ne se pose pas la question de la vérité, à quoi bon, mais tout simplement celle du à quoi bon…A quoi bon vivre si plus rien n’a de sens dans une société fatiguée d’exister ?
Le penseur qui pose implicitement une telle question tout au long de son œuvre, c’est Kierkegaard. En tant que chrétien, le penseur Danois ne peut accepter la posture matérialiste qui consiste à dénier toute valeur à l’idée de vérité. Mais en tant que « père » de l’existentialisme, Kierkegaard ne peut accepter la définition métaphysique traditionnelle de la vérité comme adéquation entre le discours d’un sujet et l’objet visé. Pour lui, la vérité, c’est la subjectivité en tant que telle, c’est-à-dire l’adéquation du sujet avec lui-même. La vérité objective professée par la science ou la philosophie rationnelle n’a aucun intérêt pour Kierkegaard. Ce dernier ironisera sur Hegel en affirmant que ce philosophe répond à tous les problèmes de l’univers, sauf au mien, le seul qui m’intéresse ! En fait, c’est encore Régine Olsen, la fiancée de Kierkegaard qui résume le mieux le fond de sa pensée à travers son cri : « Comme ce serait effrayant de tout pouvoir expliquer ». Le drame, c’est que Régine a prononcé cette phrase pour Kierkegaard, alors qu’elle devait s’appliquer à Hegel, le philosophe qui prétendait tout expliquer par la raison. C’est avec amertume que Kierkegaard constata ce malentendu supplémentaire qui contribua certainement à sa décision de rupture…Car justement pour Kierkegaard aussi la prétention de tout vouloir expliquer est monstrueuse d’où son acharnement contre le Système de Hegel !
Pour Kierkegaard, la vérité n’a aucun intérêt si elle ne coïncide pas avec l’authenticité. Or, l’authenticité c’est la coïncidence de soi avec soi-même ou en d’autre terme la synthèse de mon moi avec moi-même. Selon Kierkegaard une telle synthèse du moi n’est possible que par l’entremise de Dieu. Le Dieu de Kierkegaard est cet être mystérieux qui nous permet miraculeusement d’être unis avec nous même en tant qu’esprit incarné dans un corps. En chrétien conséquent, Kierkegaard rapporte la vérité du côté du mystère de l’incarnation. Ainsi, pour lui le fin mot de la vérité c’est la parole énigmatique du Christ répondant à Ponce Pilate qu’il est la Vie, la Voie et la Vérité…Pour Kierkegaard seule la vérité ainsi posée par le mystère de l’incarnation divine a un sens…Il s’agit précisément d’une Vérité qu’on ne peut expliquer !
Biblio : Nietzsche, Ecce homo – Kierkegaard, Le post-scriptum
Avec cette question de la vérité, à quoi bon se pose le problème de l’utilité de la vérité. Ainsi que pour un utilitariste comme l’Anglais Jeremy Bentham, il est clair que si la vérité n’est pas utile, il est vain de se préoccuper d’elle. Nietzsche va encore plus loin que Bentham en évoquant le caractère nuisible de la vérité. L’idée de vérité est pour lui une aberration inventée par la métaphysique occidentale afin d’exorciser la peur du chaos. Du coup, Nietzsche ne se pose pas la question de la vérité, à quoi bon, mais tout simplement celle du à quoi bon…A quoi bon vivre si plus rien n’a de sens dans une société fatiguée d’exister ?
Le penseur qui pose implicitement une telle question tout au long de son œuvre, c’est Kierkegaard. En tant que chrétien, le penseur Danois ne peut accepter la posture matérialiste qui consiste à dénier toute valeur à l’idée de vérité. Mais en tant que « père » de l’existentialisme, Kierkegaard ne peut accepter la définition métaphysique traditionnelle de la vérité comme adéquation entre le discours d’un sujet et l’objet visé. Pour lui, la vérité, c’est la subjectivité en tant que telle, c’est-à-dire l’adéquation du sujet avec lui-même. La vérité objective professée par la science ou la philosophie rationnelle n’a aucun intérêt pour Kierkegaard. Ce dernier ironisera sur Hegel en affirmant que ce philosophe répond à tous les problèmes de l’univers, sauf au mien, le seul qui m’intéresse ! En fait, c’est encore Régine Olsen, la fiancée de Kierkegaard qui résume le mieux le fond de sa pensée à travers son cri : « Comme ce serait effrayant de tout pouvoir expliquer ». Le drame, c’est que Régine a prononcé cette phrase pour Kierkegaard, alors qu’elle devait s’appliquer à Hegel, le philosophe qui prétendait tout expliquer par la raison. C’est avec amertume que Kierkegaard constata ce malentendu supplémentaire qui contribua certainement à sa décision de rupture…Car justement pour Kierkegaard aussi la prétention de tout vouloir expliquer est monstrueuse d’où son acharnement contre le Système de Hegel !
Pour Kierkegaard, la vérité n’a aucun intérêt si elle ne coïncide pas avec l’authenticité. Or, l’authenticité c’est la coïncidence de soi avec soi-même ou en d’autre terme la synthèse de mon moi avec moi-même. Selon Kierkegaard une telle synthèse du moi n’est possible que par l’entremise de Dieu. Le Dieu de Kierkegaard est cet être mystérieux qui nous permet miraculeusement d’être unis avec nous même en tant qu’esprit incarné dans un corps. En chrétien conséquent, Kierkegaard rapporte la vérité du côté du mystère de l’incarnation. Ainsi, pour lui le fin mot de la vérité c’est la parole énigmatique du Christ répondant à Ponce Pilate qu’il est la Vie, la Voie et la Vérité…Pour Kierkegaard seule la vérité ainsi posée par le mystère de l’incarnation divine a un sens…Il s’agit précisément d’une Vérité qu’on ne peut expliquer !
Biblio : Nietzsche, Ecce homo – Kierkegaard, Le post-scriptum
Jean-Luc Berlet(café philo du 11 février 2009 au St René)
« Sache lecteur de mon présent traité que la foi n’est pas quelque chose qu’on prononce simplement », la foi ne veut pas dire simplement je crois, même
si je crois en dieu, ce n’est pas simplement une affirmation, ce n’est pas un acte de langage. « Mais quelque chose que l’on conçoit dans l’âme » c’est donc d’une compréhension
intellectuelle que je vais habiter. « En croyant que la chose est-elle qu’on la conçoit », tel que je pense dans mon esprit la vérité, mais la notion de vérité signifie qu’il en est
de la même façon dans l’être. La vraie foi c’est le moment ou je conçois que je peux dire que mon discours mental (intellectuel) parfaitement maîtrisé est en adéquation avec ce qu’il en est
de la réalité. « Si donc lorsqu’il s’agit d’opinion vrai, ou réputée tel, tu te contente de l’exprimer en parole sans les concevoir ni les croire », autrement dit soyons clairs,
allons jusqu’à dire, quand tu dis « tu es un », cela on peut le dire toute le journée si on ne s’en fait pas une idée, une idée mentale, intellectuelle Ce n’est pas les croire, il
faut ensuite en avoir la certitude absolue, alors pour le coup c’est un acte de la volonté. Il ne suffit pas de faire une représentation intellectuelle, il faut aussi que j’y porte
l’adhésion, et mentale et du cœur. Il faut que tout mon être tende vers cette vérité que je conçois.
Commentaire du chapitre 50 du premier livre des égarés de Maïmonide.
La vérité est-elle accessible ?
On considère la vérité comme inaccessible si on pense que l'erreur est toujours possible, même là où nous croyons être en présence d'une vérité. Mais n'y a-t-il pas moyen de sortir d'un rapport de simple croyance à la vérité ?
Pourquoi la vérité ne serait-elle pas accessible ?
Le scepticisme affirme qu'aucune vérité n'est accessible. C'est une philosophie qui remonte à l'antiquité grecque, au IV° s. av. JC. Skepsis en grec signifie examen : il ne s'agit donc pas de tout rejeter mais de comprendre pourquoi tout est douteux. Le fondateur de cette philosophie est Pyrrhon, d'où le terme " pyrrhonisme " pour désigner également le scepticisme. Voyons les principaux arguments du scepticisme tendant à l'idée que la vérité est inaccessible.
Pour être sûr que nous avons affaire à une vérité et dépasser le doute, nous admettons habituellement qu'il suffit de prouver une proposition par un raisonnement. Une fois prouvée, la vérité de cette proposition serait établie. Je vais par exemple prouver que Socrate est mortel parce qu'il est un homme et que tous les hommes sont mortels. Mais pour que le raisonnement soit juste, il faut que ses prémisses soient elles même prouvées : qu'est-ce qui prouve que Socrate est bien un homme et que tous les hommes sont mortels ? Il faut donc une preuve de la preuve, puis une preuve de la preuve de la preuve et ainsi de suite à l'infini : toute preuve exige une preuve antérieure, d'où l'idée de régression à l'infini. Aucune preuve ne peut donc établir une vérité absolument.
Les sceptiques avaient déjà formulé l'argument : nous ne savons pas si les sens qui servent de fondement à nos connaissances ne nous trompent pas chaque fois que nous nous y fions, comme c'est le cas lorsque nous sommes en présence d'un mirage. Les connaissances, en tant qu'elles sont fondées sur les sens, sont donc toujours douteuses. D'autre part, les sens nous donnent un accès à la réalité, mais ce n'est jamais directement la réalité que nous connaissons par leur moyen, c'est notre perception de la réalité. C'est pourquoi chacun a sa perception propre du réel et que les avis divergent. La définition de la vérité est la conformité de ce que nous pensons et de la réalité. Mais ce que nous connaissons, c'est la réalité telle qu'elle est pour nous, subjectivement donc, ce n'est pas la réalité en elle-même.
Le scepticisme de Pyrrhon consiste donc à s'installer définitivement dans le doute : "aucune chose n'est plus ceci que cela", du moins telle que nous pouvons la connaître. Mais ce doute n'est pas une inquiétude. Au contraire, pour Pyrrhon, le doute permet de suspendre son jugement (épochè) et ainsi rien n'est plus ni bon, ni mauvais. Cette épochè permet l'ataraxia, c'est-à-dire l'absence de trouble, l'impassibilité face à tout ce qui peut arriver. Pyrrhon vivait simplement dans la société en conformant sa vie extérieure aux opinions communes, tout en gardant intérieurement une indifférence vis-à-vis de ces opinions, en ne les considérant pas comme vraies ou fausses, bonnes ou mauvaises. La critique qu'on peut faire de ce scepticisme est similaire à celle qu'on a vu pour le relativisme. En affirmant que rien n'est vrai, le scepticisme se détruit lui-même : si rien n'est vrai, le scepticisme n'est pas vrai non plus. Si le scepticisme se contredit, voyons ce que l'on peut y répondre.
L'argument de la régression à l'infini implique qu'il n'y aurait pas de vérité possible parce qu'il n'y aurait aucune vérité première autosuffisante, c'est-à-dire qui n'aurait pas besoin de preuve pour être établie. A cela, la philosophie classique (Descartes, Spinoza, Leibniz), autrement dit le rationalisme répond qu'il y a des évidences, des jugements qui n'ont pas besoin d'être prouvés. En effet, une évidence, c'est un jugement qui s'impose à l'esprit de telle sorte qu'on ne peut penser autrement ce qui est jugé.
Pour qu'il y ait évidence, Spinoza montre dans son Traité de la Réforme de l'Entendement qu'il faut que nous soyons en présence d'une idée complète, suffisante en elle-même. Quand je dis par exemple " il n'y a pas de vie E.T. dans l'univers ", j'affirme quelque chose qui dépasse ma connaissance, c'est une idée que Spinoza qualifierait de "mutilée" parce qu'elle ne contient pas en elle-même ce qui la justifie. Une idée est évidente lorsqu'elle contient en elle-même sa propre preuve : ex. "l'homme pense" (E2A2), puisqu'affirmer le contraire serait absurde. Affirmer que l'homme ne pense pas, ce serait en tant qu'être humain, affirmer la pensée que l'homme ne pense pas ! Une évidence n'a pas besoin de preuve extérieure parce qu'elle se prouve elle-même.
De telles évidences pourront servir de fondement stable et suffisant (sans besoin de preuves extérieures) au savoir. Il n'y aura donc pas nécessairement de régression à l'infini. La méthode consistera à ne partir que de ce qui est réellement évident, et ensuite à combiner ces évidences entre elles pour en tirer de nouvelles propositions qui seront des évidences secondaires.
Mais comment être certain que mon idée, même réellement évidente, d'un objet correspond exactement à ce qu'il est en réalité alors que je n'accède à la réalité que par le biais de la perception sensible, sachant que cette perception est toujours ma perception de la réalité, un apparence incomplète, et non la réalité elle-même ?
Une idée vraie doit s'accorder avec ce dont elle est l'idée, c'est selon Spinoza la nature de l'idée vraie mais non pas la façon de la produire : l'idée vraie n'est pas une copie de la réalité. Pour savoir qu'une idée certaine est en même temps une idée vraie, c'est-à-dire conforme à la réalité, Spinoza montre qu'il suffit d'avoir des idées adéquates. Une idée adéquate est " une idée qui, considérée en soi et sans regard à son objet, a toutes les propriétés d'une idée vraie".
La vérité qualifie ce qui est vrai.
Pour répondre à la question qu'est-ce que la vérité ? distinguons :
Ce que nous disons vrai ou faux : à quoi donnons nous la qualité d'être vrai ? quelle est la nature des réalités auxquelles nous donnons notre assentiment en les disant vraies ? Des propositions ; des croyances ; des pensées et des opinions.
La vérité semble donc s'exprimer dans le langage et ne pas pouvoir exister en dehors ; ainsi, dire quelque chose de vrai, ce serait faire apparaitre littéralement la vérité.
La vérité au sens a été définie par Aristote dans De l'Interprétation, œuvre où il analyse la formation des propositions logiques, c'est-à-dire les parties du discours susceptibles d'être vraies ou fausses. Une proposition est vraie quand on dit que ce qui est est ou que ce qui n'est pas n'est pas ; elle est fausse quand on dit que ce qui est n'est pas ou que ce qui n'est pas est. Cette vérité est appelée aussi la vérité correspondance. Ce type de vérité concerne la recherche scientifique. Cette conception est fortement réaliste, car nous disons par exemple que le chat est sur le tapis est vrai parce qu'il est sur le tapis, et non l'inverse.
Le problème est alors de savoir ce qu'il faut entendre par correspondance. Une proposition vraie est-elle vraie parce qu'elle ressemble à ce qu'elle signifie ? Non, car une proposition est faite de mots qui ne ressemblent pas à des faits. C'est donc que le sens de la proposition exprimerait quelque chose de la réalité ; mais le problème de cette théorie est de savoir comment cela est possible.
La vérité qui se rencontre en métaphysique et en théologie consiste a déduire d'un ensemble d'hypothèses ou de faits d'expérience, une condition elle-même inconditionnée. Dieu, les Idées, l'âme, le commencement absolu du monde, et même la conscience en tant que fondement de la connaissance …
La vérité comme la justification d'une croyance ou d'un avis, comme, par exemple, la croyance morale, qui n'est ni un fait, ni une cohérence interne d'un discours logique. C'est une opinion, ou doxa, qui nous paraît comme véritable. On peut douter qu'il s'agisse là vraiment de vérité.
Sciences humaines et sciences de la nature nous montre cependant que le monde obéit à des lois. Nos comportements suivent des règles, notre psychisme se développe selon des normes, la nature suit des lois. Nous ne pourrions pas survivre ni rien construire sans cette stabilité tangible. Il existe donc bien une Réalité, même si nous ne l'appréhendons que de manière floue, même si nous devons sans cesse réajuster nos connaissances. Personne ne détient la vérité absolue, mais cela n'implique pas qu'une Vérité objective n'existe pas.
Toutefois, il nous est impossible d'entreprendre la recherche de la vérité en nous appuyant sur notre seule raison ou encore sur notre expérience, car cela nous conduirait inévitablement à l'illusion. Nous ne pouvons connaître qu'imparfaitement. Nous sommes tributaires du progrès technique, de nos sens trompeurs, et nous ne pouvons faire abstraction de notre subjectivité.
Le rationalisme qui prétend pouvoir tout expliquer n'est pas satisfaisant. Par un autre chemin que celui de la philosophie sophiste, cette pensée postule de façon identique que l'homme peut appréhender seul la vérité. Or rien n'est moins sûr.
Alors, où se trouve la vérité ?
Commentaire du chapitre 50 du premier livre des égarés de Maïmonide.
La vérité est-elle accessible ?
On considère la vérité comme inaccessible si on pense que l'erreur est toujours possible, même là où nous croyons être en présence d'une vérité. Mais n'y a-t-il pas moyen de sortir d'un rapport de simple croyance à la vérité ?
Pourquoi la vérité ne serait-elle pas accessible ?
Le scepticisme affirme qu'aucune vérité n'est accessible. C'est une philosophie qui remonte à l'antiquité grecque, au IV° s. av. JC. Skepsis en grec signifie examen : il ne s'agit donc pas de tout rejeter mais de comprendre pourquoi tout est douteux. Le fondateur de cette philosophie est Pyrrhon, d'où le terme " pyrrhonisme " pour désigner également le scepticisme. Voyons les principaux arguments du scepticisme tendant à l'idée que la vérité est inaccessible.
Pour être sûr que nous avons affaire à une vérité et dépasser le doute, nous admettons habituellement qu'il suffit de prouver une proposition par un raisonnement. Une fois prouvée, la vérité de cette proposition serait établie. Je vais par exemple prouver que Socrate est mortel parce qu'il est un homme et que tous les hommes sont mortels. Mais pour que le raisonnement soit juste, il faut que ses prémisses soient elles même prouvées : qu'est-ce qui prouve que Socrate est bien un homme et que tous les hommes sont mortels ? Il faut donc une preuve de la preuve, puis une preuve de la preuve de la preuve et ainsi de suite à l'infini : toute preuve exige une preuve antérieure, d'où l'idée de régression à l'infini. Aucune preuve ne peut donc établir une vérité absolument.
Les sceptiques avaient déjà formulé l'argument : nous ne savons pas si les sens qui servent de fondement à nos connaissances ne nous trompent pas chaque fois que nous nous y fions, comme c'est le cas lorsque nous sommes en présence d'un mirage. Les connaissances, en tant qu'elles sont fondées sur les sens, sont donc toujours douteuses. D'autre part, les sens nous donnent un accès à la réalité, mais ce n'est jamais directement la réalité que nous connaissons par leur moyen, c'est notre perception de la réalité. C'est pourquoi chacun a sa perception propre du réel et que les avis divergent. La définition de la vérité est la conformité de ce que nous pensons et de la réalité. Mais ce que nous connaissons, c'est la réalité telle qu'elle est pour nous, subjectivement donc, ce n'est pas la réalité en elle-même.
Le scepticisme de Pyrrhon consiste donc à s'installer définitivement dans le doute : "aucune chose n'est plus ceci que cela", du moins telle que nous pouvons la connaître. Mais ce doute n'est pas une inquiétude. Au contraire, pour Pyrrhon, le doute permet de suspendre son jugement (épochè) et ainsi rien n'est plus ni bon, ni mauvais. Cette épochè permet l'ataraxia, c'est-à-dire l'absence de trouble, l'impassibilité face à tout ce qui peut arriver. Pyrrhon vivait simplement dans la société en conformant sa vie extérieure aux opinions communes, tout en gardant intérieurement une indifférence vis-à-vis de ces opinions, en ne les considérant pas comme vraies ou fausses, bonnes ou mauvaises. La critique qu'on peut faire de ce scepticisme est similaire à celle qu'on a vu pour le relativisme. En affirmant que rien n'est vrai, le scepticisme se détruit lui-même : si rien n'est vrai, le scepticisme n'est pas vrai non plus. Si le scepticisme se contredit, voyons ce que l'on peut y répondre.
L'argument de la régression à l'infini implique qu'il n'y aurait pas de vérité possible parce qu'il n'y aurait aucune vérité première autosuffisante, c'est-à-dire qui n'aurait pas besoin de preuve pour être établie. A cela, la philosophie classique (Descartes, Spinoza, Leibniz), autrement dit le rationalisme répond qu'il y a des évidences, des jugements qui n'ont pas besoin d'être prouvés. En effet, une évidence, c'est un jugement qui s'impose à l'esprit de telle sorte qu'on ne peut penser autrement ce qui est jugé.
Pour qu'il y ait évidence, Spinoza montre dans son Traité de la Réforme de l'Entendement qu'il faut que nous soyons en présence d'une idée complète, suffisante en elle-même. Quand je dis par exemple " il n'y a pas de vie E.T. dans l'univers ", j'affirme quelque chose qui dépasse ma connaissance, c'est une idée que Spinoza qualifierait de "mutilée" parce qu'elle ne contient pas en elle-même ce qui la justifie. Une idée est évidente lorsqu'elle contient en elle-même sa propre preuve : ex. "l'homme pense" (E2A2), puisqu'affirmer le contraire serait absurde. Affirmer que l'homme ne pense pas, ce serait en tant qu'être humain, affirmer la pensée que l'homme ne pense pas ! Une évidence n'a pas besoin de preuve extérieure parce qu'elle se prouve elle-même.
De telles évidences pourront servir de fondement stable et suffisant (sans besoin de preuves extérieures) au savoir. Il n'y aura donc pas nécessairement de régression à l'infini. La méthode consistera à ne partir que de ce qui est réellement évident, et ensuite à combiner ces évidences entre elles pour en tirer de nouvelles propositions qui seront des évidences secondaires.
Mais comment être certain que mon idée, même réellement évidente, d'un objet correspond exactement à ce qu'il est en réalité alors que je n'accède à la réalité que par le biais de la perception sensible, sachant que cette perception est toujours ma perception de la réalité, un apparence incomplète, et non la réalité elle-même ?
Une idée vraie doit s'accorder avec ce dont elle est l'idée, c'est selon Spinoza la nature de l'idée vraie mais non pas la façon de la produire : l'idée vraie n'est pas une copie de la réalité. Pour savoir qu'une idée certaine est en même temps une idée vraie, c'est-à-dire conforme à la réalité, Spinoza montre qu'il suffit d'avoir des idées adéquates. Une idée adéquate est " une idée qui, considérée en soi et sans regard à son objet, a toutes les propriétés d'une idée vraie".
La vérité qualifie ce qui est vrai.
Pour répondre à la question qu'est-ce que la vérité ? distinguons :
Ce que nous disons vrai ou faux : à quoi donnons nous la qualité d'être vrai ? quelle est la nature des réalités auxquelles nous donnons notre assentiment en les disant vraies ? Des propositions ; des croyances ; des pensées et des opinions.
La vérité semble donc s'exprimer dans le langage et ne pas pouvoir exister en dehors ; ainsi, dire quelque chose de vrai, ce serait faire apparaitre littéralement la vérité.
- "La première signification de Vrai et de Faux semble avoir son origine dans les récits ; et l’on a dit vrai un récit, quand le fait raconté était réellement arrivé ; faux, quand le fait raconté n’était arrivé nulle part. Plus tard, les philosophes ont employé le mot pour désigner l’accord d’une idée avec son objet ; ainsi, l’on appelle idée vraie celle qui montre une chose comme elle est en elle-même ; fausse, celle qui montre une chose autrement qu’elle n’est en réalité. Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l’esprit. Et de là on en est venu à désigner de la même façon, par métaphore, des choses inertes ; ainsi, quand nous disons de l’or vrai ou de l’or faux, comme si l’or qui nous est présenté racontait quelque chose sur lui-même, ce qui est ou n’est pas en lui."
La vérité au sens a été définie par Aristote dans De l'Interprétation, œuvre où il analyse la formation des propositions logiques, c'est-à-dire les parties du discours susceptibles d'être vraies ou fausses. Une proposition est vraie quand on dit que ce qui est est ou que ce qui n'est pas n'est pas ; elle est fausse quand on dit que ce qui est n'est pas ou que ce qui n'est pas est. Cette vérité est appelée aussi la vérité correspondance. Ce type de vérité concerne la recherche scientifique. Cette conception est fortement réaliste, car nous disons par exemple que le chat est sur le tapis est vrai parce qu'il est sur le tapis, et non l'inverse.
Le problème est alors de savoir ce qu'il faut entendre par correspondance. Une proposition vraie est-elle vraie parce qu'elle ressemble à ce qu'elle signifie ? Non, car une proposition est faite de mots qui ne ressemblent pas à des faits. C'est donc que le sens de la proposition exprimerait quelque chose de la réalité ; mais le problème de cette théorie est de savoir comment cela est possible.
La vérité qui se rencontre en métaphysique et en théologie consiste a déduire d'un ensemble d'hypothèses ou de faits d'expérience, une condition elle-même inconditionnée. Dieu, les Idées, l'âme, le commencement absolu du monde, et même la conscience en tant que fondement de la connaissance …
La vérité comme la justification d'une croyance ou d'un avis, comme, par exemple, la croyance morale, qui n'est ni un fait, ni une cohérence interne d'un discours logique. C'est une opinion, ou doxa, qui nous paraît comme véritable. On peut douter qu'il s'agisse là vraiment de vérité.
Sciences humaines et sciences de la nature nous montre cependant que le monde obéit à des lois. Nos comportements suivent des règles, notre psychisme se développe selon des normes, la nature suit des lois. Nous ne pourrions pas survivre ni rien construire sans cette stabilité tangible. Il existe donc bien une Réalité, même si nous ne l'appréhendons que de manière floue, même si nous devons sans cesse réajuster nos connaissances. Personne ne détient la vérité absolue, mais cela n'implique pas qu'une Vérité objective n'existe pas.
Toutefois, il nous est impossible d'entreprendre la recherche de la vérité en nous appuyant sur notre seule raison ou encore sur notre expérience, car cela nous conduirait inévitablement à l'illusion. Nous ne pouvons connaître qu'imparfaitement. Nous sommes tributaires du progrès technique, de nos sens trompeurs, et nous ne pouvons faire abstraction de notre subjectivité.
Le rationalisme qui prétend pouvoir tout expliquer n'est pas satisfaisant. Par un autre chemin que celui de la philosophie sophiste, cette pensée postule de façon identique que l'homme peut appréhender seul la vérité. Or rien n'est moins sûr.
Alors, où se trouve la vérité ?